Quelle alternative peut proposer le Parti socialiste ?

Crise idéologique au PS

28 juillet 2008, par Manuel Marchal

Le résultat du vote de la réforme constitutionnel révèle l’ampleur de la crise politique en France. Elle met le doigt sur le profond désarroi dans lequel se trouve la direction du PS. Sa volonté affirmée de soutenir l’économie de marché conforte une crise idéologique au plus haut niveau. Des socialistes dirigent deux organes politiques essentiels de la mondialisation libérale. Les socialistes européens cogèrent l’Europe avec les partis classés à droite. En France, le PS a appelé à voter pour le traité constitutionnel européen et pour le traité simplifié proposé par Nicolas Sarkozy. Un tel accord sur le fond entre le PS et l’UMP plonge ce parti dans une crise idéologique, car il ne peut plus proposer d’alternative.

En plus de Jack Lang, trois autres parlementaires classés à gauche ont également voté pour la réforme constitutionnelle. Chacun sait que dans un vote, une voix a la même valeur qu’une autre. Mais c’est sur Jack Lang que se focalisent les critiques de dirigeants du Parti socialiste. Cette attitude caractérise la crise idéologique que connaît la direction de ce parti. En effet, le PS ne propose plus fondamentalement d’alternative à la politique menée par le gouvernement. Et puisque sur le fond, la direction du PS est d’accord avec celle l’UMP, les seules différences qui peuvent exister sont des questions de personnes. C’est pour cette raison que dans l’après réforme constitutionnelle, c’est une personne qui est mise en cause, et pas la stratégie choisie.
Cette impossibilité à proposer une alternative politique en France trouve son illustration la plus claire dans la volonté de la direction du PS de militer pour l’économie de marché. Or, cette orientation est clairement affirmée au moment où le PS prépare son congrès. Cet événement doit se dérouler du 14 au 16 novembre prochain à Reims.

Pour l’économie de marché

En décembre 2007, lors d’un "Forum de la rénovation", le premier secrétaire du Parti socialiste affirmait que « les socialistes ont toujours agi en économie de marché » et « ils l’ont plutôt bien géré » quand ils étaient au pouvoir. Cette déclaration orale est rapportée par "le Figaro" du 15 décembre 2007. Elle va être confirmée par écrit.
En effet, cinq mois plus tard, une déclaration de principe est publiée par le Parti socialiste. Elle est consultable en ligne sur le site www.parti-socialiste.fr. Elle est adoptée le mois dernier par la Convention nationale du PS. Un extrait donne l’orientation de la politique économique prônée par le PS : « Les socialistes sont partisans d’une économie sociale et écologique de marché, une économie de marché régulée par la puissance publique, ainsi que par les partenaires sociaux, qui a pour finalité la satisfaction des besoins sociaux. Le système voulu par les socialistes est une économie mixte, combinant un secteur privé dynamique, un secteur public efficace, des services publics accessibles à tous, un tiers secteur d’économie sociale et solidaire ».
Dans cette déclaration de principe, rien ne précise quel est le type de régulation exercé par la puissance publique, et encore moins comment une telle "économie sociale et écologique de marché" peut s’appliquer. Quant à l’économie sociale et solidaire, c’est un "tiers secteur".
Il est un autre document qui est quant à lui plus explicite concernant "l’économie sociale de marché", il s’agit du traité constitutionnel européen, ou Constitution Giscard, rejetée en 2005 par référendum. Chacun a pu constater que ce texte reconnaissait "l’économie sociale de marché", et qu’il était soutenu en France non seulement par la direction du PS, mais également par l’UMP.
Cette convergence de vue n’est guère surprenante. Elle est le résultat de l’adhésion de la direction du PS à l’économie de marché. Le fait nouveau, c’est que la déclaration de principe du Parti socialiste intègre ce virage idéologique. A partir du moment où ce parti affirme être partisan de l’économie de marché, comment peut-il proposer une alternative ? C’est bien là l’origine de la crise.

