Contre une société d’actionnaires : la République

15 février 2007

« Travaillez plus pour gagner plus » : la phrase revient comme un leitmotiv dans la bouche d’un candidat à cette présidentielle. « Je veux une France de propriétaires, une France d’actionnaires », répète-t-il à l’envi, en martelant ses mots. Comme s’il voulait les faire entrer de force dans les têtes. Et pour le coup, il semble y avoir réussi. Car, qui ne souhaiterait pas recevoir un peu plus d’argent, même avec un surcroît de travail, et au détriment de sa santé, de sa vie familiale et de ses loisirs ? Qui n’aimerait pas avoir son propre terrain, sa maison individuelle, surtout au prix où sont les loyers actuellement ? Enfin, qui ne voudrait pas détenir des actions en bourse pour toucher le jackpot comme les spéculateurs du CAC 40 ?
Ces paroles ne sont pas nouvelles, car voici, il y a quelque 160 ans, ce que disait un certain Guizot, Ministre de Louis-Philippe : « Enrichissez-vous par le travail et par l’épargne ». Il s’adressait à la bourgeoisie de son époque, et à travers elle, à tout un peuple, fait selon lui pour l’embourgeoisement général. Vous connaissez la suite, beaucoup moins réjouissante : le pays plongé dans le marasme ; la détresse pour la plus grande partie de ses habitants pendant de longues années, celles qui ont précédé la Révolution de 1848.
Mais aujourd’hui, en 2007, la situation a bien changé. Oui, sauf pour les 7 millions de Français qui ont un revenu inférieur à 722 euros par mois, ou pour les 12 millions au total qui font moins de 843 euros. Sans compter les 2, 3 ou 4 millions de chômeurs, selon qu’on ajoute ou qu’on retranche ceux que le gouvernement a volontairement oubliés, comme les chômeurs des Départements français d’Outremer, La Réunion comprise.
Vous pourriez poser la question : mais quel lien y a-t-il entre ces 2 personnages, en dehors du fait qu’ils aient exercé le pouvoir et que le premier cité l’exerce encore ? Tous les deux, à un siècle et demi de distance, sont des libéraux : ils appartiennent à la même grande famille de pensée, et leur credo est le libéralisme. On a vu et on voit toujours le libéralisme à l’œuvre, aux quatre coins du monde. Comme on a vu pendant trop longtemps un socialisme de caserne aux sinistres effets. Alors, que peut-il bien rester ? Mais la République, parbleu ! La République, à inventer de toutes pièces, parce qu’elle n’a jamais existé, sauf peut-être en de très rares moments de son histoire, où elle a fait sentir son souffle au-dessus de nos têtes.
Ah ! si l’on pouvait donner tout son sens à chacun des 3 mots de sa magnifique devise qui, en réalité, n’en font qu’un : liberté, égalité, fraternité, dont nous ne finirons jamais d’approfondir le contenu. Ah ! si l’on arrivait enfin à les faire vivre dans la réalité quotidienne ! Travail de Sisyphe, nous direz-vous, oui, mais ô combien plus exaltant ! Tenez, voilà le vrai sujet à proposer à chacun des candidats à la présidence de la République française et, par-delà leurs personnes, à tous les citoyens : comment faire advenir la République universelle, sans cesse menacée par la mondialisation affairiste ? Utopie encore, nous direz-vous. Oui, mais l’utopie, c’est-à-dire l’impossible, a bel et bien existé, et elle existe toujours, hélas ! Mais dans le sens de l’horreur. Ce qu’il faut donc, d’urgence et de salut public, c’est réaliser, dans un sens radicalement opposé, la République d’humanité de citoyens libres, égaux et fraternels.

Georges Benne et Jean Cardonnel


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