Le respect et la valorisation de la culture et de l’identité du peuple réunionnais sont une dimension essentielle du développement durable. À ce titre, la reconnaissance doit être officielle et promue par toutes les instances de l’État.
Il y a également un lien indissociable à faire vivre entre :
• cette valorisation de l’identité culturelle réunionnaise,
• le développement d’une économie durable et équilibrée,
• un système social équitable, cohérent et harmonieux,
• un respect de notre environnement,
• un co-développement régional solidaire,
• et une politique démocratique, libre et responsable.
Ce lien induit notamment :
• une vie économique dont la finalité est la satisfaction des besoins légitimes et raisonnables des Réunionnais, au lieu de la recherche du profit maximum pour les détenteurs des capitaux ;
• le respect des droits sociaux de tous les Réunionnais, et d’abord du droit à l’emploi et du droit au logement, ainsi que la reconnaissance du droit de vivre décemment pour tous les Réunionnais ;
• la création dans tous les secteurs de la vie économique et sociale des conditions pour préserver l’environnement et la biodiversité de La Réunion, dans l’intérêt aussi bien des générations actuelles et futures ;
• la mise en place de tous les moyens pour permettre à chaque Réunionnais d’être un acteur entièrement libre et responsable du développement durable de son pays ;
• le renforcement des échanges dans tous les domaines avec les pays voisins afin de relever ensemble nos défis et de réaliser dans la solidarité notre destin commun ;
• une culture du développement durable, considérée comme un facteur important d’une telle politique, grâce aux richesses de tous les secteurs de notre vie culturelle, artistique, éducative, mémorielle, patrimoniale, historique.
La culture réunionnaise est donc à aborder dans toutes ses dimensions :
• la dimension historique (car nous savons tous que la mémoire et la connaissance de notre passé sont des éléments importants de la santé d’un peuple et de la construction de son avenir) ;
• la dimension identitaire (plus que nécessaire pour l’unité d’un peuple) ;
• la dimension linguistique (nout lang kréol lé in zarboutan kisanoulé) ;
• les relations entre la vie culturelle, notre philosophie, nos valeurs, nos principes vitaux de base et le développement durable.
C’est indéniable, la mondialisation participe à la remise en cause des repères identitaires et idéologiques. On assiste dans le même temps à des mouvements de replis communautaires.
La mondialisation encourage des valeurs individualistes et remet en cause les valeurs traditionnelles des peuples sans apporter de rapports de solidarité, ce qui laisse la porte ouverte à d’autres projets politiques, porteurs d’autres idéologies.
C’est pourquoi notre culture est essentielle, c’est un pilier pour permettre aux citoyens de devenir pleinement acteurs du développement de notre pays dans toutes ses dimensions.
La culture d’un peuple c’est donc sa langue, son identité, sa mémoire historique, sa créativité artistique, son folklore, sa gastronomie etc… mais aussi sa façon de penser et d’agir. Nous sommes ce que nous concevons et ce que nous faisons.
Ainsi, pensons-nous par nous-mêmes, en Réunionnais, librement, sans rester soumis à l’aliénation culturelle et à l’assimilation coloniale ? Et cette démarche émancipatrice du peuple réunionnais est-elle reconnue, respectée, étudiée et valorisée en tant que telle par la République ?
Dans le même esprit, posons-nous la question : comment vivons-nous ? Quel mode de vie avons-nous choisi ? Plus concrètement : sommes-nous complices de la surconsommation que cherche à nous imposer le système économique dominant avec ses médias ou sommes-nous pour une consommation modérée ? Sommes-nous victimes de la culture du tout-automobile ou bien sommes-nous porteurs de la culture des transports collectifs et de la culture vélo dans la cadre d’une politique des déplacements durable ? Sommes-nous pour accumuler toujours plus de biens ou pour favoriser toujours plus les liens de solidarité avec les autres ? Sommes-nous les défenseurs d’une conception individualiste du bonheur ou altruiste ? Sommes-nous favorables à une culture de l’égocentrisme ou à une culture de la solidarité ?
