Conférence de presse du P.C.R.

19 mars 2003

La guerre en Irak

Conséquences d’une guerre programmée

Tout l’océan Indien va être déstabilisé

Actualité oblige, c’est par l’Irak que le PCR a commencé hier après-midi sa conférence de presse. La guerre est déjà décidée, et pour les frappes, ce n’est qu’une question d’heures. Un événement grave à bien des points. « Au vu de la participation aux manifestations organisées samedi dernier, on a un peu trop hâtivement tiré la conclusion que les Réunionnais se mobilisaient peu, sans doute pensant ne pas pouvoir influer sur la position des va-t-en guerre », explique Élie Hoarau. Pourtant les Réunionnais ne peuvent qu’être concernés par la guerre et ses conséquences.
À plusieurs titres : « Le champ de bataille se situe dans notre région, l’océan Indien. Après l’Afghanistan, c’est encore un pays riverain de l’Océan Indien qui est concerné. La base arrière de l’offensive est Diego Garcia », poursuit Élie Hoarau. Et cette guerre aura des répercussions dans le monde musulman, qui est en grande partie riverain de notre région. En effet, la consultation d’une carte géographique montre que tout l’Océan Indien est impliqué, puisque la quasi-totalité des pays riverains - de la Malaisie à l’Afrique du Sud, en passant par l’Inde, les Philippines, le Pakistan, Djibouti, les Comores, le Moyen Orient - abritent de fortes populations musulmanes.

Traumatisme

« Le traumatisme que cette guerre va occasionner, va toucher tout notre océan et cet océan Indien va devenir un océan stratégique ». Il a commencé à l’être, puisque le chef d’état-major des armées françaises, le général Bentegeat, est venu faire une tournée dans l’océan Indien (Djibouti, La Réunion, Mayotte, Madagascar). Autre venue : celle de l’amiral commandant la flotte indienne, Madhvendra Singh : il était en visite officielle à Maurice à la mi-février. « ll a proposé à l’île-sœur la protection de la flotte indienne pour sa zone économique exclusive ». Ce n’est pas non plus un hasard si Madagascar vient de recevoir la visite de Lauren Morriatti, du Département d’État américain.
« C’est donc toute la problématique de "l’océan Indien zone de paix" qui est posée, et cela donne l’ampleur de la déstabilisation qui est en cours », complète Élie Hoarau.
Conséquences stratégiques pour l’océan Indien mais aussi conséquences économiques : avec tout d’abord la hausse du prix du pétrole : au 1er janvier 2002, le prix du baril était de 20 dollars, au 1er janvier 2003, il était de 30 dollars. « Il est vraisemblablement que la barre des 40 dollars soit atteinte. Certains font des scénarii catastrophes en imaginant le prix du baril à 80 dollars, avec toutes les conséquences que cela aura au niveau de l’ensemble de la planète ». Des conséquence qui ont commencé déjà à se faire sentir : « ce n’est pas non plus un hasard si le prix du billet d’Air France a augmenté de 3% ».

La situation en France

Dégradation du climat social, déficit budgétaire et faible croissance

Vers un "collectif budgétaire"

Le premier élément d’analyse soulevé hier par le PCR à propos de la situation en France, c’est la dégradation du climat social qui continue et qui s’accélère. La France est confrontée à un taux de croissance faible. Les luttes revendicatives se multiplient. Un exemple : hier, la France a connu un mouvement de grève dans l’éducation nationale. Les syndicats protestent contre le transfert de 110.000 agents vers les collectivités territoriales (plus de 100.000 techniciens et ouvriers de service, 1.200 médecins scolaires, 2.500 assistantes sociales, 4.000 conseillères d’orientation et psychologues). Deuxième exemple : celui de la SNCF, où les agents se mobilisent pour s’opposer à l’ouverture du fret ferroviaire à la concurrence du privé.
Et bien évidemment, il y a toujours l’épineux dossier des retraites. C’est l’annonce de l’alignement de la durée de cotisation des agents du secteur public sur les quarante annuités des salariés du privé qui provoque une exaspération croissante. « L’idée d’une grève générale unitaire a été lancée, elle pourrait se dérouler le 3 avril ». Cette grève serait, par ailleurs, reconductible.