Europe : même position que l’UMP

Dans les faits, cela fait plusieurs années que tout le monde constate une convergence de vue entre un parti qui affiche clairement son adhésion au libéralisme, l’UMP, et un autre qui se présente comme son opposant, mais qui sur le fond est d’accord avec la même orientation idéologique : le PS.
Depuis les dernières élections européennes de 2004, socialistes (PSE) et les partis européens classés à droite (Parti populaire européen) ont décidé de gérer ensemble le Parlement européen. Une telle coalition ne peut être possible sans un accord sur le fond. L’électeur qui a voté pour l’un ou pour l’autre peut légitimement se demander où est la différence. L’année suivante, une autre campagne électorale commence : celle du référendum sur le traité constitutionnel européen. Là aussi, le PS était aux côtés de l’UMP, confirmant leur accord au Parlement européen. Il s’agissait de défendre un texte qui voulait inscrire dans le marbre d’une Constitution l’absence d’alternative à l’économie de marché. Cette stratégie allait connaître un échec retentissant avec le rejet massif de ce texte par le peuple.
Deux ans plus tard, c’est le Plan B de la Constitution Giscard qui est mis en oeuvre. Cette fois-ci, la décision de la ratification du nouveau traité européen est confiée au Congrès des députés et des sénateurs. Force est de constater que la direction du PS n’a pas fait campagne contre ce texte, auquel il est reproché bon nombre d’emprunts au défunt traité constitutionnel européen. Et le 6 novembre 2007, le bureau national du PS donne la consigne de voter pour le texte. Autrement dit, le PS appelle à voter pour un élément fondamental du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy : le « traité simplifié ».
Ce week-end encore, François Hollande déclarait lors du camp d’été du Mouvement des jeunes socialistes européens : « L’Europe n’est pas encore sortie de la crise consécutive au rejet du Traité constitutionnel ». A partir de là, on ne peut que constater que sur le plan de politique européenne, le PS ne propose aucune alternative, conformément à sa décision de co-présider le Parlement européen avec le rassemblement des partis classés "à droite".

Des socialistes dirigent la mondialisation libérale

Cette absence de volonté de proposer une alternative trouve son couronnement dans la nomination d’un socialiste, Pascal Lamy, à la tête de l’Organisation mondiale du Commerce, et d’un dirigeant de premier plan du PS, Dominique Strauss-Kahn, à la direction du Fonds monétaire international. Ces deux organismes fixent les orientations de la mondialisation libérale. La présence de socialiste au plus haut niveau des organes politiques de la mondialisation libérale ne peut que traduire une adhésion sans réserve de la direction de leur parti à cette idéologie.
Puisque la différence idéologique n’existe plus, l’alternative est impossible. La stratégie est donc de s’opposer à une personne, pas de proposer une alternative à une économie de marché qui permet à 20% des habitants de la Terre d’atteindre un niveau de vie décent à condition que 80% de la population mondiale soit condamnée à la misère du sous-développement.
Cette crise idéologique de l’état-major parisien du PS a des conséquences à La Réunion. Dans notre île, le Parti communiste a lancé en 1999 le mot d’ordre d’autonomie énergétique. Etre capable de couvrir tous ses besoins énergétique à partir des énergies renouvelables est un levier essentiel pour construire une alternative au modèle dominant afin d’étendre à tous les habitants du monde le droit au développement.
Face à cette alternative, que fait le PS ? Par la voix de Gilbert Annette, affirme que l’autonomie énergétique est « est une ambition irréaliste, irréelle » (1). Quant à Jean-Jacques Vlody, il n’hésite pas à déclarer que le soleil n’est pas de "l’or en barre". N’est-ce pas le signe d’un profond désarroi ?

Manuel Marchal

(1) Séance plénière du Conseil général, le 11 juin 2008.


Parlement européen : PS et UMP ensemble

Le camp d’été du Mouvement des jeunes socialistes européens a débuté le week-end dernier à Carpentras. Invité à prendre la parole, le premier secrétaire du PS a affirmé : « Si on veut une Europe plus démocratique et sociale, il faut faire élire plus de parlementaires de gauche ». Cette déclaration entre en contradiction avec une décision fondamentale prise par le groupe des parlementaires socialistes européens juste après les dernières élections : s’allier avec l’équivalent européen de l’UMP pour co-gérer l’Europe. C’est le résultat d’un "accord technique" signé voici quatre ans. Voici un extrait du communiqué publié par le groupe des partis européens classés à droite :
« Les Groupes PPE-DE et PSE au Parlement européen ont conclu aujourd’hui (13/07/2004) un accord technique pour la période législative 2004 - 2009, prévoyant un soutien mutuel pour la fonction de Président du Parlement européen.
Le Groupe PSE nommera son candidat à la fonction de Président du Parlement européen pour la première moitié du mandat du Parlement, et le Groupe PPE-DE en fera de même pour la deuxième moitié. Le Groupe PPE-DE nommera son candidat avant la fin de la première mi-législature. Dans ce cadre, le candidat du PSE, M. Borrell, présentera son programme au Groupe PPE-DE ce jeudi 15 juillet.
Cet accord a été signé, pour le Groupe PPE-DE, par son Président Hans-Gert Poettering et ses Vice-Présidents Françoise Grossetête et József Szájer. Pour le Groupe PSE ont signé son Président Martin Schulz et le Président du Parti socialiste européen Poul Nyrop Rasmussen »
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