Organisation institutionnelle et fonction publique

Décentralisation et surrémunération : deux questions au cœur du débat

9 juillet 2013

Les moyens institutionnels et l’égalité de traitement dans la fonction publique sont deux dossiers sur lesquels le PCR a depuis longtemps fait des propositions. Aujourd’hui, avec la décentralisation et la surrémunération : ces deux questions sont au centre du débat.

La Réunion souffre d’un taux de chômage de 30%. Conséquence, la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
(photo CF)

Décentralisation

1. Le constat

La Réunion est dans une situation qui n’est en rien comparable à celle d’une autre région de la République, qu’elle soit située en France ou outre-mer. Le taux de chômage avoisine les 30%, plus de 165.000 travailleurs sont officiellement à la recherche d’un emploi, plus de la moitié des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage. En conséquence, un Réunionnais sur deux est contraint de vivre sous le seuil de pauvreté.

D’autres indicateurs placent La Réunion dans la catégorie des pays en voie de développement. C’est notamment le cas de l’illettrisme qui touche plus de 110.000 personnes, celui du manque de logements salubres avec plus de 20.000 demandes insatisfaites pour le parc social, et 22% des Réunionnais qui vivent dans des logements surpeuplés.

En plus de cette urgence sociale, La Réunion doit également prendre en compte sa croissance démographique. 250.000 habitants au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, 850.000 aujourd’hui et un million dans 25 ans. Aucune région de France n’est confrontée à une telle situation.

Mais dans le domaine institutionnel, ce sont les mêmes règles. L’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution interdit aux collectivités de La Réunion de proposer des lois spécifiques. C’est pourquoi les outils à la disposition des pouvoirs publics à La Réunion sont les mêmes qu’en France, alors que la situation est très différente.

2. L’union sur une alternative

Le gouvernement met en œuvre une réforme institutionnelle, c’est l’acte 3 de la décentralisation. Ce changement est attendu à La Réunion, mais les textes déjà votés ou en cours d’examen ne répondent pas à nos besoins.

La réalité impose une approche différente. C’est une demande unanime qui rassemble au-delà des clivages des partis.

Le 28 juin dernier, l’assemblée plénière du Conseil général a adopté une motion demandant à l’Etat d’écarter La Réunion du présent projet de l’acte 3 de la décentralisation pendant un délai maximum d’un an.

Les conseillers généraux demandent à l’Etat « la possibilité d’élaborer un projet global de développement à contractualiser avec l’Etat », ainsi que « les moyens politiques, administratifs et juridiques, notamment un pouvoir réglementaire, ainsi que les moyens financiers permettant la mise en œuvre de ce projet de développement ».

Ce projet devra tenir compte du statut de Région ultrapériphérique de l’Union européenne, qui ouvre droit à l’adaptation des politiques communautaires. Il devra aussi « servir un véritable projet de développement ».

Cette position a permis de fédérer les différentes composantes du Conseil général, soit des partis membres de la majorité présidentielle, et de l’opposition. C’est une démarche très constructive.

3. Nécessaire concertation

Elle donne une illustration du décalage existant entre les propositions contenues dans le projet de loi, et une réalité bien différente de la France.

Sachant qu’une réforme institutionnelle est un acte qui engage pour de nombreuses années, la recherche de la concertation doit être privilégiée avec tous les acteurs concernés. Il est important de ne pas renouveler l’erreur commise en 1982 lors des premières lois de décentralisation. Les nouvelles compétences transférées alors avaient pour cadre une assemblée unique sur un territoire unique, résultant de la fusion de la Région et du Conseil général.

L’invalidation de la création de l’assemblée unique par le Conseil constitutionnel fin 1982 a amené la coexistence sur un territoire unique de deux assemblées à partir de mars 1983, elle a créé les régions monodépartementales spécifiques aux Outre-mer. C’était il y a 30 ans, cela s’applique encore.

C’est pourquoi avant de lancer une réforme pour les 30 ans à venir, la concertation est absolument nécessaire.

Surrémunération

Depuis 1946, La Réunion a le statut de département. Voulue par les forces vives du pays, cette transformation avait pour objectif l’extension le plus rapidement possible des lois sociales votées sous le Front populaire, puis à la Libération. C’est à cette époque que fut remanié le statut de la fonction publique en France. A La Réunion, deux catégories de fonctionnaires coexistaient, à l’image de la situation de Mayotte aujourd’hui.