Fin du credo libéral ?

Dans le même temps, on assiste à la multiplication des plans sociaux : Métaleurop, Air Lib, la Banque de France, la SNCF... Et de nouveaux plans sociaux s’annoncent, notamment à GIAT-industrie et bien d’autres. « Les perspectives, en matière de chômage, sont pessimistes : la barre des 10% serait atteinte à la fin du premier semestre », dit Élie Hoarau.
Le gouvernement a tenu hier à Paris une conférence nationale pour l’emploi afin d’envisager des solutions avec les partenaires sociaux. « Dès son entrée en fonction, au nom de son idéologie libérale, de son credo libéral, le gouvernement avait remis en cause toutes les formules dites de traitement social du chômage ». Ce qui s’est traduit par la remise en cause des emplois-jeunes, par la diminution annoncée du nombre de CES, etc... Devant la protestation engendrée par ses mesures, le gouvernement va sans doute se trouver dans l’obligation de réviser son dogme et de revenir sur certaines de ses décisions. « Le gouvernement est en train d’étudier la reprise de certaines formes de traitement social du chômage, il envisage de nouvelles formes de contrat emploi-solidarité, la création d’un revenu minimum d’activité à partir du RMI et des contrats d’insertion dans la vie sociale (CIVIS). Il envisage de relancer les contrats initiative-emploi (CIE) ».

Collectif budgétaire

Le problème n’est pas nouveau : au moment des débats sur les orientations budgétaires, le problème de la croissance et du déficit avait été posé. Cela a été l’occasion de polémiques : des experts avaient affirmé que jamais le taux de croissance ne pourrait être de 2,5% comme le pensait le gouvernement. Lequel a persisté dans ses effets d’annonce et le Premier ministre vient de reconnaître que la croissance en 2003 devrait tout juste « être de 1,3% ».
La donne n’est donc plus la même. D’où cette action du gouvernement qui doit préparer et faire voter avant l’été ce que l’on appelle un « collectif budgétaire », c’est à dire une révision à la baisse du budget 2003. Quels vont être les ministères touchés ? (voir encadré)
Autre question : la baisse de la croissance est-elle conjoncturelle ou bien annonce-t-elle un mouvement appelé à durer ? Les experts penchent plutôt pour cette dernière perspective. Avec une échéance fixée à juillet 2004 ou même après cette date. Tout dépendra notamment de la guerre en Irak et de ses conséquences économiques.

Grève le 3 avril

D’ores et déjà, on peut penser que quatre sujets de mécontentement dans la fonction publique ont émergé pour la grève prévue le 3 avril : D’abord, celui des salaires ; les syndicats déplorent une perte de pouvoir d’achat de 2,6% sur trois ans. Face à une inflation qui repart... Ce sera aussi le problème de l’emploi, avec la mise en œuvre de la réduction des effectifs de la fonction publique. Sera aussi posée la question des retraites, avec l’alignement du public sur le privé. Enfin, c’est le problème de la décentralisation, avec le passage de plus de 150.000 fonctionnaires de la fonction publique d’État vers la fonction publique territoriale.

