Attaque contre les collectivités à 72 heures de la visite de François Fillon

Derniers coups de griffes avant la chute finale ?

8 juillet 2009, par Manuel Marchal

A trois jours de la venue du Premier ministre, Joël Mongin est sorti du bois. La stratégie est cousue de fil blanc : casser le mouvement unitaire revendicatif dans le BTP et tenter de manipuler l’opinion comme en novembre dernier. D’où cette interrogation : qui peut sérieusement penser que l’opinion peut tomber dans une pareille manipulation ?

Avant-hier, un collectif de transporteurs conduit par Joël Mongin tenait une conférence de presse pour annoncer une mobilisation lors de la venue de François Fillon. Eu égard au précédent du mois de novembre, "Témoignages" a alors titré « Le préfet au pied du mur ». Nous ne croyions pas si bien dire puisque dès avant-hier soir, le représentant de l’État a reçu un collectif des transporteurs à la Préfecture. Et hier le responsable de la FNTR a fait cette déclaration : « Depuis plus de six mois, on travaille en collaboration avec l’État, sous-entendu le préfet (…) Mais on en veut aux collectivités locales. Conseil régional, Conseil général et communes : ce sont eux qui détiennent les clés de la commande publique et ils ne sortent pas les chantiers ».
Pareille déclaration d’un responsable syndical ne manquerait pas d’interpeller, mais connaissant les protagonistes, tout est cousu de fil blanc.

À contre-pied de l’union pour l’emploi

C’est un bien mauvais scénario que tentent de rejouer les acteurs de la crise des carburants en novembre, crise qui avait pour objectif le blocus de la Région et la prise en otages pendant 5 jours de 800.000 Réunionnais. Les déclarations de Joël Mongin et la rencontre à la préfecture se placent dans un contexte.
En effet, un mouvement unitaire rassemblant syndicats de travailleurs et de patrons du BTP s’est constitué. C’est l’union pour l’emploi, afin de préserver un outil essentiel au développement du pays. C’est en effet le secteur du BTP réunionnais qui a la responsabilité de mener à bien des chantiers tels que le tram-train ou la nouvelle route du littoral. Mais depuis le début de l’année, plus de 4.000 emplois ont été supprimés, du fait de décisions politiques prises notamment dans quelques municipalités (annulation de la rocade du Tampon et du Zénith, report du Pôle océan…), et de réforme d’un système de défiscalisation qui avait permis de construire en 2007 plus de 10.000 logements.
Jeudi dernier, la cellule économique du BTP s’est réunie à la Région avec les collectivités. Il a été décidé d’agir ensemble pour discuter avec le gouvernement des modalités à mettre en œuvre pour accélérer la reprise. Hier, toutes les organisations syndicales et patronales du BTP ont déposé au préfet une motion pour alerter le gouvernement, les décideurs politiques et économiques sur l’extrême gravité de la situation et sur l’urgence à relancer le secteur de la construction.

Tout se sait à La Réunion

Nul doute que depuis jeudi, le téléphone a dû sonner entre Joël Mongin et ses amis. Le résultat ne s’est pas fait attendre avec une conférence de presse lundi qui prend le contre-pied du mouvement unitaire pour l’emploi dans le BTP. Joël Mongin accuse les collectivités de ne rien faire et fait monter les enchères. Comme par enchantement, une rencontre à la Préfecture quelques heures plus tard permet de faire descendre la pression.
Le montage de cette affaire est tellement grossier que tout le monde sait que ce scénario était écrit à l’avance.
Car ce que personne n’ignore, c’est qu’à La Réunion, la notion de secret est toute relative. Tout finit par se savoir, et d’autant plus rapidement quand la source provient de l’entourage le plus proche des protagonistes. L’intervention de Joël Mongin a en tout cas le mérite d’interpeller l’opinion sur une stratégie suicidaire : qui a intérêt à prendre à partie les institutions de la République à 72 heures de la visite du chef du gouvernement ?

M.M.


Le précédent de novembre

En octobre dernier, un rassemblement d’associations et d’organisations mène une campagne d’explication auprès de la population. Elle démontre que les prix du gaz et des carburants peuvent être baissés de 20%. Une grande journée de mobilisation est prévue début novembre.
Quelques jours avant la date de la manifestation, c’est Joël Mongin et ses amis qui entrent en scène pour revendiquer uniquement pour les transporteurs une baisse de 20 centimes. Toutes les routes de La Réunion sont bloquées, ce qui empêche la manifestation des associations de se dérouler normalement. Les transporteurs sont alors orientés par Joël Mongin et ses amis vers la Région, qui est bloquée plus de 48 heures dans l’impunité totale.
Huit mois plus tard, collectivités, patronat et syndicats du BTP parlent d’une même voix. Et comme par hasard, Joël Mongin attaque de nouveau les collectivités.


70% d’investissements à la Région en 2008

Pour bien montrer que la campagne de Joël Mongin contre les collectivités est purement orientée, il suffit de constater qu’il accuse la Région de garder des projets sous le coude en prévision d’échéances électorales.
Or, l’an dernier, 70% du budget de la Région a été consacré aux investissements, et cette proportion est maintenue cette année. Joël Mongin et ses amis auront beau se creuser la tête, ils ne trouveront aucune collectivité dans la République consacrant autant aux investissements, et donc à l’activité économique.
De deux choses l’une : soit Joël Mongin et ses conseillers ignorent totalement ce que fait la Région, ce qui est, de la part d’un chef d’entreprise de transport, pour le moins étonnant.
Soit Joël Mongin et ses conseillers sont déjà en campagne électorale, et chacun peut constater qu’ils ne sont pas à un mensonge près pour tromper l’opinion. Peut-être pensent-ils même que plus le mensonge est gros, plus il a de chance de tromper l’opinion ?


Le scoop de la semaine : une usine sucrière à Bras-Panon !

Parmi les premiers éléments qui ont filtré au sujet du programme de la visite du Premier ministre, il s’avère qu’une rencontre est prévue avec les planteurs et les usiniers sur le thème de la bagasse à… Bras-Panon.
Jusqu’à présent, chaque fois qu’un ministre vient à La Réunion pour parler d’une question qui touche la filière, la bagasse, le rendez-vous est fixé dans une usine sucrière. L’an dernier, Jean-Louis Borloo avait rencontré la filière à Bois-Rouge, sur le territoire de la commune de Saint-André, pour parler de la bagasse.
Pourquoi donc ce choix de Bras-Panon ?

- est-il prévu de déménager en une nuit l’usine sucrière de Bois-Rouge à Bras-Panon en pleine campagne sucrière ?

- est-ce le changement de majorité municipale à Saint-André et à Saint-Louis qui est à l’origine de ce changement de programme ? Il serait pour le moins étonnant qu’au moment où le président de la République lance les États-généraux, le sectarisme partisan soit une source d’inspiration pour ceux qui ont préparé le programme de la visite du chef du gouvernement.

François Fillon

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