Déni démocratique avec le 49-3

Condamnation de la méthode et craintes sur les conséquences

26 juillet 2004

Jean-Pierre Raffarin a donc pris la décision de recourir au 49-3 sur le projet de loi de décentralisation. Dans ses commentaires à ce sujet, la presse métropolitaine de samedi mettait l’accent sur “l’avortement” du débat sur ce texte gouvernemental.

Mais c’est au sein de l’opposition que les réactions et commentaires sont les plus nombreux et les plus vifs.
Après le dépôt d’une motion de censure par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, président du groupe, insinuait : "Jean-Pierre Raffarin donne l’impression de quelqu’un qui va ou qui veut partir, et qui va faire des erreurs politiques qui seront préjudiciables, non seulement au gouvernement et à la majorité, mais aussi aux Français".

Cause toujours...

Les présidents de Région socialistes ont fait part de leur colère. Ainsi, Martin Malvy, président du Conseil régional de Midi-Pyrénées, a estimé que Jean-Pierre Raffarin "portera la responsabilité d’une décentralisation ratée et d’une flambée de la fiscalité régionale, dont tous les citoyens français auront à pâtir". Jean-Pierre Massenet, président du Conseil régional de Lorraine, souligne pour sa part que les socialistes ont "déposé des amendements pour avoir un dialogue, pour pousser la discussion le plus loin possible. Ça gêne le premier ministre et donc il utilise de faux prétextes pour avoir recours au 49-3".
Pour Alain Bocquet, président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, qui votera la motion de censure, le recours à l’article 49-3 "est une intolérable mise en cause des droits du Parlement".
Au sein de l’UMP, les voix discordantes se faisaient rares : "Cette décision, qui ressemble à un aveu de faiblesse, est une mauvaise manière faite aux députés de la majorité et à leurs très nombreuses et très légitimes réticences", a toutefois déclaré le député UMP souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, tandis qu’on notait, vendredi, l’absence de Jean-Louis Debré. Le président de l’Assemblée nationale, hostile au 49-3, avait fait savoir qu’il était en sa bonne ville d’Évreux et qu’il ne pouvait présider la séance pendant laquelle le Premier ministre allait annoncer le recours au 49-3.
Éric Raoult, vice-président (UMP) de l’Assemblée, n’a pas été convaincu pour sa part par ce coup de force estival : "On aurait pu éviter ça et avoir une vraie discussion, comme sur l’assurance maladie. Mais tout le monde en avait marre...".

Échec et mat

L’UDF, par la voix d’Anne-Marie Comparini, a annoncé qu’elle ne votera pas la censure et parle d’"un rendez-vous manqué". Mais, dans un entretien accordé au “Parisien”, son chef de file, François Bayrou, va plus loin. Il dénonce "les ratés du gouvernement" et l’absence de lisibilité de son action.
Sur le recours au 49-3 proprement dit, il note : "Le Premier ministre prétendait que ce texte sur la décentralisation était “la mère de toutes les réformes”, autrement dit la réforme la plus importante de la législature. Rien n’est donc plus malsain que de voir ce texte adopté dans un climat de fausse urgence et en interdisant le débat.
C’est d’autant plus malsain que, lorsqu’il a été présenté en première lecture, tout le monde, y compris à l’UMP en termes très violents, a dénoncé une loi mal faite. Beaucoup de députés ne voulaient pas en délibérer. Et, à l’époque, le gouvernement avait assuré sur tous les tons que le texte serait amélioré en deuxième lecture.
Résultat : quand la deuxième lecture arrive, on supprime le débat ! Il y a là quelque chose de profondément anormal du point de vue du fonctionnement des institutions. Qui peut prétendre qu’une loi sur la décentralisation était tellement urgente qu’elle ne puisse attendre le mois de septembre ? Justement, pourquoi avoir voulu imposer ce texte maintenant ? C’est difficile à comprendre.
La première raison qui vient à l’esprit, c’est que le Premier ministre pourrait penser que son mandat à Matignon menace d’être abrégé et qu’il voudrait faire voter ce texte avant le terme. Mais, en même temps, il fait dire qu’il a reçu l’assurance du président de la République de rester jusqu’au référendum
(NDLR : à l’automne 2005). Allez comprendre !
Ce sujet est important et difficile, le texte est mal fichu : il avait bien besoin d’être amélioré. Il ne le sera pas. En quoi notamment ? Il fallait simplifier. Personne ne s’y reconnaît dans le labyrinthe des collectivités locales. On ne sait plus à quel élu se vouer. Mais pour simplifier, naturellement, il faut trancher. Et le gouvernement ne l’a pas fait. Un exemple : le Sénat a supprimé la responsabilité économique des régions. Or, s’il y a une chose dont la France a absolument besoin, c’est qu’une stratégie économique soit définie et assumée à l’échelon régional. Aujourd’hui, on a fait un grand pas en arrière"
.

D. B.


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