Quelques dizaines de fonctionnaires étaient sous le régime du cadre général. Ils bénéficiaient d’un régime d’expatrié, réservés aux hauts fonctionnaires de l’époque : les professeurs du seul lycée et les chefs de service. Ils bénéficiaient de salaires majorés par rapport à la France, ainsi que d’un régime de retraite plus avantageux, sans oublier des congés administratifs intégralement pris en charge.

Tous les autres fonctionnaires dépendaient du statut de l’indigénat. Ils avaient des salaires moins élevés qu’en France.

C’est donc bien légitimement que les fonctionnaires, au même titre que les travailleurs du privé, ont revendiqué l’égalité de traitement « franc pour franc » avec les fonctionnaires de France.

La décision du gouvernement de l’époque fut toute autre. Il décida d’octroyer à tous les fonctionnaires d’Etat le régime des expatriés. Les fonctionnaires réunionnais bénéficiaient donc d’un supplément colonial, devenu la prime de vie chère. Son montant est variable selon le lieu de service. Il est de 53,5% à La Réunion. Et de quelques dizaines, le nombre de bénéficiaire est aujourd’hui supérieur à 20.000. La surrémunération, ce sont plus de 600 millions d’euros par an à La Réunion.

1. Le constat

Depuis plusieurs années, ce régime spécifique n’a pas bonne presse en France, au même titre que les abattements fiscaux octroyés aux résidents et aux investisseurs.

Mais avec l’aggravation de la crise en Europe, les critiques se font plus incisives. Le gouvernement français vient d’obtenir un délai supplémentaire de 2 ans pour faire repasser son déficit public sous la barre des 3%. Voici deux semaines, la Cour des comptes a donné des préconisations pour respecter ce délai : un plan d’économie de 28 milliards en deux ans.

Pour que le contribuable ne subisse pas une nouvelle hausse de la pression fiscale, la Cour des comptes recommande au gouvernement d’agir notamment sur la masse salariale des fonctionnaires.

Le 12 juin dernier lors d’une visite en Nouvelle-Calédonie, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, a proposé l’arrêt de l’indexation afin de rendre l’économie plus compétitive vis-à-vis de ses voisins.

Pour La Réunion, une telle suppression serait catastrophique, car c’est à partir de la surrémunération que s’est construite toute l’économie réunionnaise actuelle. Si elle est retirée, tout s’effondre comme un château de cartes, car pour le moment, il n’y a aucune alternative.

2. Justice et égalité

L’introduction de la surrémunération dans la fonction publique d’Etat a des répercussions dans les autres fonctions publiques. Elle est une des explications du maintien de 18.000 agents des collectivités en dehors du statut de la fonction publique territoriale. Elle est aussi un des éléments qui accentue les inégalités à La Réunion, tout en sachant qu’elle est le ciment de l’économie. Si réforme il y a, elle ne peut s’appréhender que dans le cadre global de la politique des prix et des revenus.

C’est pourquoi le PCR demande d’ouvrir d’urgence le chantier de l’harmonisation des revenus, car la politique des revenus en vigueur depuis 66 ans crée un véritable apartheid social avec des salaires bénéficiant d’une indemnité de vie chère et d’autres revenus qui n’en bénéficient pas alors que le coût de la vie est le même pour tous. Ce chantier doit s’ouvrir sur la base des principes suivants :

- concertation la plus large avec tous les acteurs concernés

- pas de bouc émissaire et respect des droits acquis des personnes en poste

- neutralité budgétaire : les épargnes et économies réalisées doivent être versées dans un fonds réunionnais de développement

- étalement de la réforme sur une période de 20 ans permettant d’éviter des effets non maitrisés afin de garantir et concilier efficacité économique et justice sociale.

3. L’égalité de traitement

Cette nouvelle politique des revenus doit notamment permettre de réaliser l’unité réelle de la fonction publique d’Etat, territoriale et hospitalière, et créer les conditions favorisant l’intégration dans la fonction publique de tous les agents permanents contractuels, en particulier des employés communaux, avant la fin du quinquennat présidentiel ainsi que l’accès des Réunionnais(e)s aux emplois de la fonction publique.

Elle pourrait déboucher sur l’extension à La Réunion de l’égalité de traitement dans la fonction publique. Le décalage entre salaire et coût de la vie ne serait plus réglé par la surrémunération, mais par l’indemnité de résidence perçue en France par tous les fonctionnaires entrant dans des critères précis.

La surrémunération représente plus de 600 millions d’euros par an à La Réunion. Toute décision brutale sans concertation serait désastreuse.
(photo Toniox)
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