On connaît les valeurs, la façon de penser, la philosophie qui furent au cœur de la vie de nos ancêtres et dont nous avons hérité. Comment le pouvoir étatique considère-t-il l’idéologie de la résistance et de la solidarité qui a fait du peuple réunionnais ce qu’il est aujourd’hui ? Qu’en font ses services publics ?
Voilà pourquoi le PCR souhaite notamment que l’Éducation nationale intègre toutes les dimensions d’une École Réunionnaise, aussi bien dans la lutte contre l’illettrisme, la formation en général, l’enseignement de la philosophie dès l’école primaire et jusqu’à l’université, de même que l’enseignement de l’Histoire de La Réunion.
Nous souhaitons également que le système éducatif soit davantage un facteur de transformation de la société vers plus d’égalité et de solidarité plutôt qu’un facteur de perpétuation d’un système économique et social injuste et discriminatoire.
Quatre piliers soutiennent notre culture :
• d’abord, il y a la langue, qui est à la base de la naissance et de l’élaboration de notre culture ;
• ensuite, notre histoire, l’histoire de notre pays incluant la partie esclavagiste et l’engagisme, toute l’histoire de l’ère coloniale, abolie officiellement par la loi du 19 mars 1946 mais perpétuée encore dans bien des domaines au cours des 63 dernières années ;
• il y a aussi les valeurs découlant de notre histoire, celles qui remontent particulièrement au marronnage, qu’il faut inscrire clairement dans notre paysage culturel de la résistance réunionnaise à toutes les formes d’oppression et d’injustice ;
• il y a également la démarche du peuple réunionnais pour renforcer sans cesse son unité dans le respect de sa diversité, de son interculturalité et de son intraculturalité.
I- La base de notre identité et de notre unification : la langue créole
La langue est la première manifestation du génie d’un peuple.
Elle permet de faciliter les échanges entre les personnes, de favoriser la création artistique et littéraire et bien sûr facilite la lutte.
C’est pour cela que l’accent doit être mis sur une pratique de la langue créole passant par son emploi dans tous les domaines et toutes les disciplines.
Notre langue créole doit être respectée, valorisée et connue dans toutes les sphères économiques, sociales, politiques et éducatives.
Pourquoi ne pas la parler dans les tribunaux par exemple ?
L’enseignement notamment doit tenir compte de cette approche, avec une conscientisation de la problématique dans le corps enseignant, quelle que soit sa constitution.
Dans l’éducation nationale, les programmes doivent obligatoirement intégrer la réalité ontologique des sphères culturelles indianocéaniques, en plus d’être en phase avec l’univers des Réunionnais.
Voilà pourquoi le PCR soutient les revendications exposées à ce propos par le collectif Kiltir Partou, en particulier pour ce qui concerne une reconnaissance d’utilité publique de Lofis la Lang Kréol La Rénion.
De même, il soutient les propositions émises par Kiltir Partou en faveur du secteur professionnel de la culture et de l’économie culturelle réunionnaise.
II- La mémoire historique : connaître et comprendre notre passé afin d’armer le citoyen réunionnais dans le présent pour mieux préparer son avenir
« Nous sommes tous des immigrants ; comment alors être un peuple qui avance sans une reconnaissance totale de son passé ? ».
Continuons alors la collecte patrimoniale matérielle et immatérielle pour avoir une bonne connaissance du passé historique. Les fouilles archéologiques doivent continuer et mieux s’organiser pour repérer les sites, les lieux de mémoire.
Que sont devenus nos calbanons, ces camps, ces paillotes, toutes ces traces de l’histoire coloniale, détruites comme pour effacer ces vies de souffrances et d’humiliation ? Ce sont des lieux à réhabiliter, à restaurer, ce sont des lieux d’espoir, de force. Les exemples ne manquent pas pour énumérer ces lieux emblématiques à réhabiliter : Bruniquel à La Saline, nos anciennes usines de canne à sucre etc.
