Que vient faire Marie Luce Penchard — 3 —

Des Commissaires exogènes au développement endogène

26 novembre 2010, par Manuel Marchal

La nomination de fonctionnaires venus de France pour occuper le poste de Commissaire au développement endogène bat en brèche les annonces successives du président de la République répétées plusieurs fois l’an passé. Mais il confirme le cadre d’action du nouveau modèle que Paris voudrait imposer à La Réunion : faire de notre île un outil pour conquérir de nouveaux marchés.

Après la crise sociale dans l’Outre-mer, Paris avait donné le signal d’une nouvelle politique pour l’Outre-mer. Cela a commencé par le remplacement d’Yves Jégo par Marie-Luce Penchard au secrétariat d’État à l’Outre-mer. Née en Guadeloupe, cette dernière était jusqu’alors chargée de l’Outre-mer à la Direction de l’UMP, et avait mené la campagne électorale des Européennes de son parti.
Lors de sa visite en Guadeloupe en août 2009, le président de la République avait justifié cette nomination en utilisant l’argument de promouvoir l’accès des Ultramarins aux postes à responsabilité de l’Administration. Trois mois plus tard, lors de la clôture du CIOM, le chef de l’État affirmait la nécessité d’assurer la promotion, à compétence égale, d’originaires de l’Outre-mer dans la haute fonction publique chargée d’administrer leur collectivité.
Mardi dernier, la ministre de l’Outre-mer a dévoilé les Commissaires au développement endogène, dont celui qui aura la responsabilité d’agir à La Réunion. Ces hauts fonctionnaires ne correspondent en rien aux déclarations d’intention formulées l’an dernier au plus haut niveau de l’État. Ce n’est pas étonnant, car ces nouveaux venus s’inscrivent dans une stratégie de recentralisation du pouvoir. À La Réunion, il s’agit pour Paris de s’opposer à la stratégie de co-développement lancée par l’ancienne Direction du Conseil régional, et qui avait réussi à faire participer La Réunion en tant que collectivité de la République à un plan régional de développement impliquant des États dans l’énergie et l’autosuffisance alimentaire.
De plus, les relations de partenariat développées grâce au co-développement avaient permis à La Réunion de participer à une conférence de la COI traitant des discussions sur les Accords de partenariat économique avec l’Europe. La Déclaration de Mahé avait débouché sur une reconnaissance de la place de La Réunion dans son environnement régional.
Si cette stratégie permet de faire avancer La Réunion et les pays de notre région, elle n’a aucun intérêt pour Paris. Cela est d’autant plus vrai que le co-développement est un moyen pour les Réunionnais de se libérer des monopoles hérités de l’époque coloniale.
L’objectif est donc de casser cette stratégie née de l’initiative réunionnaise en faisant de La Réunion une entité totalement étrangère à son environnement, car elle n’est qu’un outil permettant de conquérir de nouveaux marchés. Dans ces conditions, la stratégie d’isolement voulue par Paris ne peut être mise en œuvre que par des fonctionnaires en prise directe avec le gouvernement, et ayant la mission de lancer la restructuration de notre économie au profit des intérêts parisiens. Un tel travail ne peut être accompli que par des fonctionnaires exogènes, ce qui explique pourquoi Paris vient de nommer des Commissaires exogènes au développement endogène.

Manuel Marchal


Un fonctionnaire au service de la réduction du déficit commercial de la France

Entre le Conseil interministériel sur l’Outre-mer et la première visite d’un membre du gouvernement après le remaniement, la mission fixée au Commissaire au développement endogène a clairement évolué. Il ne s’agit plus seulement de développer les relations commerciales, mais de conquérir de nouveaux marchés.

