Budget pour l’outre mer

« De nombreux sujets nous préoccupent »

4 décembre 2007

Intervention hier de Gélita Hoarau à la Séance publique du Sénat sur le Projet de Loi de Finances pour 2008.

« L’examen du premier budget pour l’outre-mer de la nouvelle législature reste un exercice paradoxal. De toute la République, les régions et collectivités d’outre-mer sont les seules dont le Parlement discute des dépenses engagées par l’Etat pour elles. Mais, il le fait à travers le budget du secrétariat d’Etat à l’Outre-mer qui ne représente qu’une partie de ces dépenses. Par ailleurs, d’année en année, les périmètres de ce budget sont modifiés, des crédits sont transférés à d’autres ministères. Il est donc difficile de vérifier si les évolutions constatées répondent à la progression démographique, aux exigences sociales ou à l’évolution du coût de la vie.

Ce budget comporte deux principaux programmes : l’emploi et les conditions de vie.
Dans le premier, les dépenses liées aux exonérations de charges sociales restent les plus importantes : 867 millions d’euros. Pourtant, les résultats de ce dispositif ne sont pas entièrement prouvés. Le rapport d’étape de la commission d’évaluation de la loi-programme, l’avis du Conseil Economique et social, le rapport d’audit sur les exonérations de charges sont réservés. L’un d’eux estime qu’il s’agit d’ « un dispositif indifférencié de transfert de la Métropole vers les DOM » plutôt qu’« un dispositif ciblé sur la création d’emplois ». Son amélioration appelle débat.

Je suis inquiète quant à la baisse des crédits destinés aux contrats aidés.
Nous avons certes de bonnes performances économiques, mais notre progression démographique gomme en partie les résultats en termes de création d’emplois. Notre taux de chômage reste le plus élevé de la République. La zone franche globale que vous proposez ne permettra pas de donner une activité ou du travail à tous. Elle ne répond pas à tous les besoins d’une société en mutation. Nous devons donc bâtir en plus une véritable économie de la solidarité. La Réunion va expérimenter le contrat unique d’insertion. D’autres initiatives sont possibles car des textes nous permettent à titre expérimental de déroger aux lois et aux règlements en vigueur. Innovons donc, cherchons les moyens les plus efficaces pour conduire le contrat aidé vers un emploi pérenne, allons vers une professionnalisation des employés comme des employeurs, passons d’une logique de guichet à celle d’un choix partagé, trouvons des nouveaux partenaires et d’autres sources de financement comme l’épargne populaire. Cela suppose que de son côté, l’Etat fasse jouer davantage la solidarité nationale en augmentant les crédits du FEDOM. Je milite pour la transformation des emplois aidés en emplois durables dans deux secteurs gros utilisateurs de main-d’œuvre : les services de l’environnement et les services à la personne.

Dans le chapitre « conditions de vie », les crédits du logement social augmentent, selon vous. Cette évolution est contestée. Vous envisagez, dans le projet de loi-programme, la mise en place d’un dispositif de défiscalisation plus profitable au logement social. Mais, le problème est si complexe que des moyens fiscaux supplémentaires et une ligne budgétaire plus ou moins bien dotée ne peuvent à eux seules les résoudre.

Sur ce sujet, nous cultivons une particularité : à La Réunion, l’ensemble des partenaires partagent la même analyse et font les mêmes préconisations. Ils on signé, en 2004, le Livre Blanc sur le logement social. Au rang des signataires partenaires, il y a les collectivités territoriales, l’association des maires, les bailleurs sociaux et le représentant de l’Etat. Une telle unanimité impose que l’on étudie les propositions faites, qu’on examine les voies et moyens pour les mettre en œuvre. Depuis 2004, les gouvernements successifs ont refusé de le faire. Au nom de la rupture dont vous vous réclamez, allez-vous prendre en compte cette contribution en élaborant, par exemple, une loi spécifique sur le logement pour les DOM ?