Vers une nouvelle baisse du budget du ministère de l’Outre-mer ?
« Le gouvernement va proposer des coupes sombres dans le budget de l’État. Quels seront les ministères qui subiront le plus la baisse des crédits ? » interroge Élie Hoarau. Une question importante, que l’on doit remettre dans un contexte. En effet, ce collectif budgétaire vient après la décision prise par le gouvernement, mi-février, de geler 4 milliards d’euros de crédits. Un gel que viendra gonfler le collectif budgétaire. « L’un des ministères qui a fait les frais de ce gel, c’est le ministère de l’Outre-mer : on a parlé d’un gel de 24% des crédits du ministère, soit 135 millions d’euros d’investissements qui avaient été prévus au budget 2003 ».
Or ce budget 2003 était le plus mauvais budget pour l’outre-mer depuis six ans. Que va-t-il en rester après le collectif budgétaire en préparation ?
Décentralisation et transfert de personnel
Quelles conséquences pour La Réunion ?
« Nous devons nous interroger sur la signification que prendra à La Réunion le transfert de fonctionnaires de l’État dans la fonction publique territoriale. Ici se pose notamment la question des journaliers communaux. Si cette question n’est pas réglée, dans quelles conditions va-t-on placer les fonctionnaires d’État qui seront transférés dans les collectivités territoriales ? », interroge Élie Hoarau. Il rappelle que la ministre de l’Outre-mer, dès sa prise de fonction, avait annoncé qu’elle allait apporter avec le gouvernement une solution définitive à ce problème crucial dans les prochaines années. Mais la question reste toujours : quel sort pour les journaliers communaux ? Enfin, si l’on va vers une compression des effectifs, « que deviennent les demandes de plans de rattrapage qui, à La Réunion, émanent de tous les secteurs, à commencer par l’enseignement et la fonction hospitalière ? » conclut Élie Hoarau. Ou à la Poste, puisque des grèves se font jour pour demander des augmentations de personnel.
Chômage conjoncturel métropolitain et chômage structurel réunionnais
« Si effectivement le gouvernement décidait de reprendre à son compte une forme de traitement social du chômage, nous serions en droit de lui demander pourquoi, lorsque la conjoncture l’impose, c’est-à-dire une hausse du taux de chômage, il le fait pour la métropole et pourquoi, alors que le chômage à La Réunion est une donnée permanente, il décide de supprimer les emplois-jeunes et de diminuer le quota des CES ? », questionne Élie Hoarau. « Il fallait voir dès le départ la différence de nature entre le chômage en métropole et le chômage à La Réunion : d’un côté il est conjoncturel, de l’autre il est structurel ». Même s’il y a eu un léger fléchissement de la courbe du chômage, essentiellement due à ce traitement social du chômage. Et en réponse à tout cela, les sondages montrent que la cote de popularité du Premier ministre est en chute.

La loi-programme

Pour répondre aux défis présents et à venir

Une loi-programme spécifique à La Réunion

L’actualité, c’est aussi le projet de loi dit « de programme pour l’outre-mer » présenté par le gouvernement et adopté par le Conseil des ministres le mercredi 12 mars. Et le P.C.R. de demander, une nouvelle fois, une loi de programme spécifique à La Réunion. Le texte gouvernemental de son projet de loi-programme pour l’outre-mer a été accueilli sans enthousiasme. « L’association des Maires départementalistes a préféré saluer la tenue du Congrès de Versailles consacrant la révision constitutionnelle plutôt que de se féliciter de l’adoption par le gouvernement du projet de loi-programme », ironise Élie Hoarau. Sur les 42 articles du projet de loi, 19 portent sur des dispositions relatives à la défiscalisation. Sur les 240 millions d’euros que le gouvernement va consacrer à l’outre-mer, plus des deux-tiers représentent en fait des exonérations. « Ce projet de loi reprend et répète des mesures mises en œuvre depuis 40 ans : baisse du coût du travail, défiscalisation, mobilité etc. ». Cela améliore la LOOM ici ou là et ouvre des champs d’exonérations nouvelles, mais cela reprend la même philosophie que les lois particulières, avec au bout cette question : « pour quelle efficacité ? »

Des secteurs essentiels oubliés

Le projet ne dit strictement rien sur des secteurs clés comme l’export, alors que tout le monde a souligné qu’il est essentiel pour La Réunion de s’ouvrir sur l’extérieur.
Il n’y a rien sur la formation, rien n’est fondamentalement changé par rapport à ce qui existe. Il n’y a rien sur la coopération régionale, peut-être quelques ouvertures ou plutôt des déclarations qui ont entériné des actions déjà menées. Il n’y a rien sur les services publics etc...

Quel projet ? Quelle vision globale ?

