Éclairage sur un recours en annulation des élections —1—

Comment un moyen illégal a réussi à briser la dynamique créée autour des projets de l’Alliance

3 avril 2010, par Manuel Marchal

La publication des premiers sondages ont été un désaveu pour la stratégie de Didier Robert, candidat officiellement investi par le président de la République. Pour tenter d’empêcher une défaite inéluctable, il fallait briser la dynamique de très large adhésion que l’Alliance avait réussi à susciter autour de ses projets. Pour cela, un ministre de la République a été chargé de répandre une fausse nouvelle à une semaine de l’élection, sans que l’Alliance n’ait les moyens de rétablir la vérité.

Lors de ces élections régionales, l’UMP a mis le paquet à La Réunion. En janvier, c’est le président de la République en personne qui fait 10.000 kilomètres pour inaugurer quelques palmiers au Tampon. En dehors du programme de la presse nationale, cette séquence était à montrer à l’opinion réunionnaise que Didier Robert était le candidat soutenu par le président de la République. Cette implication du plus haut responsable de l’État dans le début d’une campagne électorale régionale à La Réunion était sans précédent. Le ton était donné, Didier Robert candidat officiel.
Mais malgré le renfort permanent de deux envoyés spéciaux de l’UMP en mission à La Réunion, les premiers sondages ne sont pas favorables à Didier Robert. Ce dernier a décidé de faire de la casse des projets, son axe de campagne. Or, cette idée repose sur une analyse erronée de la situation. En effet, les Réunionnais sont très majoritairement pour le tram-train, tout comme ils soutiennent désormais majoritairement la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise. Cette adhésion se retrouve dans les intentions de vote. Ainsi, l’Alliance est créditée d’une avance comprise entre 15 et 20 points sur la liste de Didier Robert, alors que six ans plus tôt, la liste UMP accusait un retard de 10 points sur celle de l’Alliance au premier tour.
Si ces sondages se confirmaient dans les urnes, alors ce revers ne concernerait pas uniquement Didier Robert, mais il rejaillirait jusqu’au plus haut sommet de l’État, car Nicolas Sarkozy s’est impliqué personnellement dans le lancement de la campagne de Didier Robert.

Pour l’UMP, il faut donc d’urgence briser cette dynamique. Et le parti présidentiel n’a pas lésiné sur les moyens. Il décide d’envoyer pour quelques heures Christian Estrosi, ministre de l’Industrie, pour tenir un meeting aux côtés de Didier Robert une semaine avant le scrutin. Mais au lieu de laisser sa fonction ministérielle à l’écart de la campagne électorale, Christian Estrosi allait l’utiliser à fond dans un but partisan, ressuscitant ainsi l’époque où le pouvoir central n’hésitait pas à utiliser les moyens de l’État pour soutenir les candidats officiels.
Il déclare ainsi que ce n’est pas uniquement le ministre de l’Industrie qui s’exprime par sa voix, mais aussi Nicolas Sarkozy et François Fillon, et Christian Estrosi annonce que la dotation ferroviaire n’existera pas, ce qui empêchera la réalisation du tram-train.

Pas le temps ni le moyen de répliquer

Cette déclaration est une fausse nouvelle, et en une semaine, l’Alliance n’a pas la possibilité de répliquer. En effet, pour contrebalancer dans l’opinion l’impact des déclarations mensongères d’un ministre qui prétend parler au nom du président de la République et du Premier ministre, il aurait fallu qu’une autre ministre de la République en exercice vienne à La Réunion pour rétablir publiquement la vérité, à savoir que l’état des discussions entre la Région et le gouvernement laisse entrevoir une issue favorable pour le versement d’une dotation de fonctionnement au tram-train. Une dotation qui n’est pas exceptionnelle, car versée à toutes les Régions de France qui ont un chemin de fer sur leur territoire.
Mais aucun ministre n’est venu rétablir la vérité des faits, laissant prospérer dans l’opinion la fausse idée selon laquelle le tram-train ne se fera pas. Cette méthode a eu pour résultat d’entamer la crédibilité de l’Alliance, et de démobiliser une frange non négligeable de l’électorat. La dynamique de l’Alliance acquise dans le respect des règles démocratiques était cassée par un artifice totalement illégal. Cela se vérifie le soir du premier tour. Alors que l’écart donné par le sondage ayant l’échantillon le plus large donnait jusqu’à 19 points d’avance à l’Alliance avant que l’impact de la déclaration du ministre de l’Industrie puisse avoir ses effets, l’Alliance n’avait plus que 4 points d’avance le 14 mars. Ce résultat rendait possible un basculement à condition que des ralliements puissent montrer que la dynamique était du côté de Didier Robert. C’est là qu’entre en scène Eric Magamootoo.

(à suivre)

Manuel Marchal

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