Une réflexion sur cette collecte reste nécessaire pour savoir comment travailler sur sa vulgarisation et sa diffusion à l’école. Chaque élève réunionnais doit s’imprégner de son histoire, doit être fier de son histoire. Pour cela, l’histoire de notre île doit s’étudier en parallèle avec celle de l’histoire de la France, de l’Europe et du monde. Notre île a connu l’esclavage, elle est intégrée dans un pays, un continent qui a pratiqué l’esclavage. C’est la sueur des Malgaches, des Africains, des Malbars qui a fait pousser la canne. Le développement économique de notre île et par ricochet celle de la Métropole repose sur cette importation massive de main d’œuvre servile.
Notre petite île tropicale, vulnérable hérite un long passé, une histoire difficile. Nous devons poursuivre ce travail de valorisation, de préservation de manière durable de notre passé historique pour rendre un hommage élevé au service de ceux qui ont été humiliés pendant des siècles, ceux qui ont contribué à la richesse de notre pays, ceux qui ont cultivé cette volonté farouche de résistance contre cette barbarie de l’esclavage pour opter pour la sauvegarde de la notion élémentaire de la civilisation humaine.
D’ailleurs les activités d’économie populaire vont de la survie à une reconstruction des liens sociaux ou de la cohérence sociale, sans cesse recherchée par tout groupement humain pour assurer son existence. Les acteurs individuels et collectifs de ces pratiques sont en général le “monde d’en-bas”, les petits paysans, les artisans et les commerçants, les hommes, les femmes et les jeunes qui ont toujours existé et vécu dans la “société profonde”, la “société cachée”. Dans les discours sur le développement, ces gens qui représentent environ 90 % de la population dans chaque pays n’existaient pas comme acteurs mais comme sujets du développement
Propositions précises
Pour le respect de la Mémoire et de l’identité :
• continuer les recherches avec une approche pluridisciplinaire pour une histoire plus complète possible sur l’esclavage, dont le marronnage et l’engagisme notamment,
• inciter les recherches universitaires pluridisciplinaires dans ces domaines avec une ouverture sur la collaboration avec les pays d’origine, comme Madagascar, le Mozambique et les autres. Nous devons parvenir à terme à une plate forme commune avec mutualisation des moyens de l’histoire régionale de l’océan Indien occidental,
• demander au Parc National de la Réunion d’attacher la plus haute importance à l’histoire du marronnage, en grande partie liée à ce lieu,
• enseigner l’histoire réunionnaise et celle de la zone de manière efficace par la formation de tous les enseignants concernés,
• mise en place des stages pour tous les intervenants avec définition précise du programme et du temps à y consacrer,
• favoriser la recherche généalogique qui permet de construire l’histoire personnelle et familiale en inscrivant l’individu dans une lignée et dans une transmission intergénérationnelle,
• rapatriement de toutes les archives concernant l’esclavage, l’engagisme à La Réunion et conservées aux archives départementales,
• valoriser pour préserver l’histoire orale racontée dans les Kartié. Cette mémoire populaire enrichit la connaissance et la réécriture de l’histoire.
III- La lutte des esclaves pour leur liberté et préserver leur identité
Notre identité repose sur la conquête des droits fondamentaux. Ces luttes sont menées par nos premiers marrons, les premiers défenseurs des droits humains en terre réunionnaise, les premiers à dire non au Code Noir.
Rendons leur un hommage.
Cette lutte a d’ailleurs inspiré le PCR dans sa revendication d’autonomie dès 1959. Ce a qui permis d’éclairer notre histoire et de nous considérer comme les enfants de la terre réunionnaise.
Aujourd’hui, valoriser, préserver notre patrimoine est notre devoir. Tous ces travaux, de recherche pour éclairer notre histoire, briser notre histoire du silence, s’inscrivent pleinement dans la Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise (MCUR).
