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Crise à La Réunion : Paul Vergès écrit à François Hollande
Un parlementaire s’implique pour favoriser une issue à la grève dans le BTP
vendredi 15 avril 2016, par
Le sénateur de La Réunion a écrit mercredi au président de la République pour qu’il intervienne afin de débloquer la situation à l’origine du conflit dans le BTP, qui touche aujourd’hui toute La Réunion. Paul Vergès met aussi en évidence une atmosphère de crise qui concerne tous les secteurs de notre société. Une conférence à réécouter sur KanalRéunion.com
Paul Vergès a donné hier son opinion sur ce qui s’est passé depuis une semaine à La Réunion. Tout part d’un phénomène qui aurait dû être normal, la négociation entre salariés et patrons du BTP. Le sénateur note que cette situation due par l’attitude d’un interlocuteur : aucune augmentation de salaire en 2016 avait dit le patronat dans la presse bien avant l’ouverture des négociations. La position s’est confirmée dès l’ouverture officielle des discussions. Ce conflit s’est étendu à toute La Réunion avec des barrages filtrants dans plusieurs régions, les transports voient leur activité diminuer, toute l’économie est impactée.
La solidarité s’est développée sous différentes formes. Ceux qui sont dans les embouteillages disent en substance : ils ont raison même si ça nous cause des retards. Rares sont les mises en cause des grévistes, indique le parlementaire qui voit donc une sympathie de l’opinion. La solidarité des dockers depuis hier pourrait être un élément décisif. Le conflit concerne les élus, les 24 communes subissent les conséquences de ce conflit mais aucune prise de position du Conseil départemental, responsable du social. Pas un mot sur l’arrêt des chantiers du logement. Ni de la Région qui est responsable de l’aménagement du territoire. Et encore moins des parlementaires. Ils n’ont fait que prendre des paroles.
Mais au-delà du BTP, Paul Vergès note un mouvement qui concerne toutes les classes sociales de notre société, avec en particulier le conflit social dans une banque et les manifestations suite à la modification des transports publics dans les communes de la CINOR. C’est le signe d’une atmosphère de crise qui concerne tous les secteurs de notre société, indique le sénateur.
Dans les communes de Saint-Denis, Sainte-Marie et Sainte-Suzanne, les usagers du bus ont choisi de dresser des barrages, car cela reste la dernière forme d’expression avec laquelle ils peuvent se faire entendre. Et à la différence de la grève du BTP, la police est intervenue et des affrontements ont eu lieu. Tout comme pour le Bâtiment, l’origine de la crise est un refus du dialogue. Les horaires et les lignes ont été changés sans consulter les personnes concernées. Les témoignages des victimes révèlent la détresse des plus pauvres.
Tout part du refus de dialogue d’un syndicat de patrons
Le sort de La Réunion est en cause, souligne le sénateur qui indique qu’il faut réfléchir aux conséquences sur l’attitude de repli des élus qui refusent de prendre position.
« Compte tenu de tout cela et du blocage du dialogue à La Réunion, j’ai été obligé de m’adresser à l’État, au président de la République et aux ministres concernés (Intérieur, Travail ou Outre-mer) », annonce Paul Vergès, démarche faite mercredi.
La première réponse est venue d’un accusé de réception du cabinet de François Hollande à l’Élysée. Les autres ministres ont fait la même réponse.
C’est l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires face aux blocages de La Réunion. Car « tout découle d’un syndicat de patrons qui refuse de discuter », une attitude incompréhensible en France pour tout patron d’entreprise. Paul Vergès souhaite donc que le gouvernement intervienne pour débloquer le dialogue social à La Réunion, pour que l’on ouvre des négociations et que l’on arrête avec les ultimatums.
Ce blocage est d’autant plus grave que depuis 15 jours, c’est la grève générale à Mayotte. L’initiative que vient de prendre le gouvernement est de dépêcher un interlocuteur, précédé par des renforts de gendarmes mobiles. George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer souligne que l’initiative du ministère de l’Intérieur est importante, car il existe des difficultés en Guyane, en Nouvelle-Calédonie et en Guadeloupe.
C’est la crise dans tout l’outre-mer, le mécontentement général et des conflits ouverts.
Menaces sur la filière canne-sucre
Même si une issue favorable est trouvée rapidement au conflit dans le BTP, cela ne remet pas en cause une situation qui s’aggrave. Le FMI dit ses inquiétudes, et envisage une relance possible de la crise économique mondiale.
Pour l’avenir immédiat, c’est aggravation de l’impasse à La Réunion. Au sujet du projet de loi sur l’égalité réelle, Paul Vergès note que les 70 ans de départementalisation n’ont pas permis de réaliser l’égalité réelle, si on ajoute 25 ans, alors cela voudrait dire un siècle pour réaliser les objectifs de la loi du 19 mars 1946.
L’objectif est-il de réaliser l’égalité réelle dans 25 ans ou de récupérer des voix en 2017 ? Des éléments amènent à s’interroger.
Pour la filière canne-sucre, l’accord signé l’an dernier entre l’État, les industriels et les planteurs ne rétablit pas les quotas et le prix garanti. Allons-nous vers la même situation qu’en France avec la crise des éleveurs provoquée par la fin des quotas pour le lait et la viande ?
Le danger des APE (Accords de partenariat économique) se précise. 28 États, y compris ceux de la COI, ont signé un accord d’intégration économique. L’objectif fixé par eux et l’Union européenne est de créer un marché commun. Dans ce cadre, les accords commerciaux ne pourront pas être remis en cause par l’Organisation mondiale du Commerce, note Paul Vergès.
Comment sauver l’essentiel ?
Avec cette intégration, ce sera la fin des taxes et des quotas à l’intérieur de cet ensemble de plus de 600 millions d’habitants d’une part, et de l’Union européenne d’autre part. L’UE compte en bénéficier pour ses exportations de produits industriels et de services, précise le parlementaire.
Quand l’Union européenne aura un commerce libre avec Madagascar, Mozambique et les pays voisins de La Réunion, il y aura des conséquences pour La Réunion, car elle est un marché attirant pour tous ces pays. À 800 kilomètres de ses côtes, elle aura un pays émergent 55 fois plus peuplée qu’elle. C’est un bouleversement considérable au sujet duquel la classe politique réunionnaise est bien silencieuse.
Au cours du délai prévu pour atteindre l’égalité réelle, soit 25 ans, l’environnement de La Réunion changera profondément. Madagascar dépassera 40 millions d’habitants, la Tanzanie en aura 130 millions en 2050, le Mozambique dépassera 50 millions.
Pour Paul Vergès, le problème est de voir comment sauvegarder les acquis sociaux de l’intégration avec l’arrivée de la liberté de commerce avec les pays voisins. C’est pour le sénateur le rendez-vous capital : « pouvons-nous nous intégrer dans le monde nouveau et le concilier avec les acquis obtenus depuis 70 ans ».