Des adversaires de la démocratie

13 avril 2007

Dans un article de son correspondant à Paris, le journal espagnol “El País” se lamente de la règle de “stricte égalité” du temps de parole que les médias doivent accorder à l’ensemble des candidats depuis le début de la campagne officielle.
« C’est une menace de voir la campagne audiovisuelle se changer en un insupportable galimatia », dit ce correspondant, qui semble craindre plus particulièrement une percée de l’ultragauche, gratifiée par les sondages d’un cumul de 13% des intentions de vote. Des “intentions de vote” qui ne concerneraient que 50% à 60% des électeurs, puisque le nombre des indécis dépasse les 40%.
Il n’est pas venu à l’idée de ce journaliste que s’il y a un nombre d’indécis aussi important à deux semaines du 1er tour, c’est peut-être que la campagne médiatique qui a précédé n’était pas si limpide et efficace que voudraient le faire croire les médias qui, dès le départ, ont pris le parti de l’un ou l’autre des deux principaux candidats. Et si le “galimatia” était dernière nous ? Et si les instituts de sondage étaient en train de se tromper comme ils se sont trompés au moment du referendum sur le nouveau Traité européen ?
Déplorer l’égalité du temps de parole, c’est mépriser la démocratie et la capacité de choix des électeurs. C’est encore et toujours mettre en avant l’inutile “vote utile”, sous le prétexte qu’il n’y aura que deux candidats au deuxième tour... mais au deuxième tour seulement.
Ces journalistes se comportent depuis le début comme s’ils étaient déjà au second tour. C’est pour mieux éluder le choix des citoyens. C’est pourquoi, l’égalité du temps de parole leur est aussi insupportable. « ... le message que reçoivent les Français n’est que hachis, pour ne pas dire délire, ce qui expliquerait la dérive des sondages », conclut le journaliste de “El País”.
Laissons-lui la responsabilité de ses images, mais ce type de réaction est significatif d’une incompréhension de ce qui se passe en profondeur dans l’électorat.
Faut-il craindre une réédition du 21 avril 2002 ? Les conditions de ce vote ont beaucoup changé la donne. Tout indique que de l’abstention va refluer, et le candidat du Front national n’est plus en mesure de jouer les trouble-fête comme cela s’était produit il y a cinq ans. Et tout indique aussi que les électeurs ressentent le besoin de sortir de la fausse alternance libérale/social-démocrate en rééquilibrant la vie publique autour d’autres choix possibles. Le premier tour donnera les clés du choix qu’il faudra faire le 6 mai. Mais tout argument visant à écarter ce choix avant le premier tour doit être lui-même écarté comme un déni de démocratie.
En parlant de choix : Comment tous ceux qui ont dit “non” au Traité constitutionnel européen - auquel ils reprochaient entre autres choses son caractère antidémocratique - pourraient-ils oublier qu’ils vont désigner par leur vote, les 21 avril et 6 mai prochains, ceux qui devront discuter avec Bruxelles pour faire respecter les choix des Français et des Réunionnais ? C’est un des enjeux du vote de la “gauche alternative” ; il y en a beaucoup d’autres, qui ont trait aux questions du chômage et de la sécurité de l’emploi, à la politique du logement, et d’une façon générale, aux choix fondamentaux qui font la vie politique d’un pays. Veut-on mettre les citoyens au cœur de la politique, ou continuer à entendre parler tous les jours du CAC 40, de la Bourse, des chefs d’entreprise qui délocalisent ou qui partent avec la caisse ?
Tous ceux et celles qui, à La Réunion, veulent appuyer un réel changement de gouvernement, dans une avancée du camp progressiste, vont le faire dans cette élection en se prononçant au premier tour pour donner tout son poids à une voix antilibérale ayant fait sien le programme élaboré par l’Alliance pour La Réunion. Et plus ce contrepoids à la “gauche molle” sera puissant, plus les citoyens auront de leviers pour l’action sociale et pour intervenir ensuite dans les changements.
Ramenons sur Terre tous ceux qui veulent “anesthésier” le premier tour.

P. David


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