Pour Paul Vergès, le projet du gouvernement n’est pas adapté

Décentralisation : pour « une réponse réunionnaise à un problème réunionnais »

31 mai 2014, par Céline Tabou

A l’occasion d’une conférence de presse, Paul Vergès a évoqué son embarras face au prochain vote de la loi concernant l’acte 3 de la décentralisation. Cet acte regroupe plusieurs réformes destinées aux collectivités territoriales, qui convient de fusionner les régions et de réduire le nombre de départements.

Paul Vergès rappelle que la situation géographique de La Réunion n’a rien à voir avec celles des régions appelées à fusionner entre elles.

Face au changement de l’ensemble du paysage politique en France après les élections municipales et européennes, Paul Vergès a souligné que « dans le même temps, une mesure importante est annoncée par le gouvernement, l’acte 3 de la décentralisation ». Pour le sénateur communiste, cette réforme ne convient pas à La Réunion, en raison de sa position géostratégique et de sa situation économique et sociale.

Un acte inapplicable

Cependant, « il faut être prudent parce que le gouvernement n’a pas donné de prévision de date » vis à vis de l’application de cette loi. Cependant, « on est engagé dans une situation délicate, grave et extrêmement changeante ». Retraçant l’histoire de la construction des départements et des régions, Paul Vergès a expliqué qu’aujourd’hui, « avec le phénomène d’intégration à l’Europe, l’évolution des territoires des autres pays est différente ». Mais « une des leçons qu’a tirée le gouvernement de cette évolution est que le développement des forces productives rend trop étroites les frontières des départements ».

Pour le sénateur, l’analyse faite par le gouvernement se concentre principalement sur les frontières continentales au sein de l’Europe. De fait, « qu’est ce que cela a à voir avec La Réunion ? », a indiqué Paul Vergès aux ministres rencontrés récemment. La Réunion est « une des régions les plus petites de France », d’ailleurs, « quand on a créé la région, on l’a plaquée sur le département ».

Aujourd’hui, l’objectif est d’« augmenter la surface économique et géographique des régions », raison pour laquelle le gouvernement a décidé de réduire le nombre de départements. Cependant, « que faire à La Réunion, on va diminuer quoi ? fusionner quoi ? », car « la justification historique et économique découlant de l’intégration à l’Europe n’existe pas à La Réunion ».

Un défi démographique incomparable

En effet, l’environnement géostratégique de La Réunion « n’a rien à voir » avec celui de la France, car les frontières, « ce n’est pas l’Italie ou la Belgique, mais Maurice, les Comores et les Seychelles ». D’autant plus que « la stagnation démographique » du Vieux Continent n’est pas comparable avec la progression constante dans la zone géographique de La Réunion. Le sénateur a pris l’exemple de Madagascar, qui atteindra près de 22 millions d’habitants d’ici 2025. Une démographie qui impactera sur La Réunion et son rapport avec l’île sœur, car « Antananarivo et Saint-Denis, c’est 800 km de distance, l’équivalent de Paris-Marseille ».

Pour Paul Vergès, les enjeux régionaux de La Réunion et les décisions du gouvernement ne concordent pas. Raison pour laquelle, ce dernier a sollicité les ministres afin de « leur faire part de mon embarras, face à cette loi. Est ce que je dois voter pour ou contre ? ». Une rhétorique de la part du sénateur afin de mettre en avant les spécificités réunionnaises dans le cadre des mesures engagées par le gouvernement. Et ainsi faire prendre conscience aux hauts responsables des difficultés d’une application mécanique des lois à La Réunion, un argument mis en exergue lors de la précédente conférence de presse du sénateur Paul Vergès.

« Le silence des parlementaires »

Face aux arguments du sénateur, les ministres « m’ont demandé d’approfondir mon analyse et de leur faire part d’une réponse réunionnaise à un problème réunionnais », a rapporté le sénateur. Ce dernier s’est senti obligé d’organiser cette conférence de presse, parce que « les autres collègues parlementaires n’en disent pas un mot et ne révèlent pas leur solution inédite et spécifique ».

Un silence dénoncé à plusieurs reprises par le sénateur, qui a précisé que pendant ce temps les présidents de la région et du département « élaborent des compétences pour affronter les changements » à venir. Paul Vergès a déploré « la discrétion exemplaire et le silence des parlementaires » car « on va donc appliquer une procédure et des mesures de regroupement et de fusion à La Réunion, où la situation n’a rien à voir avec ce qui se passe en France ».

Céline Tabou

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Messages

  • Il semble que l’UE met à disposition des régions ultramarines des outils en regard de leurs spécificités. Ces outils permettent à ces régions de se développer.
    La question est de savoir si les élus et les bénéficiaires du système souhaitent cette transformation.
    Le silence des élus traduit la volonté de rester confiner dans ce système, malgré les conséquences désastreuses sur notre société. Ces conséquences sont dues à une politique économique basée sur l’importation. L’existence de l’octroi de mer apporte des fonds supplémentaires aux communes, (80% de cette taxe), engendrant une situation de dépendance de la population vis à vis des élus. Aux pouvoirs exorbitants qui en découlent les élus régissent les affaires de manière féodale. Ces règles les orientent à devenir des potentats à la conquête du pouvoir. Les magouilles et les tractations des nombreux partis aux élections municipales ont laissé comprendre les desseins des dominants, aux multiples fonctions d’élus, de conquérir la Région. Pour quoi faire ? Surement pas pour le développement de La Réunion. Asseoir plus de pouvoir, plus de privilèges.
    Si les élus restent silencieux c’est parce qu’ils se demandent quelle décentralisation leur permettra de conserver leurs privilèges, voire les accroître.
    En conclusion, toutes propositions de décentralisation sans remise en cause du fonctionnement économique n’engendrera aucun espoir.


Témoignages - 80e année


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