(voir la note ci-après)
Tous les sites historiques oubliés fréquentés par nos ancêtres doivent être valorisés, respectés et restaurés. Ces sites gardent l’empreinte et respirent la culture de nos ancêtres malgaches et africains. Ils sont utiles pour panser les douleurs liées à ce passé douloureux. Ce sont des lieux de recueillement, des lieux qui nous permettent de nous reconstruire, de nous ressourcer et surtout de renouer les liens avec nos ancêtres venus de Madagascar, d’Afrique, de l’Inde, de l’Asie, des Comores et d’ailleurs.
Par exemple :
• comme cela a été fait à Sainte-Suzanne, il faut continuer dans cette démarche qui consiste à réhabiliter l’image de nos célèbres ancêtres : Edmond Albius (stèle) au Bocage, Gerose Baritvoise le dit le Rwa Kaf (salle des fêtes), les noms des rues portant Cimendef, Anchain, mais il faut aussi élargir aux grands marrons attestés par l’histoire la plus récente,
• ensuite, à travers aussi un bel ouvrage tel que la route des Tamarins, qui traverse le territoire des marrons. Ce serait une célébration méritée que de baptiser les grands ouvrages d’art des noms de grands chefs historiques tels que Pitsa, Manjak, Sarcemate, Simandare, Cotte, les femmes admirables aussi comme Rahariane, Sarlave. Des travaux récents sont disponibles pour nous permettre de choisir en toute connaissance de cause,
• les calbanons (comme à Sainte-Suzanne, le grand Hazier) est un lieu de mémoire parmi tant d’autres à réhabiliter pour que ces lieux restent vivants.
• le respect des anciens passe aussi par les honneurs funéraires auxquels beaucoup d’esclaves n’ont pas eu droit,
• combien d’esclaves n’ont pas pas pu rejoindre leurs ancêtres dans le tombeau familial ?
• où sont nos morts ? Où sont les sépultures des esclaves venant de Madagascar, de l’Inde, du Mozambique, de Chine, déracinés de leur patrie pour peupler et bâtir La Réunion ? Où sont les sépultures de ces ancêtres ceux qui sont morts dans la servitude, le marronnage ? Notre île est une terre de morts errants.
Il faut faire revivre notre histoire, organiser des fouilles archéologiques pour repérer ces tombes afin de redonner les honneurs funéraires auxquels chaque humain a droit. Il faut aussi accorder une plus grande attention à la reconnaissance publique de pratiques culturelles et cultuelles qui ont été diabolisées pendant l’esclavage et la colonisation. Nous sommes conscients de la nouveauté de la réflexion et de la sensibilité du sujet enfoui au plus profond de l’inconscient pour certains, mais l’heure a sonné pour ouvrir toutes les vannes de la culture réunionnaise pour laisser jaillir une pensée plurielle partagée comme autant de louanges à la créativité, à la liberté.
Il s’agit notamment des servis zancèt, malgas, kaf, kabaré sous toutes ses formes, confinés dans la sphère privée aujourd’hui encore
par défaut. Ils ont servi, au même titre que le maloya, de moyens de lutte pour la liberté et de préservation culturelle durant la période de l’esclavage et de la colonisation. C’est en grande partie à travers eux que l’esclave a pu garder sa dignité et son humanité. Ils ont servi à recréer en captivité une nouvelle forme d’ancestralité garante de leur survie et de la pratique de la spiritualité. Si la pression des grandes religions « officielles » n’a pas réussi à les faire disparaître, c’est que les servis ont joué et continuent à jouer un rôle vital dans la spiritualité de nombreux Réunionnais. Pourquoi ne pas les aider à vivre cette spiritualité sans suspicion d’obscurantisme, sans complexe et en pleine lumière ?
