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Chômage, pauvreté et inégalités déclencheurs de violences contre des symboles de l’autorité
Pompiers et policiers cibles de jets de pierre à Saint-André
lundi 26 septembre 2022, par
Vendredi soir à Saint-André, des pompiers sont intervenus pour éteindre une poubelle en feu. C’était en réalité un guet-apens. Les pompiers ont été la cible de jets de pierre, tout comme les policiers qui sont intervenus ensuite. Ce type de violences qui existe en France depuis de nombreuses années est importé à La Réunion, avec des graves conséquences. C’est un effet d’un système qui rejette la majorité des jeunes dans le chômage, et la moitié de la population dans la précarité à vie. D’où l’importance de faire de la lutte contre la pauvreté, les inégalités et pour le plein emploi la priorité des politiques publiques afin de désamorcer ce phénomène importé de France. Un phénomène qui risque de détruire le « vivre-ensemble » tant vanté pour caractériser La Réunion.
Cela fait déjà de nombreuses années qu’en France, pompiers et policiers sont la cible de guet-apens par des jeunes qui veulent en découdre. Ce phénomène touche essentiellement des quartiers caractérisés par un fort taux de chômage, où la population se sent abandonnée par le pouvoir. Le procédé est classique. Une poubelle ou du mobilier urbain est incendié. Les pompiers qui interviennent tombent alors dans une embuscade. Des policiers sont alors appelés à la rescousse. Leur arrivée déclenche une bataille rangée où les personnes en uniforme sont la cible de projectiles. Pompiers et fonctionnaires de police sont vus comme des représentants de l’autorité. Ils sont le réceptacle de la violence contre le système. Auparavant, ce type de fait divers était quelquefois évoqué dans les journaux télévisés en France. Avec le développement de l’Internet, ces actes sont désormais largement médiatisés en dehors de la France, notamment dans notre île.
Les causes sont connues
Ce phénomène français est désormais importé à La Réunion. C’est ce que rappellent les faits qui se sont déroulés vendredi soir à Saint-André. La même technique qu’en France a été utilisée : un feu de poubelle, puis les pompiers caillassés, tout comme les policiers arrivés pour protéger les soldats du feu. Ces faits de violence ont été largement condamnés, et les appels à la répression sont nombreux. Mais répondre à la violence par la violence ne permettra pas de juguler ce phénomène dans les causes sont structurelles.
Outre l’assimilation à la France qui pousse à reproduire à La Réunion des actes perpétrés dans ce pays situé de l’autre côté de l’Afrique, les causes de ces violences sont connues. Pompiers et policiers portent un uniforme. Aux yeux des jeunes qui les visent, ils représentent l’autorité. Ils sont la partie la plus visible d’un pouvoir qui ne répond pas à leurs attentes.
Les jeunes victimes d’une situation sociale « hors normes »
Or à La Réunion, la situation des jeunes est encore plus grave qu’en France. Plus de la moitié des moins de 25 ans qui sont sortis de l’école sont au chômage. Un Réunionnais de moins de 18 ans sur deux vit dans une famille située sous le seuil de pauvreté. C’est une situation sociale « hors normes » pour reprendre les termes d’une étude du Conseil général et de l’INSEE en date de 2013.
Pendant ce temps, une minorité de la population a des revenus suffisamment importants pour vivre confortablement dans ce système. Ces inégalités sont visibles de tous et cette situation n’est pas nouvelle. Elle a notamment pour conséquence une défiance toujours plus grande envers des symboles. Il suffit de constater l’effondrement du taux de participation aux élections, en particulier chez les jeunes. Si les urnes ne sont plus le moyen d’expression privilégié, alors d’autres modes sont utilisés qui échappent à tout contrôle. D’où le risque toujours plus grand de dérapage, avec des violences qui augmentent.
Plus de 50 ans de chômage de masse
Les moyens pour mettre fin à ces violences sont connus eux aussi : la lutte contre la pauvreté et une politique pour le plein emploi.
Il est évident que si ces jeunes avaient un emploi suffisamment rémunéré la journée, ils ne perdraient pas leur temps à organiser la nuit des guets-apens pour en découdre avec des gens en uniforme. Ils seraient tranquillement chez eux en train de s’occuper de leur famille, de passer un bon moment avec des amis ou de dormir.
Mais le plein emploi et la lutte contre la pauvreté ne sont pas les priorités du système en place à La Réunion. C’est ce que souligne le fait que depuis le milieu des années 1970, au moins le quart des travailleurs sont au chômage. Aujourd’hui, l’emploi stable et correctement payé ne concerne qu’une moitié de la population. Pour l’autre moitié, c’est la précarité à vie.
Priorité au plein emploi et à la lutte contre la pauvreté
Dans ces conditions, il faut saluer l’existence à La Réunion d’une solidarité qui a permis jusqu’à présent d’éviter l’explosion sociale. Mais cette solidarité a ses limites. Manifestement, l’accumulation de dizaines d’années de chômage et de pauvreté est une violence qui est de moins en moins supportée par cette solidarité. Comme le rappelait le député Philippe Naillet lors du rassemblement organisé le 21 septembre dernier lors de la Journée internationale pour la Paix, le risque le plus grand est le délitement de la société réunionnaise à cause de la fracture sociale.
Le « vivre ensemble » tant vanté pour décrire La Réunion est en danger. La lutte contre la pauvreté et pour le plein emploi sont les seuls moyens de le préserver.
M.M.