Commission Attali : un rapport pour rien

22 octobre 2007

La commission Attali a rendu son rapport d’étape lundi 15 octobre. Sa mission : proposer une série de mesures destinées à libérer la croissance. Analyse.

Premier constat : on ressent un certain sentiment de cacophonie en entendant Jacques Attali recommander de retirer de la Constitution le principe de précaution au moment même où s’achève le Grenelle de l’Environnement ! Nathalie Kosciusko-Morizet, la Secrétaire d’Etat à l’Ecologie, passe au même moment tout son temps à expliquer que la prise en compte des exigences du développement durable n’est pas un frein à la croissance, mais, au contraire, une condition de sa pérennité...

Mais, trêve d’ironie, l’exercice auquel s’est livrée la commission Attali était par essence difficile. Sa lettre de mission lui demandait d’identifier les freins à la croissance française. Avec pour objectif implicite de trouver les mesures qui pourraient permettre au pays d’élever son taux de croissance d’un point par an d’ici 2012. Une mission quasi-impossible...
Nous avons en effet appris au cours des trois dernières décennies que la croissance ne se décrète pas. Elle dépend à moyen, long terme, du taux de croissance de la population active et des gains de productivité. La première croit désormais très faiblement, quant aux seconds, ils sont nécessairement limités dans une société où plus de 75% de la population active travaillent dans les services. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire : depuis 5 ans, la croissance française a été légèrement inférieure à son potentiel, d’où le maintien du chômage a un niveau élevé.
Un meilleur réglage de la politique économique, au niveau français comme européen, permettrait sans doute de gagner un demi-point de croissance, soit plus de 100.000 créations d’emplois supplémentaires par an. Au-delà, on pourrait sans doute gagner un autre demi-point en menant une action résolue contre l’échec scolaire, en développant la formation continue et la recherche, en agissant pour améliorer le fonctionnement du marché du travail. Mais la politique économique ne dépend pas que de nous, et l’action sur les structures suppose un engagement fort, qui n’est que très partiellement au rendez-vous aujourd’hui, et qui, s’il l’était, ne produirait pas d’effets immédiats comme vient de nous l’expliquer un récent rapport du Conseil d’analyse économique. Investir dans l’éducation, c’est semer une récolte qui sera engrangée par vos successeurs...

Il fallait donc trouver quelques mesures à effet immédiat. C’est ainsi qu’on retrouve dans le rapport le même catalogue de mesures libérales rassemblées déjà dans de nombreux rapports antérieurs, et notamment une libéralisation de la distribution dont on attend des baisses de prix, et donc une hausse du pouvoir d’achat. En fait, la libéralisation des règles applicables en matière d’urbanisme commercial (et/ou d’horaires d’ouverture des magasins) devrait surtout avoir pour effet d’engendrer une hypertrophie de l’appareil commercial. Il n’en résultera pas nécessairement plus de concurrence et de baisse des prix, mais, en revanche, cela pourrait contribuer à développer l’emploi dans le commerce, avec le risque qu’il s’agisse d’emplois sous-rémunérés comme on l’observe aux Etats-Unis.
L’autre priorité affichée consiste à développer l’offre de logement. Une nécessité qui fait consensus. Reste à savoir sous quelle forme. La proposition de développer 10 “ecopolis” villes nouvelles satisfaisant à toutes les exigences du moment (écologique, high-tech et mixte socialement) fait sourire. Sans doute un grand conseiller écrivant un grand rapport pour un grand président se devait de proposer des grandes mesures.
Soyons sérieux : la priorité aujourd’hui n’est pas de bâtir des villes nouvelles. Elle est d’abord de moderniser le parc ancien et d’orienter la dynamique naturelle d’accroissement des grandes agglomérations pour les rendre l’un et l’autre écologiquement et socialement corrects. Un investissement colossal et très riche en emploi, tout à fait de nature à tirer la croissance vers le haut. En revanche, pour terminer sur une note positive, les mesures permettant d’assurer une meilleure mobilité des ménages vont dans le bon sens. Il est en effet contradictoire de vouloir rendre les Français à la fois plus mobiles et tous propriétaires de leur logement alors que la fiscalité sur les mutations - ce qu’on appelle les frais de notaire appliqués lors de la vente d’un bien immobilier - demeure aussi lourde. Quant aux locataires, on peut approuver l’idée de leur faciliter la mobilité, à condition toutefois qu’en contrepartie, leurs droits ne soient pas rognés.

Philippe Frémeaux
“Alternatives Economiques”


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