On peut toujours arguer de la liberté de culte et d’opinion effective dans notre société moderne, et qu’il ne tient qu’aux pratiquants de faire ce qu’ils veulent. C’est tout à fait vrai en théorie, sauf qu’au moment par exemple où se bâtissaient les églises et les mosquées, ces personnes, des Malgaches et des Africains pour les nommer, n’étaient pas vraiment en position de faire quoique ce soit. Au moment où les engagés indiens arrivaient, ils pouvaient parfois construire des chapelles, leur contrat stipulant le respect de leur culture et de leur religion, ce qui ne fut pas le cas des engagés malgaches et africains. Ces derniers n’ont toujours pas la possibilité de disposer de lieux souvent publics au départ, devenus privés par la suite, de lieux de cultes. Aujourd’hui encore où sont les chapelles, les sanctuaires malgaches et africains accessibles à tous ? D’aucuns osent même dire que l’essence de cette religion, le culte des ancêtres ne se prête pas à une célébration publique ! Qu’en est-il alors des servis qui regroupent parfois jusqu’à 150 personnes et plus chez les gramounes connus ? Qu’en est-il des grands sanctuaires publics des pays d’origine ?
Effectivement il y a une forme privée comme dans toute religion : de la même manière que l’édifice cultuel public, si prestigieux soit-il, église, chapelle ou mosquée, n’a jamais empêché les familles de consacrer un petit espace dans la maison ou dans un coin de cour à un autel familial, le servis familial ne doit pas empêcher un lieu de célébration publique, comme c’est le cas à Madagascar ou en Afrique.
La mise à disposition de lieux qui seront laissés à la discrétion des groupes de servis est un geste fort de reconnaissance et de respect de leur identité religieuse profonde. C’est à eux de dire ce qu’ils veulent en faire. Peut-être dans un premier temps s’agira-t-il simplement de se connaître, de se rencontrer, de se reconnaître. Il n’est pas évident de sortir des quatre siècles de fénoir et de méfiance d’une religion minorée et dévalorisée, pour pratiquer au grand jour avec aisance. Mais le temps est venu de dépasser les clichés esclavagistes et coloniaux qui perdurent à l’endroit de la religion des Noirs.
Il faut, pour un traitement équitable de toutes les religions et sensibilités, que les collectivités et les communes leur accordent un espace dans la sphère publique pour permettre la reconnaissance et le partage avec tous les Réunionnais. Ce petit coup de pouce à l’égard de groupes qui se sentent encore parfois les-laissés-pour-compte de la société réunionnaise sera apprécié comme un geste de réparation et d’encouragement à devenir de véritables acteurs de développement, pour eux-mêmes et pour la Réunion.
Propositions précises :
• chercher, répertorier des lieux susceptibles de servir à la fonction de ronds de services et mettre à disposition des groupes adeptes un lieu digne, ex. : une ancienne usine, ou une ancienne maison des maîtres, que les collectivités et la municipalité du lieu aident à aménager. Autre ex. : un espace naturel qui sera réservé, ou dans une nouvelle zone aménagée. Ceci est valable pour les grandes régions de l’île : Nord, Est, Ouest, Sud, avec une répartition Hauts et littoral, ce qui donne dans le meilleur des cas 8 espaces réservés pour commencer,
• aide et soutien matériel et financier dans un premier temps pour aménager les lieux. La séparation de l’église et de l’état n’a jamais empêché par exemple, le financement d’une restauration d’un édifice cultuel important, ou d’une grande fête aux confins de la culture et de la religion quand on veut bien. Alors quand il s’agit d’agir au bénéfice de l’équilibre entre les groupes et de la paix sociale, tous les efforts sont nécessaires.
IV- La démarche du peuple réunionnais pour atteindre son unité
L’unité dans la diversité et la diversité dans l’unité traduisent ce
« génie collectif réunionnais » qui a su traverser tous ces siècles en maintenant ensemble tous ces peuples venant de différents continents. Notre île porte cette identité métissée confondue dans un partage de cultures qui enrichit et consolide notre société
. Préservons ce modèle de vie harmonieux.
Nous devons continuer les travaux sur la toponymie, qui constitue un véritable mémorial laissé par nos ancêtres. Cette toponymie éclaire notre histoire, c’est aussi un repère géographique.
