D’où vient la casse des grands projets ?

12 février 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

En 2025, La Réunion comptera un million d’habitants. Dans ce contexte, les choix politiques d’aujourd’hui feront la réalité réunionnaise de demain. Pourtant, certains dirigeants politiques ont fait le choix d’interrompre des grands travaux, pour la simple raison qu’ils associaient des collectivités de différente ’étiquettes’ politiques. L’interruption des travaux du Zénith de Saint-Denis en 2008 montre que ces réflexes partisans ont la vie dure. La Réunion sera-t-elle condamnée à l’archaïsme ?

"Témoignages" a évoqué hier le cas de l’abandon du "Pôle Océan" par la décision unilatérale de Gilbert Annette en 2008. Il s’agissait là d’un projet très majoritairement financé par des fonds privés. La même année, le Maire de Saint-Denis décidait tout aussi subitement de mettre au rebut la construction de la salle du "Zénith", grand chantier dont le maître d’œuvre était cette fois-ci la CINOR (Communauté Intercommunale du Nord de La Réunion).
Cette décision n’est pas sans rappeler celle de Didier Robert arrêtant d’un seul coup les travaux de la Rocade du Tampon la même année. Dans les deux cas, ces pannes de chantiers, lourdes de conséquences dans le domaine économique et social, furent justifiées par des motifs peu crédibles, le premier invoquant des « études » dont le contenu n’a jamais été dévoilé au public, le second invoquant une vague « redéfinition » du projet.
Au-delà de la critique immédiate qu’elles peuvent susciter, de telles attitudes témoignent d’une culture profondément ancrée…celle du rejet archaïque de la collaboration et du partenariat entre élus de bords politiques différents

L’abandon du Zénith de Saint-Denis : un choix idéologique

Le territoire de Commune Primat (Saint-Denis) aurait dû bénéficier d’un vaste chantier d’intérêt général : la construction d’un "Zénith", c’est-à-dire d’une salle de spectacle de 36.000 M2, capable d’accueillir jusqu’à 6.000 spectateurs. Financé par la CINOR, ce projet représentait un investissement global de 27 millions d’Euros. Un espace boisé ainsi qu’un terrain de football (le seul que comptait ce quartier défavorisé) avaient été rasés en prévision de l’édification de ce grand complexe de loisirs et des grands parkings qui devaient le desservir.
Le 14 février 2008, la première pierre du "Zénith" était posée en présence de membres éminents de la vie culturelle réunionnaise : il ne restait plus qu’à engager les travaux définitifs. Malgré cet ultime degré d’achèvement du projet, Gilbert Annette décida d’en interrompre purement et simplement la réalisation, peu après son élection à la Mairie de Saint-Denis, le 16 Mars 2008. Comme dans le cas de la rocade du Tampon refusée dans le Sud par Didier Robert, cette décision n’a pas d’autre fondement que le refus du partenariat avec des partenaires issus d’horizons politiques différents. Que la Région soit à l’origine du projet de Rocade suffisait au député-maire du Tampon pour justifier son interruption. A Saint-Denis, l’association de municipalités PCR (Sainte-Suzanne) et UMP (Sainte-Marie) au "Zénith" a constitué pour le maire socialiste nouvellement élu une raison suffisante pour mettre un terme brutal à un ouvrage architectural d’une envergure unique dans tout l’Outremer. Ainsi, le premier magistrat de Saint-Denis faisait prévaloir l’idéologie municipaliste sur l’intérêt de Saint-Denis et de toute La Réunion.

Le défi de l’innovation politique

Dans le contexte du début du 21e siècle, cette attitude a de forts relents d’archaïsme. En effet, aucun acteur politique raisonnable ne peut aujourd’hui ignorer le poids de la responsabilité des décideurs d’aujourd’hui envers un pays qui comptera un million d’habitants en 2025, soit dans 15 ans seulement…Le défi de faire vivre dignement un million d’hommes sur la terre réunionnaise ne pourra être affronté sans la participation la plus large à l’œuvre commune. Comment ce but pourrait-il être atteint, si de microscopiques "guerres froides" continuent de faire rage entre les collectivités ? L’avenir de notre pays restera-t-il prisonnier des limites dépassées qu’impose la géographie des intérêts politiciens ? Ou les femmes et les hommes de progrès sauront-il en venir à bout par le choix de l’innovation politique ?

Geoffroy Géraud-Legros

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