La Réunion des impasses

Déplacements : la route au bout du rouleau

7 septembre 2004

C’est toute la politique routière de l’île qui est en cause. Au cours de la récente conférence de presse du Parti communiste de la Réunion (PCR) donnée la semaine dernière, Élie Hoarau faisait remarquer qu’inaugurant un tronçon du boulevard Sud, le président de Région et la présidente du Département se sont rejoints pour dire combien la politique du tout-automobile, menée au détriment d’autres modes de déplacements, nous conduisait à l’impasse.
Pour sa part, le préfet faisait remarquer qu’en regardant les statistiques réunionnaises, il avait été frappé par le fait que l’augmentation du nombre de voitures ces dernières années dépassait largement l’accroissement de la population. Ce que confirme les évolutions sur la période 1980-2000 : le nombre de voitures a augmenté deux fois plus vite que celui des habitants de l’île et, pratiquement, cent fois plus vite que le kilométrage des routes !

1980 2000 Augmentation
Parc automobile 123 868 247 751 100%
Population 501.200 715.900 42, 3%
Réseau routier (1) 1.074,8 km 1.119 km (2) 0,4%

(1) routes nationales plus routes départementales
(2) TER 2002/2003

Sans doute, une telle situation résulte de mauvais choix. Celui de la route du littoral en est un exemple (voir encadré) ; mais c’est toute la politique routière qui est en cause. L’État, par la voix de son directeur départemental de l’équipement -celui qui a précédé l’actuel titulaire du poste- pensait qu’il suffisait de traverser La Réunion par une route à 4 voies située sur le littoral et de relier celle-ci à l’intérieur de l’île par des barreaux pour geler le problème de la circulation. Cette thèse s’est retrouvée opposée à celle défendue par d’autres, préconisant de doter La Réunion d’au moins une route circulaire à moyenne altitude sinon d’une autre, un peu plus haut qui reprendrait le tracé de l’ancienne route Hubert Delisle. L’opposition entre ces deux thèses s’est concrétisée dans le choix de la portion de route Saint-Paul/Étang-Salé devant continuer la quatre-voies. A ceux qui proposaient d’améliorer la route nationale actuelle et de la doubler par une autre, à mi-altitude, on répondait par le choix d’une 4-voies avec toutes les solutions possibles et imaginables, dont celle d’une autoroute à péage. On a donc perdu beaucoup de temps.
Ce n’est qu’après une longue bataille que le principe de la route des Tamarins a été admis. Elle coûtera 625 millions d’euros et mesurera 34 km. Elle marque le premier tronçon de la route de moyenne altitude que souhaite réaliser la Région tout autour de l’île. Ce qui ne manquera pas de faire l’objet d’une autre bataille. En attendant la réalisation d’autres routes dont La Réunion a besoin.

Le Tram-Train : l’avenir

La solution au problème des déplacements pourrait venir du développement d’autres modes de circulation dont les transports collectifs. La Région veut, avec le Tram-Train, offrir une alternative aux Réunionnais. Ce véritable transport collectif en site propre (TCSP) circulera comme un train entre deux villes et comme un tram en ville de Saint-Benoît à Saint-Joseph ,avec la possibilité d’une montée sur le Tampon.
Mais, comment le financer ? La première tranche du Tram-Train est évaluée à 1,5 milliard d’euros et sa livraison prévue pour 2012. Or, les recettes du Fonds d’intervention pour les routes et les transports (FIRT) ne permettent pas de répondre à tous les besoins (alternative à la route du littoral, achèvement du boulevard Sud, route des Tamarins, déviation de Grand Bois et pénétrante de Saint-Joseph, liaison Tampon/Saint-Benoît) Par ailleurs, le gouvernement vient de supprimer les fonds destinés à financer ce genre d’opération. Tandis que le coût du foncier va peser.
Jean-Paul Virapoullé a interpellé la Région à propos du tronçon du boulevard Sud inauguré récemment : pourquoi n’a-t-on pas fait les réserves foncières pour le TCSP ?
Pour une raison simple : à cause du prix du terrain.


Route du littoral

Au détriment des terres agricoles

Le 3 décembre 1953, le Conseil général débattait du futur projet de la route littorale. "Vous avez imposé le tracé littoral. La route en corniche coûtera des milliards de francs (NDLR : il s’agit de franc CFA, alors en usage à La Réunion) et sera construite, pour plus de la moitié de son parcours, sur de la roche pourrie. Pendant une bonne partie de l’année, cette route sera abîmée par les éboulements du cap Bernard. Il faudra des centaines de millions de francs pour la remettre continuellement en état" avertissait alors le conseiller général communiste, Henri Lapierre. Le débat sur la route du littoral dure, de fait, depuis 50 ans.
Cette route est le type même d’erreur commise dans un pays encore marqué par la période coloniale. Il ne faut pas masquer la responsabilité d’une majorité d’élus réunionnais qui ont approuvé une solution imposée par un préfet et un directeur des travaux publics. Le débat continue mais il prend souvent l’aspect d’un débat sur l’évènementiel, mais rarement sur le fond du problème.
En réalité, il y a eu deux versions de la route du littoral. La première a été inaugurée en grande pompe le 1er mai 1963. Puis, comme il y a eu de nombreux effondrements, on a réalisé une nouvelle route en l’éloignant de la falaise ; cela n’a pas suffi. Des travaux de sécurisation ont été nécessaires : 34,5 millions d’euros ont été investis entre 1998 et 2003 (pose de filets et achèvement du dispositif 2+1 voies). 83 millions ont été engagés pour la période 2004-2006 pour renforcer la sécurité.

Les effets du changement climatique

Il est clair qu’il faudra concevoir une troisième route pour relier Saint-Denis à la Possession, en plus de l’actuelle route de la Montagne. Il faudra pour cela faire face à trois dangers : les éboulements, la houle et les effets du changement climatique (montée du niveau de la mer, houle plus forte, cyclones plus nombreux et plus virulents). Sans doute sera-t-on amené à revenir à la solution de la route en corniche, c’est-à-dire à un trajet passant en haut de la falaise.
Peut-être pourra-t-on réparer une autre erreur : l’aménagement de Saint-Denis et de celui de La Réunion. Ce débat a commencé dans les années 50. A cette époque, la ville de Saint-Denis s’arrêtait à la ravine du Butor. Il y avait déjà les prémices de la poussée démographique. Le grand débat autour de la “route en corniche” opposée à la “route littorale” ne portait pas sur le tracé de la route, mais sur celui de l’aménagement de l’espace à La Réunion. Devait-on agrandir Saint-Denis vers Sainte-Marie et prendre toutes les terres agricoles ou, au contraire, construire l’essentiel de Saint-Denis à 300 mètres ?
Maintenant nous sommes devant le fait accompli et nous voyons quelles conséquences cela entraîne pour la commune de Sainte-Marie qui est dans l’obligation, sous la pression, de sacrifier de plus en plus ses terres agricoles. Quelle peut être la solution ?
Elle reste la même. La Réunion atteindra le million d’habitants vers 2025. Il y a, là-haut, des milliers d’hectares de terres peu fertiles. Allons-nous faire le choix de les utiliser ou de prendre sur les terres agricoles ?


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