Autour de la venue du ministre de l’Outre-mer

Cri d’alarme de trois maires :
La politique gouvernementale asphyxie les communes et tue l’emploi

16 février 2005

Alors que la venue du ministre de l’Outre-mer, Brigitte Girardin, est dans tous les commentaires politiques, les maires du Port, de La Possession et de Sainte-Suzanne ont rappelé ’les plus vives inquiétudes’ des édiles réunionnais devant la baisse des emplois aidés, ’indissociable de la question des emplois communaux’. Et c’est de nouveau la responsabilité de l’État dans la sur-rémunération de la fonction publique qui est pointée du doigt.

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"Le gouvernement diminue les aides aux communes et tout est fait pour faire porter aux maires la responsabilité d’une politique qui se traduit par la diminution des emplois aidés, entraînant une dégradation des services publics, alors que la démographie et les demandes d’emploi augmentent". C’est en substance le cri d’alarme lancé hier par Jean-Yves Langenier, Roland Robert et Maurice Gironcel, respectivement maires du Port, de La Possession et de Sainte-Suzanne.
Chiffres à l’appui, les trois élus ont décrit la détérioration de l’emploi dans leur commune et l’asphyxie que provoque la baisse du taux de participation de l’État à tous les emplois de service public, appelés “emplois aidés”, du secteur marchand ou non marchand.
Le credo du gouvernement est connu : il a décidé la suppression des emplois aidés pour favoriser - dit-il - les emplois créés dans le secteur marchand. Cela revient à faire passer l’aide de l’État du secteur public au secteur privé. Mais la réalité des chiffres est cruelle pour ce dernier : en trois ans, les emplois aidés sont passés de 59.003 (2001) à 56.754 (2002) puis 51.854 (2003), soit un recul de 7.149 emplois de service public. Dans le même temps, le gouvernement annonçait 5.000 contrats RMA, dans le cadre de ce qu’il appelle “l’aide au secteur marchand”. Ils n’ont été qu’une quarantaine en 2004 ! "Dans le secteur Port/Possession, qui comporte une importante zone d’activité, 1 RMA a été créé", ajoute, implacable, le maire du Port.
Pendant ce temps, dans le secteur public, la casse est allée bon train. Chez les Contrats emploi solidarité (C.E.S) d’abord : de 29.962 en 2001, ils n’étaient plus que 24.520 en 2003 (-5.442). À Sainte-Suzanne, les emplois d’insertion C.E.S, d’une durée légale de 6 mois, sont passés de 450 en 2001 à 437 (-2,88% en 2002), puis 396 (-9,38% en 2003), 373 (-5,8% en 2004) et ils ne sont que 82 contrats signés pour le premier semestre 2005, année pour laquelle une baisse de 5% est “recommandée”. "Dans le même temps, le nombre des demandes d’emploi augmente ; elles étaient de 2.500 à 3.000 en 2001-2002 et sont aujourd’hui 4.000", expose Maurice Gironcel, en ajoutant que, pour la commune de Sainte-Suzanne, il faut ajouter 3.800 demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE. Les C.E.S, bien qu’emplois précaires, sont très recherchés pour les rotations d’emploi et le partage de la solidarité qu’ils autorisent dans un quartier ou une ville.

"Plus de contraintes et moins de recettes"

