Budget primitif 2008 du Conseil Général

Des besoins grandissants, un équilibre financier inquiétant

6 décembre 2007, par Edith Poulbassia

Le vote du budget primitif pour l’année 2008 a eu lieu hier au Conseil Général. Le PS a voté contre, le groupe Alliance s’est abstenu. L’opposition constate une fois de plus que la collectivité fait fausse route, car elle est dans l’incapacité de se donner les moyens de ses ambitions : assumer sa mission d’aide sociale avec le RMI, l’APA, le maintien des contrats aidés, la construction de collèges, le soutien à l’enfance, l’aménagement des infrastructures, l’agriculture, etc. Le transfert des compétences plombe le budget du conseil général, qui est contraint d’avoir recours à l’emprunt et à la fiscalité.

« Asseoir encore davantage une politique sociale ambitieuse et innovante en faveur des personnes les plus fragiles, et assurer un niveau d’investissement élevé, tout en préservant les équilibres financiers ». C’est l’exercice périlleux auquel le Conseil Général va se livrer pour l’année 2008. Avec un budget primitif de près d’1,1 milliard d’euros (exactement 1 366 301 000 euros), dont 298 922 000 euros en investissement et le reste en fonctionnement. Ce sont les dépenses d’aide sociales qui pèsent le plus lourd puisqu’elles repésentent 68,1% des charges de fonctionnement, soit 727,9 millions d’euros.
L’Etat participe à hauteur de 62% au budget, vient ensuite la fiscalité directe et indirecte (24%) et les emprunts (9,4%) qui progresse pour le financement des investissements. L’opposition faisait ainsi remarquer que cette tendance allait s’accentuer dans les années à venir. L’Etat n’a toujours pas versé les 200 millions d’euros, conséquence du transfert des compétences (gestion du RMI et APA) au Conseil Général et les besoins sociaux de La Réunion vont grandissants. Le Département le souligne d’ailleurs lui-même : « Une précarité économique forte, un vieillissement de la population et l’isolement croissant des personnes âgées et des familles, les départements devront faire face à des contraintes majeures ces prochaines années ». Le Département préfère cependant parler d’effort de rigueur plutôt que de désengagement de l’État. Peu importe les mots utilisés, faisait remarquer le conseiller général de l’Alliance Alain Armand, il s’agit bien de “désengagement”. « Les comptes du Département sont dans le rouge, à la frontière de la ligne jaune, et s’il continue, il va droit dans le mur. Je ne sais pas s’il s’agit de courage, de témérité ou d’inconscience de vouloir aller aussi loin alors que l’on est plombé », a t-il déclaré lors de la séance plénière.

Contrats aidés : « La situation est catastrophique »

A la fin de cette mandature, la Présidente s’est dite optimiste. C’est « un budget sincère », estime t-elle, « un budget réaliste » pour reprendre les propos du conseiller général Bruno Mamindy Pajany. L’objectif pour réduire les dépenses de fonctionnement de la collectivité reste de réduire le nombre de érémistes. « Le défi c’est de sauvegarder la santé financière de notre collectivité », a insisté Cyrille Melchior, vice-président du Département. Il se félicite de la baisse des allocataires du RMI, de 76.000 en 2004 à 67.300 en 2007 et espère continuer sur cette lancée. Comment ?
C’est là tout le problème. La solution viendrait de l’expérimentation du RSA (Revenu de Solidarité Active) et du CUI (Contrat Unique d’Insertion), seule garantie pour que le Département ne soit pas confronté à la baisse des crédits et du nombre de contrats aidés, assure la Présidente. Le Haut commissaire aux solidarités actives, Martin Hirsch, devrait valider ces expérimentations en janvier prochain, dans le cadre du Grenelle de l’insertion.
Nassimah Dindar refuse de parler de baisse de contrats aidés pour l’année 2008. Elle soutient qu’il y aura « autant voire plus de contrats aidés en 2008. Il est certain qu’on dépassera les 20.000 contrats aidés. Nous avons obtenu avec l’Association des maires la confirmation que l’enveloppe du FEDOM (Fond pour l’emploi dans les départements d’outre-mer) pour La Réunion ne baissera pas ».
Face à toutes ces déclarations, l’opposition n’a pas manqué de souligner les contradictions des discours de l’Etat et du conseil général. Le Préfet, venu présenter le bilan des services de l’Etat, a en effet clairement signifier que l’Etat n’engagera pas plus de moyens. Le conseiller général PCR du Port, Jean-Yves Langenier a souligné les contradictions. « Le Préfet l’a dit. Le plan de financement de l’Etat à 80% c’est fini. Et Les contrats aidés, c’est pour deux ans. Ma question est la suivante : est-ce que le budget s’inscrit dans un plan de développement ? Les inquiétudes existent dans la population. Voici quelques éléments qui les illustrent : en 2000, il y avait 50.000 contrats aidés, aujourd’hui il n’en reste que 25.000. La situation est catastrophique. » Et de rappeler que « le ministre de la cohésion sociale Jean-Louis Borloo avait promis 15 000 contrats d’avenir en plus sur trois ans. On est loin du compte ». Le conseiller général PCR constate ainsi un « inconvénient majeur », « les contrats d’avenir demande un investissement plus fort des collectivités », et le Conseil Général est dans l’obligation de délaisser certaine action primordiale. Ainsi, l’éducation spécialisée qui n’est plus financée par le Conseil Général en 2008, « ce qui va à l’encontre de la cohésion sociale », ambition première de la collectivité. Pour Jean-Yves Langenier, le Conseil Général s’engage dans « une bataille perdue d’avance par rapport au budget et objectifs affichés ». Eric Fruteau a pour sa part rappelé le double langage du gouvernement et des élus locaux, notamment le sénateur-maire de Saint-André, concernant l’application des franchises médicales. Une mesure qui devrait là aussi peser sur le budget du Conseil Général dans le cadre du chèque santé reconduit pour 2008.