« Nous pensons que le projet de loi-programme ne s’inscrit pas en cohérence avec d’autres dispositions gouvernementales qui sont prévues ou votées. Quelle est la cohérence entre la loi-programme et les lois de décentralisation ? Quel lien y a-t-il entre la loi-programme et des réformes comme celle de l’octroi de mer ? On a l’impression que la loi-programme est une loi en soi, par elle-même, en dehors de tout contexte, et on ne voit pas, à travers cette loi-programme, quel est le projet du gouvernement. "Cette loi-programme ne représente pas toute l’action du gouvernement en faveur de l’outre-mer", précisait la ministre de l’Outre-mer. Mais quelle est cette action ? » demande Élie Hoarau.
La ministre disait également que, dans le contexte actuel, élaborer une loi-programme avec des engagements financiers du gouvernement constituait une véritable gageure. Dans le contexte actuel... « Mais la loi-programme est prévue pour 15 ans, comment dire que le contexte actuel est en train de peser sur les 15 ans ? ». Quelle est la vision du gouvernement sur ces 15 ans ? C’est cela que l’on ne retrouve pas dans le projet gouvernemental : « ce sont ces interrogations qui provoquent la morosité, le manque d’enthousiasme et l’inquiétude ».
Le président de la République lui-même, les représentants du gouvernement et leurs soutiens ont laissé entendre que la loi-programme apporterait une solution à un certain nombre de problèmes. « Si la loi-programme ne représente pas toute l’action du gouvernement, quelle est donc la politique gouvernementale vers l’outre-mer ? »

En rupture

Dans leur avis, le Conseil régional et le Conseil général ont proposé de nombreux amendements au projet. Le gouvernement n’en a pas tenu compte, renvoyant aux parlementaires la possibilité d’amender le texte.
Amendée ou pas, la loi-programme, malgré ses bonnes intentions proclamées, « cette loi-programme ne contribuera pas à relever les défis qui sont posés à La Réunion ». Défis liés à la progression démographique et qui s’appellent en premier lieu : création massive d’emplois. « Comment trouver du travail pour 240.000 personnes en âge de travailler quand on ne peut pas en trouver pour quelques milliers de jeunes ? ». Comment donner une perspective ?
Défis en termes de construction de logements : « il faudra construire en 30 ans autant de logements que ceux qui ont été construits pendant plus de deux siècles et demi ».
C’est aussi le problème de la mobilité des personnes et des transports de marchandises à l’intérieur de l’île et de l’île vers l’extérieur ; c’est le problème de la maîtrise de l’approvisionnement en eau ; c’est le problème de l’autonomie énergétique ; c’est le problème des relations de coopération et de codéveloppement...
« On ne peut pas, quand on dit qu’on fait une loi-programme ayant une portée de 15 ans, ne pas regarder comment cela va évoluer dans ces 15 ans. Et comment on doit répondre aux problèmes qui vont se poser durant cette période. Le projet gouvernemental ne propose pas de solutions à la mesure de ces défis. Il faut donc des solutions en mesure d’apporter une réponse à ces problèmes, des solutions qui soient en totale rupture avec ce qui s’est fait et qui se fait ».

Loi spécifique pour La Réunion

« Pour notre part, nous restons attachés à l’idée de l’organisation d’Assises du développement durable qui déboucheront sur un nouveau contrat social à passer entre les Réunionnais, d’une part, et entre les Réunionnais et l’État, d’autre part », rappelle Élie Hoarau. Et au lieu de la "loi-programme pour l’outre-mer", faire « une loi de programme spécifique pour La Réunion » car La Réunion désormais est, dans la Constitution, une « entité spécifique, non assimilable à une région métropolitaine, ni à un département antillais ». Dans cette loi spécifique à La Réunion, la priorité des priorités est l’emploi, avec l’installation d’une conférence permanente pour l’emploi. « Dans ce cadre là, nous sommes prêts à apporter nos contributions, nos propositions. Les solutions doivent être collectives et doivent être élaborées ensemble ».

LODEOM - Loi d’orientation pour le développement de l’Outre-mer

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