Communiqué de la FSU Réunion

Contre une réforme déconnectée des réalités réunionnaises

3 juillet, par Rédaction Témoignages

La FSU Emploi Réunion tient à rappeler que la mise en œuvre des programmes de transformation de France Travail, issus de la loi Plein Emploi, ne saurait s’appliquer à La Réunion sans une adaptation réelle aux spécificités sociales, économiques et humaines de notre territoire, ni à moyens constants.

Avec une population approchant les 900 000 habitants en 2025, et un cap symbolique du million prévu à l’horizon 2050, La Réunion fait face à une forte pression démographique. Les jeunes et les seniors représentent ensemble 65 % de la population et constituent les deux segments de la DEFM les plus concernés par l’accompagnement. Pourtant, les politiques publiques de ces dernières années se sont souvent limitées à deux réponses largement insuffisantes : l’exil pour les jeunes, les contrats aidés pour les seniors.

À cela s’ajoute une pauvreté massive et structurelle. En 2020, 36 % de la population réunionnaise vivait sous le seuil de pauvreté, soit plus de 300 000 personnes. Parmi les 20 communes françaises de plus de 20 000 habitants les plus pauvres, 9 sont situées à La Réunion. Cette précarité s’accompagne d’une forte dépendance aux prestations sociales : 78 % de la population est couverte par les prestations de la CAF, et plus de 211 000 personnes sont bénéficiaires du RSA.

Les freins à l’insertion sont nombreux et bien identifiés, notamment à travers les « 3 i » : illettrisme, innumérisme et illectronisme.

  • 17 % de la population est en grande difficulté avec l’écrit ; 30 % de ces personnes n’ont jamais utilisé Internet ;
  • Le taux d’illectronisme atteint 16 %, et grimpe à 51 % chez les plus de 60 ans.

L’accès et l’usage d’Internet restent à La Réunion nettement inférieurs à ceux observés dans l’Hexagone, malgré le rattrapage en matière d’équipement numérique.

Face à ces réalités, l’accompagnement vers l’emploi ne peut se réduire au déploiement d’outils numériques et à des services dématérialisés, combinés à une politique de sanctions renforcées. L’entrée en vigueur du décret dit de « remobilisation » impose une vigilance particulière : il est inacceptable que les agents deviennent les instruments d’une logique de coercition, là où la puissance publique n’apporte pas les moyens d’un accompagnement réel, humain et adapté.

Par ailleurs, la structure économique réunionnaise est dominée par un tissu de très petites et moyennes entreprises. Ces TPE et ME, souvent fragiles, ont une capacité d’embauche et d’encadrement limitée, et ne peuvent absorber la totalité des publics accompagnés, en particulier les plus éloignés de l’emploi. Ignorer cette réalité reviendrait à créer des injonctions sans débouchés réels, contribuant à aggraver la fracture entre politiques nationales et terrain.

La FSU Emploi Réunion alerte également sur le risque de dérive ou d’usage abusif de certains dispositifs, tels que les immersions facilitées ou les POEI « Gadiamb ». Ces outils, s’ils sont mal encadrés, peuvent être utilisés par certaines entreprises pour disposer d’une main-d’œuvre financée sur fonds publics, sans réelle perspective d’embauche. Ce type de pratique fausse le marché du travail et détourne les dispositifs de leur objectif initial d’accès à un emploi durable.

La FSU Emploi Réunion demande que l’esprit du service public prime sur la logique de contrôle, et que la remobilisation s’inscrive dans une démarche fondée sur la confiance, la proximité, la pédagogie et le respect des personnes.

Nous réaffirmons notre exigence d’une mise en œuvre concertée, territorialisée, respectueuse de la dignité des usagers comme du professionnalisme des agents. Cette transformation doit faire l’objet d’une véritable co-construction à l’échelle réunionnaise, avec les partenaires sociaux, les collectivités, les associations, et les équipes de terrain pleinement impliquées.

Pour la FSU Emploi Réunion
Jérôme Payet
Secrétaire Régional


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