Après la défaite à l’île de La Réunion…

D’où vient la ligne suicidaire des états-majors parisiens ?

7 octobre 2009, par Geoffroy Géraud-Legros

Dimanche dernier lors de 4 élections à La Réunion, les électeurs ont confirmé les acquis de Mars 2008. Des questions se posent : qui assumera la responsabilité politique de ces perte de temps, de moyens et d’action ? Les responsables de ce gâchis persisteront-ils dans une ligne de confrontation brutale, qui s’inscrit contre la volonté réformatrice impulsée au plus haut niveau de l’Etat ?

Défaite sur tous les fronts : c’est le constat que peuvent tirer les dirigeants de l’UMP et du Nouveau Centre après le second tour des élections partielles, qui a vu l’amplification du soutien de l’électorat à Huguette Bello, Claude Hoarau et Thierry Robert.

Archaïsme des logiques d’appareil…

Les états-majors nationaux n’ont pas lésiné sur les moyens : après la visite de Jean-Christophe Lagarde, maire Nouveau centre de Drancy, venu soutenir un Cyrille Hamilcaro mis en grande difficulté, l’UMP a à son tour dépêché dans notre île Eric Raoult et Jean Simonetti au chevet du duo Bénard-Melchior.

On ne peut pas dire que ces visiteurs aient contribué à élever le débat ou à en enrichir les perspectives. Ainsi, non content de s’être laissé entraîner dans l’une des pénibles machinations dont les troupes de Cyrille Hamilcaro ont parsemé la campagne, Jean-Christophe Lagarde s’est répandu en propos injurieux envers le candidat Claude Hoarau et la ville de Saint-Louis, qu’il a —sans crainte du ridicule— comparée à la « Colombie ». De son côté, l’envoyé de l’UMP Eric Raoult s’est illustré par des propos particulièrement ineptes à l’égard de la candidate communiste Huguette Bello et des citoyens de Saint-Paul…Comparant cette fois-ci Saint-Paul à la Corée du Nord et à Cuba !

Dans le contexte actuel, ces comportements apparaissent comme autant de survivances d’un temps où l’intervention coloniale des partis parisiens dans les processus électoraux de l’Outre-mer était monnaie courante… Temps pourtant révolu comme l’ont signifié de manière répétée les plus hautes autorités de la République, qui souhaitent aujourd’hui une réforme des rapports entre l’Hexagone et sa périphérie ultramarine.

De cette volonté de rupture avec les comportements hérités de la période coloniale témoignent les déclarations récurrentes du Président de la République, qui reconnaissent la légitimité de l’aspiration des citoyens d’Outre-mer à prendre en main leurs responsabilités.

Cette évolution des mentalités se traduit par l’organisation d’Etats généraux, dans le but affirmé d’aborder « sans tabous » les problèmes structurels de l’Outre-mer français. Elle se manifeste encore par la nomination d’une Guadeloupéenne au Secrétariat général à l’Outre-mer, acte qui rompt avec le vieux réflexe centraliste —à la limite du mépris— qui excluait d’office la présence d’un ultramarin à ce poste.

… et de l’utilisation de l’appareil d’Etat

Néanmoins, la stratégie des candidats UMP et Nouveau Centre, secondés par les Etats-majors parisiens, a montré qu’il y a un abîme entre le processus de transformation engagé et les archaïsmes persistants qui se sont exprimé au cours de la campagne… notamment par le biais de l’utilisation de l’appareil d’Etat à des fins politiciennes.

Depuis quelque temps, les Réunionnais ont pu constater que dans leur île, l’action publique s’exerçait en fonction d’une logique fort peu compréhensible. La campagne électorale n’a pas, loin s’en faut, contribué à clarifier les choses. Comment, par exemple, expliquer la hausse de l’impôt à Saint-Louis, annoncée comme une décision par le représentant de l’Etat, alors même que la commune se trouvait sous administration de la délégation spéciale, seulement compétente pour les affaires courantes ? Pareille mesure n’était-elle pas de nature à troubler l’opinion, en pleine campagne électorale ? Comment expliquer encore les inscriptions d’office sur les listes électorales ordonnées dans la même commune le jour de l’élection, alors que la loi réserve cette procédure à des cas d’exception ?

On pourrait multiplier les interrogations de ce type…qui toutes aboutissent à l’impression générale, que tout se passe comme si l’appareil d’Etat avait été sollicité pour faire pencher la balance en faveur de certains candidats. Là encore, la vigilance populaire a sanctionné sans ambiguïté ces usages issus d’un passé révolu.

Qui assumera la responsabilité ?

Une autre question demeure : qui donc, depuis La Réunion, a intérêt à imprimer aux directions parisiennes des partis de gouvernement cette ligne suicidaire, révoquée régulièrement et sans équivoque par l’électorat…qui s’inscrit de surcroît en porte-à-faux avec les déclarations du Gouvernement et du Chef de l’Etat ?

Cette question est légitime, car les effets de la politique de confrontation menée depuis quelque temps vont bien au-delà des luttes internes aux organisations politiques, et porte atteinte à l’intérêt général des Réunionnais.

En effet, chacun reconnaît aujourd’hui que l’organisation de nouveaux scrutins a constitué une perte de temps et de moyens considérable. Dès lors, que penser de ceux qui, dans un contexte de choc économique et social, n’hésitent pas à faire usage d’une stratégie de tension qui pourrait fragiliser l’unité des Réunionnais, alors que celle-ci est plus que jamais nécessaire ?

Certains élus réunionnais de la majorité ont pourtant fait part de leurs réserves au cours des élections partielles, regrettant « l’absence de pensée politique » ou déplorant le recours des candidats à des intervenants de l’Hexagone. On ne peut s’empêcher de constater que l’émergence de la ligne dure, aujourd’hui mise en échec coïncide avec l’ascension de Didier Robert dans le champ politique réunionnais et dans l’organigramme de l’UMP. La réalité s’est chargée de montrer l’échec de cette stratégie. Malheureusement, on peut néanmoins penser qu’à l’approche du scrutin régional, le député-maire du Tampon persistera dans l’erreur, s’inscrivant à contre-courant de l’histoire…et de l’intérêt de La Réunion, à l’heure ou celui-ci devrait dernier faire consensus, à l’issue des Etats-généraux.

Geoffroy Géraud

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