Poussés par la lutte pour la liberté et refusant l’inadmissible, les esclaves marrons, plus particulièrement les esclaves malgaches, ceux qui étaient en premier les plus enclins à refuser ce système colonial injuste, fuient les demeures de maîtres et les plantations pour s’installer sur les hauteurs inhabitées de l’île. Réputés inhospitaliers et peu accessibles, les cirques leur offrent un asile rude. Les fugitifs y reconstruisent un monde où ils retrouvent une forme de dignité que l’on peut découvrir à travers les toponymes qu’ils ont créés et dont certains restent usités. Ils s’imposent aujourd’hui comme des paroles testimoniales authentiques de groupes privées d’expression et inscrivent officiellement la conquête des montagnes par les esclaves dans la mémoire collective.
Ces toponymes s’inscrivent dans plusieurs domaines :
• d’abord, ils sont descriptifs et permettent de repérer les endroits tout en soulignant leur particularité, comme par excemple Maïdo (de may et doha, « au sommet brûlé ») ou Bérive (de be et rivotra, « au lieu venteux »),
• ensuite, d’autres toponymes, toujours descriptifs, caractérisent des activités, comme Kelval (de kely et vala, « au petit enclos ») ou les Salazes, qui évoquent les fourches à viande, broches pour le gril ou pour boucaner,
• certains toponymes nous informent sur la fonction des lieux. Il faudrait inclure dans cette catégorie toutes les dénominations qui incluent l’adjectif "mena", comme Bellemène, et qui sont traduites en français par « rouge ». Ce terme très fréquent dans les lieux de marronnage fait allusion au sacré et à l’interdit. Ce sont des lieux à usage religieux qu’il faut respecter reconnaître. Par exemple, un endroit comme Maravolave de "maro" et "voavalavo", « lieu dit aux nombreux rats », devient Piton Rouge,
• une dernière catégorie de toponymes donnés par les marrons malgaches concerne les noms programmatiques inscrits dans les sommets culminants et au plus profond des ravines, lieux de leurs combats ardents et quotidiens pour la liberté et la survie des valeurs humaines en des moments où elles furent anéanties :
• Marla, de maro et lahy (« aux nombreux hommes, aux nombreux guerriers »),
• Cimendef, de tsimandefitra (« où on ne lâche pas »). En anthroponyme, Cimendef signifie « celui qui ne se plie pas »,
• Dimitile, de dimy (« cinq ») et tily (« guet, guetteur »), ce qui donne « Dimy, le guetteur »…
Certains toponymes commémorent aussi leurs adversaires et rappellent la victoire des chefs marrons les plus redoutables, tels Chemin Caron, Caverne Mussard, en face du camp de Pitse, ce denier transformé en camp de Puces, du nom d’un des grands chefs marrons malgaches attestés, Pitre, Pitse ou mieux Pitsa.
Nous affirmons donc l’importance primordiale des toponymes pour la connaissance des esclaves marrons, aussi bien dans leur mode de vie que leur vision du monde et leur philosophie. Il faut continuer les recherches pluridisciplinaires qui n’ont déjà que trop tardé. Au nom de la mémoire et de l’histoire, respectons les toponymes issus du marronage et de l’engagisme. Il faut les remettre sur les cartes et les réinvestir dans les noms des lieux publics, des rues, des places, d’édifices publics, qui sont, dans notre société actuelle, des lieux de pérennisation privilégiés.
Nous avons l’occasion de rendre un hommage élevé à nos premiers grands défenseurs de la liberté à travers ce grand ouvrage qu’est la route des Tamarins. Au nom de l’histoire, quelques grands ponts pourraient porter le nom de nos guerriers marrons.
Propositions précises :
• donc, réunionnisons au maximum les appellations toponymiques
pour rendre hommage aux ancêtres et aux militants culturels.
• repérage systématique des lieux patrimoniaux par une signalisation explicative, surtout si le lieu a changé de fonction. Respect des mesures comme les fouilles de prévention en cas de grands travaux.
• retrouver et restaurer les toponymes anciens qui sont liés à l’histoire et font partie du patrimoine.
• revoir l’orthographe des dernières transcriptions en se référant aux documents anciens et aux recherches étymologiques actuelles.