Le gouvernement veut une mise à plat des dispositifs de la continuité territoriale (passeport mobilité, dotation de continuité territoriale, congé bonifié). Cette réforme va-t-elle marquer un retrait de l’Etat ? Nous le craignons. L’avion est le moyen qui nous permet d’exercer la liberté de circulation des hommes. La solidarité nationale doit nous aider. Nous souhaitons être desservis par des Airbus A380 qui auraient l’avantage de faire baisser substantiellement les billets d’avion. Allez-vous, Madame La Ministre, Monsieur le Secrétariat d’Etat, nous soutenir dans cette démarche ?

Par ailleurs, Je vous renouvelle ici une question que j’ai posée en Commission des Affaires sociales : quand les chantiers que le Chef de l’Etat propose pour l’Outre-mer -cela va depuis l’école en passant par le dialogue social, le co-développement ou l’amélioration des conditions carcérales- quand donc tous ces chantiers seront-ils ouverts ?

Je vous ai aussi interpellé par courrier sur le phénomène de hausse des prix à La Réunion.
Nous cumulons plusieurs handicaps. Nos prix sont plus élevés que ceux de la Métropole dans d’inquiétantes proportions. S’y ajoute depuis la hausse généralisée du prix des matières premières industrielles ou agricoles et leur raréfaction. Très dépendante de l’extérieur pour nos besoins essentiels, nous subissons, en plus, une hausse du coût du fret maritime (+40% en un an) qui résulte de la hausse du prix des carburants mais surtout d’un manque de cargos, ceux-ci desservent de moins en moins notre zone.

Ce phénomène de hausse a et aura de nombreuses conséquences, notamment sur la politique que vous comptez mener.
Il faut des solutions pour répondre à trois problèmes : la baisse du pouvoir d’achat, la pénurie de matières premières et la desserte maritime de l’île.
Je compte sur une action forte du gouvernement pour nous aider à y faire face.

Madame la Ministre, Monsieur le Secrétaire d’Etat, au-delà de votre budget d’autres sujets nous préoccupent.
Dans le cadre des négociations APE, la Commission de Bruxelles a signé un accord intermédiaire avec les pays du groupe ESA. Un accord définitif interviendrait fin 2008. Nous espérons que nos intérêts seront défendus.

La future départementalisation de Mayotte est désormais inscrite dans les faits. Cette évolution aura de nombreuses conséquences. Dans le seul domaine institutionnel par exemple, ira-t-on vers une région française de l’Océan Indien comprenant les deux entités : La Réunion et Mayotte ?

La réforme de l’OCM-Sucre arrivera à échéance en 2014. Notre régime spécifique de l’octroi de mer sous sa forme actuelle prendra fin à la même époque.

Ce sont autant de rendez-vous à court et moyen terme qu’il faut préparer et nous espérons que la discussion sur votre projet de loi-programme nous en donnera l’occasion et le temps. Ce qui n’est pas possible aujourd’hui.

Dans un de ses discours lors de la campagne présidentielle, Monsieur Nicolas Sarkozy saluait les apports significatifs de l’Outre-mer à la France et à l’Union Européenne.

En effet, nous rejoignant dans l’analyse, le futur chef de l’Etat notait que l’Outre-mer permettait à la France d’être de « plein pied » dans le monde, d’être la quatrième puissance maritime avec une zone économique exclusive de 11 millions de Km carrés, de bénéficier d’une vaste diversité culturelle. L’outre-mer, c’est aussi, reconnaissait Monsieur Sarkozy, ces hommes et ces femmes qui se sont battus pour la France. C’est aujourd’hui Kourou. C’est une importante biodiversité. C’est une modernité sociale et c’est aussi la coexistence de grandes religions du monde.
« Il est temps de porter une autre image de l’Outre-Mer », déclarait Monsieur Sarkozy. Cela signifie sans doute que, pour mieux reconnaître notre rôle de « frontières actives » de la France et de l’Europe aux confins des continents, nous soyons considérés comme des partenaires. Cela signifie que la Nation apprécie ce que nous lui apportons et qu’elle ne lésinera pas sur sa solidarité. »

LODEOM - Loi d’orientation pour le développement de l’Outre-mer Luttes pour l’emploi

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