Les Contrats d’insertion par l’activité (C.I.A) sont eux aussi en recul, comme l’a signalé l’Agence départementale d’insertion (A.D.I) depuis l’année dernière. À Sainte-Suzanne encore, la mairie disposait en 2002 de 109 contrats d’une durée de un an ; elle n’en a plus que 60 pour 2005, d’une durée de 6 mois. Les 46 CIA attribués en 2003 aux collèges et lycées de cette ville ont totalement disparu cette année et les associations ont vu le nombre des CIA passer de 27 en 2004 à 12 en 2005.
La nuisance est manifeste et le maire de la petite ville du Nord-Est dénonce sans ambages une volonté non dissimulée de "faire porter le chapeau aux maires". "Pour un poste de CES à pourvoir, l’ANPE nous envoie trois candidats ; à nous d’éliminer !", explique-t-il.
Enfin, les Emplois jeunes, dont la même ministre avait dit il y a quelques années : "Personne ne restera au bord du chemin". "“Il n’y a plus de chemin !”, c’est ce que disent les jeunes aujourd’hui", a ironisé Maurice Gironcel, qui mesure le gâchis par le surcoût supporté par sa commune au fil des "contrats pluriannuels" venus en remplacement de la participation de l’État (voir encadré 1).
Partout la tendance est à la suppression d’emplois de service public rendu à une population de condition modeste et en croissance constante. En même temps, l’asphyxie financière des communes est inscrite dans la surcharge des dépenses de fonctionnement. "Nous avons plus de contraintes, plus de charges et moins de recettes. Sans l’État, c’est mission impossible pour les communes de La Réunion", a conclu le maire du Port.
La décentralisation, point fort de la deuxième mandature chiraquienne, a du plomb dans l’aile et la visite de la ministre de l’Outre-mer pourrait bien être plus agitée que prévu. Les maires, par l’AMDR, vont demander à rencontrer la ministre, mais ils ne cachaient pas hier que selon la réponse qui leur sera faite, les employés communaux, voire la population, pourraient eux aussi être tentés de demander des comptes à Mme Girardin. "Chacun doit jouer sa partition", a estimé le maire du Port.

P. David


La participation de l’État régresse

Les communes prises dans l’étau

Avec la baisse des quotas, l’augmentation de la contribution demandée aux communes est le point le plus tangible du retrait de l’État et de la détérioration de l’emploi dans les communes.
De 2004 à 2005, les crédits emploi-insertion sont passés de 477 à 472 millions d’euros.
Pour les CES, le taux de participation de l’État passe de 90% ou 95% selon les cas à 85% pour les chômeurs inscrits à l’ANPE depuis plus de 3 ans, et 65% pour les publics rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi et pour les 16-25 ans entrés dans les programmes TRACE. Le maire de Sainte-Suzanne a donné les chiffres des conventions pluriannuelles (3 ans) pour les 68 emplois-jeunes en sortie de dispositif. La part de remboursement de l’État est passée de 80% à 51% la première année, 35,7% la deuxième année et 25,4% la dernière année. Le coût supplémentaire pour la commune va passer en trois ans de 653.392 euros à près d’un million d’euros (993.392 euros exactement).
Le maire du Port a fait une démonstration similaire, dans une commune où le nombre des contrats CES (durée : 6 mois) est passé de 1.068 en 2002 à 778 en 2004, accusant une chute de 27%. La participation de l’État recule de 31% entre 2002 et 2004 tandis que la part de la ville atteint dans le même temps près du quart (23,84%) du coût total des contrats 2004.
Dans l’ensemble, la part des communes de La Réunion augmente, tandis qu’elles sont dans une croissance démographique qui les pousse à investir dans tous les domaines et qu’elles doivent encore souvent combler d’importants retards d’équipement. C’est pourquoi la ministre de l’Outre-mer va se trouver devant la demande générale - maires et Intersyndicale de la FP - d’une participation accrue de l’État.


Dans les collectivités

La poudrière du statut des journaliers permanents autorisés

Puisque le gouvernement supprime les emplois de service public mis à disposition des collectivités ou des associations, que fait-il pour favoriser l’embauche de nouveaux salariés et pour améliorer non seulement le taux d’encadrement des collectivités réunionnaises mais aussi le taux d’administration locale, marquée par une sous-dotation flagrante ? C’est le sens de la réflexion des maires lorsqu’ils soulèvent la question du statut des 8.801 journaliers permanents autorisés. D’après les trois maires communistes, la réponse est : pas grand-chose. "La réforme du FRDE a spolié 20 des 24 communes et l’augmentation de la DGF (Dotation globale de fonctionnement) n’est qu’un rattrapage, dans un environnement où les collectivités sont confrontées à des salaires indexés", a exposé Jean-Yves Langenier, maire du Port.
Que va faire le gouvernement pour assumer sa part de responsabilité : titulariser le personnel communal intégré, ou mettre en place un contrat permanent avec ou non indice de majoration (entre 0% et 53%) ? "Ce qui empêche aujourd’hui la titularisation du personnel, découlant de textes pris par les gouvernements, doit être pris en compte par l’État", a poursuivi le maire du Port. En clair : la sur-rémunération. "La ministre d’Outre-mer s’est engagée à régler le problème dans cette actuelle mandature, il ne reste plus beaucoup de temps", ont conclu les maires communistes, en renvoyant la pierre dans le jardin du gouvernement.


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