Edith Poulbassia


Les précaires de l’éducation nationale au centre du débat

Une cinquantaine de manifestants étaient hier matin devant les grilles du Conseil Général pour continuer à plaider leur cause : sauvegarder leurs emplois. « Nous sommes là pour nous faire entendre notre voix, nous ne sommes pas là pour importuner les élus », déclarait une précaire de l’éducation nationale qui ne comprend pas l’absence de réponse claire à un problème maintes fois posé par les syndicats. Les manifestants resteront dehors, jusqu’à une rencontre avec la Présidente du Conseil Général en fin de matinée.
En séance plénière, le sujet ne pouvait être évité. C’est même l’une des premières questions à laquelle le Préfet a été confronté. Sa réponse, concise, est sans ambiguïté. « Les TOS ont fait l’objet d’un transfert qui a donné lieu à des discussions avant et après, les représentants syndicaux ont été reçus à la préfecture, au rectorat, à qui j’ai demandé un traitement au cas par cas. Il y a un terme à ces contrats, ce ne sont pas des contrats à vie ». La revendication de ce personnel précaire est-il donc illégitime ? Est-ce acceptable de remercier une personne qui a travaillé pendant dix ans dans de telles conditions ?
Les conseillers régionaux étaient nombreux hier à insister sur le drame humain vécu par ses TOS. La conseillère générale de Saint-Pierre, Graziella Leveneur, a demandé à la Présidente de faire la transparence sur le nombre de contrats aidés concernés. Elle a ainsi indiqué que seul 56 contrats aidés ont été recrutés par le Conseil Général sur 292, le reste ayant été recruté par les établissements publics. Les élus socialistes ont déposé une motion pour demander un plan d’intégration aux 343 personnes de l’administration, de la vie scolaire dans les collèges et les lycées et aux TOS.

EP


L’État fait son bilan

Les TOS, les logements sociaux, le pouvoir d’achat, l’état sanitaire de l’île, l’eau et l’assainissement, baisse des prix des médicaments... Après la présentation du bilan des services de l’Etat pour 2007, le Préfet s’est prêté au jeu des questions réponses des conseillers généraux.
Pour le pouvoir d’achat : l’observatoire des prix vient de remettre ses conclusions au gouvernement. Toutefois, le Préfet a mis en avant des chiffres de l’Insee pour prouver que la soi-disant baisse du pouvoir devait être relativisée. « Entre 1990 et 2006, les revenus des ménages ont augmenté de 6,6%, les prix ont augmenté de 2% », cite-t-il. Et l’augmentation des prix des loyers sont-ils prix en compte ? A moins que les Réunionnais soient trop dépensiers ?
Chômage et délinquance : « Quand les chiffres sont mauvais, on les prend en compte, quand ils sont en baisse, ils sont faux ». Le Préfet invite donc les élus à consulter les chiffres dans chaque commune. Il a par ailleurs déploré l’absence de plans locaux de prévention de la délinquance, alors que « les fonds sont là pour ça ».
Emplois aidés : « Nicolas Sarkozy a voulu mettre fin à une politique de l’assistanat, et s’intéresser à la création de véritables emplois. Les CAE restent indispensables mais seulement pour recruter le public en difficulté. Je dis non aux contrats magouilles, mais oui à une vraie politique d’insertion ». Le Préfet croit ainsi au Contrat Unique d’Insertion pour relever ce défi de l’emploi, notamment pour les jeunes.

EP


À quand un sursaut pour les vaches malades ?

Marco Boyer, vice-président du Conseil Général et maire de la Plaine-des-Palmistes, s’est insurgé contre l’absence de réaction face aux problème des cheptels malades. « Je demande une table ronde, non pas pour ronronner, mais pour poser le problème une bonne fois pour toutes », a-t-il martelé. Selon Marco Boyer, six affaires judiciaires sont actuellement en cours, mais de nombreux éleveurs n’osent pas parler, subissent des pressions pour ne pas afficher leur mécontentement. Malgré l’intervention de la Députée Huguette Bello, de la Sénatrice Anne-Marie Payet, auprès de l’Etat, les réponses sont « toujours floues ». Le Préfet a d’ailleurs précisé qu’aucune maladie réglementée n’était présente à La Réunion, aucune n’est transmissible à l’Homme, et que par conséquent le problème doit être réglé par les professionnels, avant d’ajouter que l’Etat est prêt à les accompagner.
Marco Boyer soutient que la situation s’aggrave sans que « le problème humain, social des éleveurs soient pris en compte ». Il fait ainsi le rapprochement avec l’épidémie de chikungunya. « Quand le premier foyer de chikungunya a été évoqué au Port, personne n’a réagi, aujourd’hui tout le monde s’écoute, mais personne ne fait rien ».

EP


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