Les écologistes et Matignon II

« Ce projet pharaonique n’a pas sa place dans le monde du changement climatique »

18 octobre 2010

Koopérative Ekologie Réunion, la direction réunionnaise d’Europe écologie et la Fédération des élu(es) Verts et Ecologistes ont tenu hier une conférence de presse pour donner la position des écologistes face à la signature de l’accord entre Didier Robert et François Fillon jeudi à Matignon. Ils dénoncent la suppression du tram-train et le basculement des crédits du transport collectif vers une route pharaonique pour satisfaire les intérêts du lobby de l’automobile.

+72% pour la route et -80% au détriment des transports collectifs : voilà le changement fondamental introduit par "Matignon II" qui supprime le tram-train.
Hier à Saint-Gilles, Jean-Pierre Marchau et Christophe Pomez ont donné la position des écologistes sur le document signé jeudi à Matignon par Didier Robert et François Fillon. Les écologistes dénoncent un accord catastrophique, car donnant la priorité au tout-routier. « Les accords de Matignon 2010 entérinent le démantèlement du tram train au profit de la route du littoral dont le coût explose, passant de 930 millions en 2007 à 1,6 milliard d’euros aujourd’hui », affirment-ils et rappelant la contradiction avec le volet transport du Contrat de Projets Etat-Région 2007-2013 qui précisait que : « l’amélioration des conditions de transport et de circulation est indispensable à la poursuite des activités humaines et économiques à La Réunion. C’est pourquoi La Réunion doit se doter, le plus rapidement possible, d’un moyen de transport alternatif au tout automobile ».

« On voit que si 65 % des financements de 2007 étaient affectés au Tram Train contre 35 % à la route, en 2010, c’est plus de 86 % du financement qui va à la Route contre 14 % aux bus », ajoutent les écologistes, « on bascule donc d’un Accord centré sur le transport en commun à un accord pour l’essentiel dévolu au déplacement routier en général et automobile en particulier ».

Et de souligner que « les 250 millions du dénommé "Trans-Eco-Express" sont anecdotiques et bien éloignés des 650 millions d’euros annoncés par Didier Robert durant sa campagne électorale ».

Première conclusion : « le bilan de Matignon II, c’est + 72% sur la route et – 80% pour les modes de transports collectifs ! »

Un projet mort-né

Au-delà des incertitudes politiques et financières (avec un chiffrage manifestement sous-estimé de son coût final) qui pèsent sur la réalisation de la nouvelle route du Littoral, quelle est la pertinence des choix du nouveau Président de Région dans le contexte du changement climatique.

« Le monde de demain ne sera pas le même que celui d’aujourd’hui », rappellent Jean-Pierre Marchau et Christophe Pomez, « les politiques d’adaptation qui se mettent en place partout dans le monde pour relever les grands défis qui s’annoncent, utilisent les critères de la vulnérabilité » au changement climatique pour déterminer si un grand projet constitue un investissement viable ou non ». C’est le "climate proofing" auquel tous les investisseurs étalonnent les grands projets d’infrastructure.

« Une route à six voies sur viaducs en mer, est-elle "climate proofing" ? », interrogent les écologistes, « la multiplication des cyclones et l’augmentation prévisible de leur puissance ainsi que la montée des océans, voilà des éléments qui risquent de rendre obsolète, avant même que des travaux soient entamés, le projet de Didier Robert, d’autant plus que si cette route était effectivement achevée 2020 ». Et qu’en serait-il alors de son coût pour les usagers avec le renchérissement prévisible des hydrocarbures pendant sa durée de vie, entre 2020 et 2050-2060, constatent les écologiste : « ce projet pharaonique n’a pas sa place dans le monde du changement climatique ».


1 milliard d’euros retiré au transport collectif et 670 millions d’euros de plus pour une route en mer, voici le transfert opéré par l’accord signé par Didier Robert et François Fillon.


Montage ou maquillage financier ?

Outre ce choix stratégique, KER et Europe écologie constate que le maintien de l’enveloppe contractualisée en 2007 n’est atteinte qu’au prix d’un tour de passe-passe qui ne trompe personne : « il faut mettre de côté les 350 millions d’euros des aéroports dont l’essentiel provient de la société aéroportuaire et de l’Europe, et qui n’ont été inclus dans le nouveau protocole que pour parvenir au même montant que 2007, 2,2 milliards et à donner ainsi l’illusion qu’aucun centime d’euro n’a été perdu ».

Le montage financier de Matignon 2 est donc surtout une opération de maquillage qui résiste mal à une analyse sérieuse.
Dans l’accord de 2007, la Région consacrait 191 millions d’euros sur les 930 millions de la nouvelle route du littoral (les 406 millions prévus se décomposaient en 215 millions au titre du péage perçu par le concessionnaire et 191 millions versés par la Région). Didier Robert, en supprimant le péage, se prive donc de 215 millions. Les nouveaux accords prévoient 669 millions au titre de la Région, soit une augmentation de 350 % (!) par rapport à 2007 pour une route qui est désormais évaluée à 1,6 milliards d’euros ! « Et quand Didier Robert se félicite bruyamment que la Région abaisse sa participation financière par rapport à 2007, il oublie de rappeler que c’est parce qu’il a sacrifié le Tram Train », concluent les écologistes.


Un million de voitures dans 10 ans

En décidant par pure démagogie de renoncer au péage, Didier Robert va faire payer la route par tous les Réunionnais, même par ceux qui n’ont pas de voiture, mais ce choix revient surtout à faire payer à la société réunionnaise tout entière les coûts externes de l‘automobile.

En effet le choix d’un mode de déplacement impose un coût individuel aux usagers (carburant, tarif des transports publics) mais impose aussi à la société dans son ensemble un coût collectif, un coût externe, non directement supporté par l’usager, mais payé par l’ensemble de la collectivité sous formes d’impôts. Ces coûts externes regroupent les coûts associés : usure de la chaussée, pollution de l’air, bruit, congestion du trafic, accidents de la circulation, soins de santé, et enfin émission de gaz à effet de serre. Les études menées montrent que le coût externe de la voiture est en moyenne 16 fois supérieur à celui du tramway et près de 4 fois supérieur à celui des bus. Avec l’appel d’air en faveur de l’automobile créé par un financement quasi entièrement dédié à la route, il y aura en 2020, entre 800.000 et un million de véhicules particuliers à La Réunion.


Pour des accords de Matignon III

Les écologistes dénoncent l’absurdité des engagements de Matignon II. Ils proposent un "Matignon III" écologique, pour cela il faut résolument basculer les crédits obtenus vers des solutions "climate proofing".

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