Transfert des TOS : une solution pour sortir de l’impasse ?

De la prudence.....

23 août 2004

L’expérience l’a prouvé : l’improvisation et les décisions prises sans concertation desservent la cause des TOS et renforcent le discrédit jeté sur les élus. C’est avec prudence qu’il faut examiner les nouvelles propositions de sortie de l’impasse.
Le gouvernement est toujours dans l’incapacité d’apporter des précisions sur la manière avec laquelle sera abordée la question du financement de la décentralisation. Devons-nous, par une de nos propositions, accepter le principe d’un appel aux contribuables, même si c’est pour faire la démonstration que cette solution est difficile à mettre en œuvre ? Ce débat dépasse le seul cadre de La Réunion et mérite d’être abordé le plus sérieusement possible.

La décision du Conseil constitutionnel ajoutée au caractère inopérant de l’amendement constitutionnel de Jean-Paul Virapoullé et aux atermoiements gouvernementaux rendent compliquée la solution du problème du transfert des TOS aux collectivités. On cherche toujours comment gagner du temps et obtenir, en préalable, un rééquilibrage des effectifs
Certains élus pensent avoir trouvé une solution pour sortir de l’impasse. Ils proposent de rendre impossible la mise en œuvre du transfert en organisant l’insuffisance sinon l’absence des ressources financières nécessaires au transfert. Leur stratégie consiste à inviter le gouvernement à faire prendre partiellement en charge financièrement le transfert en le faisant supporter par une contribution fiscale locale. Les auteurs de cette proposition estiment que les recettes qui en résulteraient s’avéreraient rapidement trop faibles pour garantir un transfert.

À l’esbrouffe

Ces responsables politiques le reconnaissent eux-mêmes : leur proposition vise à passer outre la décision des juges constitutionnels et visent à rendre inapplicables - ne serait-ce que temporairement - ce qui est désormais la loi. Les circonstances l’exigent sans doute mais encore faut-il au moins être conscient que des élus souhaitent organiser et de manière concertée un détournement de la loi.
Ceci étant, la première impression qui se dégage est que ces élus mis au pied du mur et devant l’urgence de trouver une solution veulent procéder à l’esbrouffe, en recourant à une astuce. D’ailleurs l’auteur principal de la proposition, lui-même, n’est pas assuré de la pertinence de la solution et il cherche dans une interprétation de plusieurs dispositifs législatifs récents - dont ceux concernant le financement de la loi de décentralisation - de quoi argumenter en faveur de la nouvelle stratégie proposée.
L’expérience, dont celle issue de la gestion du dossier des TOS, prouve que ce qui n’est pas mûrement réfléchi et débattu collectivement peut avoir des effets dévastateurs. L’amendement déposé à la va-vite par Jean-Paul Virapoullé (lorsque Paul Vergès avait dit que ce texte était mal rédigé, on avait ricané), la réplique improvisée du gouvernement et le recours non concerté du PS ont conduit à une situation inattendue et inextricable.
On ne devrait pas recommencer les mêmes erreurs. Il faut donc prendre le temps de la réflexion et de la concertation. Toute nouvelle proposition appelle une étude sérieuse, car tout nouvel échec rendrait définitivement impossible la recherche d’une solution acceptable pour tous. Tout nouvel échec dû à la précipitation renforcerait encore plus le discrédit qui pèse sur les élus réunionnais.

Effet boomerang

Faisons aussi attention à un éventuel effet boomerang.
Ce qui est proposé pour tenter de régler le problème n’est pas à ranger dans la rubrique des solutions spécifiques aux DOM :

- nous ne sommes plus dans la situation où il a fallu augmenter de deux points la TVA pour financer la loi Perben ;

- nous ne sommes pas dans le cas où, pour maintenir des recettes aux communes, on fait perdurer le système de l’octroi de mer ;

- nous ne sommes pas dans l’obligation d’augmenter les taxes sur les cigarettes sous couvert de lutte contre le tabagisme mais, en réalité, pour apporter de nouvelles recettes à un Département mis dans l’obligation de faire face à de nouvelles charges ;

- nous n’avons pas à régler qu’un problème domien et nous ne pouvons pas avoir le réflexe de faire appel aux contribuables ultra-marins pour financer des mesures décidées pour eux par le gouvernement.

La solution proposée dépasse le seul cadre du transfert des TOS : elle s’intègre dans la problématique plus générale du financement de la décentralisation. Nous revenons à un débat essentiel : comment seront financés les mesures de cette loi ?
Les plus critiques vis-à-vis du gouvernement ont toujours affirmé que celui-ci ne met pas à la disposition des collectivités les moyens financiers correspondants aux compétences transférées.
La crainte la plus partagée est que Jean-Pierre Raffarin n’a pas les moyens de sa réforme, qu’il va charger la barque des collectivités locales - souvent mieux gérées que l’État - et qu’au final ce seront les contribuables qui paieront la nouvelle étape de la décentralisation.

Débat pas achevé

Ce débat n’est pas achevé : même après le vote de la réforme, il sera au cœur du débat du prochain congrès de l’Association des Maires de France, mi-novembre.
Durant la campagne des élections régionales, face à ceux qui s’interrogeaient, les leaders de la liste UMP répondaient : le gouvernement a prévu, par la loi, de donner aux Régions et Départements les moyens correspondants aux compétences transférées.
Alors que Matignon est toujours dans l’incapacité d’apporter la moindre réponse précise sur une question aussi fondamentale, des Réunionnais sont en train d’élaborer - pour le seul transfert des TOS - une solution qui donne raison à ceux qui ont toujours dit qu’au final, ce sont les consommateurs qui paieront. Car même si ce n’est que "pour rire" - si l’on pouvait se permettre de parler ainsi -, même s’il s’agit de trouver un moyen que l’on pense irréalisable pour sortir de l’impasse, la proposition qui est faite repose sur un principe : on reconnaît, on admet que les mesures issues de la loi de décentralisation doivent être financées en partie par la fiscalité locale, c’est-à-dire par une contribution des contribuables.
Ainsi, avant même que la loi serait appliquée, nous donnerions raison à ceux qui ont été les plus critiques à son égard. Ne sommes-nous pas en train de jouer aux apprentis sorciers ?
Le gouvernement ne serait-il pas tout heureux de mettre en exergue le cas réunionnais ? Ne pourra-t-il pas dire aux collectivités récalcitrantes : “regardez, mis dans une situation devenue difficile, des élus réunionnais ont accepté le principe de faire supporter partiellement la charge de la loi par la fiscalité locale” ?
Ne sommes-nous pas en train, par notre interprétation de plusieurs dispositions législatives, de faire une proposition de financement qui pourrait faire jurisprudence et s’imposer à toutes les collectivités de la République ?
Ce sont des aspects sur lesquels il faudrait vite réfléchir et apporter des réponses. Nous le disions : la décision du Conseil constitutionnel va compliquer la recherche d’une solution au problème du transfert des TOS dans les DOM. Cela nous oblige à avancer prudemment, en étudiant toutes les possibilités, toutes les propositions dans toutes leurs dimensions.


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