• Nicolas Sarkozy, le 9 novembre 2009

« Développer les relations commerciales entre La Réunion et ses voisins »

« A La Réunion et à Mayotte, un Commissaire au développement endogène pour l’océan Indien sera chargé de développer les relations commerciales entre La Réunion, Madagascar, Maurice, Mayotte et, pourquoi pas, les pays limitrophes du canal du Mozambique en mettant en place un système de garantie des investissements français dans la zone ».
(Source : discours du président de la République en conclusion du Conseil interministériel sur l’Outre-mer)

• Marie-Luce Penchard, le 23 novembre 2010

« Conquérir de nouveaux marchés dans leur environnement régional »

« La mission de chaque Commissaire au développement endogène est clairement établie, il devra s’attacher à développer les productions locales en structurant les filières et à favoriser l’insertion économique des territoires de l’Outre-mer dans leur environnement régional (…). Le développement économique de ces territoires ne réside pas dans un lien unique avec la métropole, mais bien dans leur capacité à valoriser leurs économies pour conquérir de nouveaux marchés dans leur environnement régional ».
(Source : "Le Quotidien" du 24 novembre 2010)


Pourquoi nommer une originaire de l’Outre-mer au Ministère de l’Outre-mer ?

Nicolas Sarkozy : « Quelle est ma crédibilité si je fais le contraire de ce que je demande aux autres ? »

Le 26 juin 2009 en Guadeloupe, le président de la République avait expliqué pourquoi il avait choisi de nommer une personne originaire de l’Outre-mer au secrétariat d’État à l’Outre-mer. Dans l’extrait du discours prononcé ce jour-là, que nous reproduisons ci-après, le chef de l’État précisait que cette nomination était une question de crédibilité. Mais quand il s’agit des postes de Commissaires au développement endogène, ce n’est plus le cas. Mais où est donc passée la crédibilité ?

« Je veux également dire quelques mots sur les emplois de Direction dans la fonction publique. Il faut que nous soyons plus ouverts. On est bien contents de trouver des Guadeloupéens et des Guadeloupéennes pour être gardiens de la paix, agents de catégorie C ou agents d’exécution dans nos préfectures ou dans nos grands corps de la fonction publique. Et comme par hasard, dès qu’il s’agit d’un poste de directeur, d’un poste de préfet, d’un poste de ministre, y compris d’Outre-mer, alors on dit "Attention, ne nommons pas d’Antillais, ils vont être trop sensibles au climat local". Ce raisonnement est absurde, car être sensible au climat local, après tout pourquoi pas ? Mais en tout cas, ne rien connaître à un territoire n’est pas non plus une garantie absolue de compétence.
Et d’ailleurs, quand j’ai eu à choisir un ministre pour l’Outre-mer, je me suis dit, dans le fond, je veux faire droit à la demande des Antillais d’exercer davantage de responsabilités dans l’appareil de l’État à des postes de Direction. A choisir un ministre, dois-je donc aller choisir quelqu’un qui n’est pas de l’Outre-mer ? Alors, quelle est ma crédibilité si je fais le contraire de ce que je demande aux autres ? C’est la raison pour laquelle je suis très heureux d’avoir une Guadeloupéenne à la tête du Secrétariat d’État à l’Outre-mer ».


Pourquoi favoriser l’accès des originaires de l’Outre-mer aux postes d’encadrement de l’Administration dans l’Outre-mer ?

Ne plus faire ressembler les réunions en Préfecture à « une caricature »

Le 9 novembre à l’Élysée lors du Conseil interministériel sur l’Outre-mer, le président de la République avait appelé à favoriser l’accession des originaires d’une collectivité d’Outre-mer dans la haute fonction publique en charge d’administrer leur territoire, ceci afin de sortir de la caricature :

« Plus d’égalité des chances, c’est un État local qui ressemble davantage à la diversité du territoire dont il a la charge. Ne nous voilons pas la face : la situation ne s’est pas améliorée, elle s’est dégradée, et quiconque a déjà assisté à une réunion en Préfecture outre-mer ne peut qu’être frappé par la réalité qui s’offre à son regard. Pour tout dire, on n’est pas très loin de la caricature. (…)
Je ne vois pas pourquoi des Ultramarins de catégorie A ne seraient pas affectés en plus grand nombre à des postes à responsabilité outre-mer. Je vous annonce donc la constitution d’un "vivier de talents ultramarins", qui sera interministériel et aura pour vocation de proposer, à chaque fois qu’un poste outre-mer sera vacant, au moins un candidat ultramarin s’il en a les compétences. Que les choses soient claires, il ne s’agit pas de faire passer, à toute force, les Ultramarins devant les autres. Il s’agit simplement, à compétence égale, de favoriser l’affectation des Ultramarins en Outre

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