• effectuer la célébration des « oubliés » de l’esclavage et du marronage en attribuant plus largement leurs noms aux rues et édifices publics
• créons une Direction réunionnaise des affaires culturelles, où, notamment en matière architecturale, les angles d’attaque seraient élaborés à partir des problèmes réunionnais.
• prenons en compte des réalités culturelles indianocéaniques.
Tous ces travaux s’inscrivent dans une démarche profonde de pacification sociale sans laquelle aucun développement équilibré n’est possible.
Pour finir, attachons une importance à la réalisation de ce grand projet qu’est la Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise (MCUR), sans pour autant que cette réalisation ne contrarie ou concurrence les autres projets liés à la mémoire. La MCUR, la gardienne des âmes de nos ancêtres, sera la construction la plus révolutionnaire. Elle « va sonner l’heure de la réparation des injustices historiques et sera le point de départ pour construire ensemble cette unité de notre société » (Paul Vergès).
L’identité, la culture et la mémoire
à la Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise
À La Réunion, après trois siècles de colonisation, dont deux siècles d’esclavage et un demi siècle d’engagisme qui ont opprimé une très grande majorité de notre population, il y aurait mille raisons pour les descendants de ces personnes opprimées de garder des rancœurs.
Grâce au
« génie collectif du peuple réunionnais », la rancœur a fait place à la réconciliation. Et l’union des Réunionnais dans le respect de leur diversité n’a peut-être jamais été aussi forte.
Cependant, cette réconciliation, qui n’exclut pas la mémoire historique, mais au contraire la cultive pour construire un avenir meilleur, n’a de chance de réussir pleinement et de s’inscrire dans la durée que si les erreurs et les comportements injustes du passé ne sont plus répétés.
Ainsi, par exemple, nous ne pouvons oublier à quel point la colonisation a bafoué les cultures de nos ancêtres africains, malgaches, comoriens, indiens, chinois, etc… jusqu’à la nier et même l’éliminer. C’est pourquoi la réconciliation durable des Réunionnais passe par la réhabilitation de ces cultures, leur connaissance, leur partage, leur valorisation dans le cadre de l’inter-culturalité de notre peuple.
C’est bien cette réhabilitation que veut faire la MCUR. Une vraie réhabilitation avec les honneurs dus à ces cultures, considérées à juste titre par la Communauté internationale comme relevant des grandes civilisations du monde, à l’égal de celle de l’Occident.
La MUCR veut rendre hommage à ces cultures, mais elle veut aussi promouvoir l’inter-culturalité que ces cultures ont engendrée ici et qui a donné naissance à la culture réunionnaise d’aujourd’hui et qui continue à l’enrichir.
De ce point de vue, l’expérience réunionnaise, si elle réussit, a valeur d’exemplarité pour le monde entier. Et ce n’est pas un hasard si ce projet de MCUR est parrainé par des intellectuels de renom, aussi bien français qu’étrangers. Dans un monde déchiré par des conflits inter-ethniques, identitaires ou religieux, ils espèrent trouver là un exemple à faire prospérer au niveau planétaire.
La MCUR a pour objectif :
• De témoigner de la culture dans son sens le plus large ;
• De répondre aux attentes du public réunionnais auquel elle doit restituer son histoire riche et complexe ;
• De placer la société contemporaine au cœur de ses préoccupations ;
• D’offrir une approche comparative de différentes cultures dont sont issus les habitants de La Réunion ;
• De jouer un rôle majeur dans l’amélioration de la vie dans la cité…
– Mais la culture c’est également la danse, la musique, la peinture... Comment aider ces activités ? Aide à l’expression. Quelle est la position de l’Éducation nationale ?
– Respect de la langue créole à l’école.
– Enseigner l’histoire de La Réunion mais également des pays voisins.
– Initiation à l’art à l’école.
– La culture et la formation de l’esprit sont nécessaires.
– Détecter nos talents, les aider, les valoriser.
– Développer également l’audiovisuel.
– Mettre en valeur l’architecture et le savoir-faire réunionnais.