Amendement Virapoullé : Le paradoxe... Une atteinte au projet français

Développer La Réunion c’est aussi développer la France

13 novembre 2006

Loin de défendre un statut établi depuis 1946 et qui n’est pas remis en cause, l’Amendement Virapoullé va à l’encontre du projet français qui se réclame des multiples apports et spécificités de l’Outre-mer. En tenant La Réunion à l’écart des novations de l’article 73 de la Constitution qui régit les collectivités territoriales d’Outre-mer, il entrave la possibilité d’un développement local dynamique au service même de la France. Il remet également en cause la capacité des élus locaux à construire et défendre un projet de développement pour La Réunion. Se réclamer réunionnais, ce n’est pas se détacher de la France, c’est contribuer à son rayonnement.

« Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit, sous réserve d’adaptations tenant à leurs caractéristiques et contraintes particulières. » Si le nouvel article 73 prévoit des novations, il n’opère pas de rupture fondamentale avec la Constitution de 1958 mais pose le principe de l’assimilation législative.

Une ouverture vers une convergence politique

C’est dans sa formulation que l’article 73 introduit une nouveauté car il autorise non plus les seules adaptations nécessitées par la situation particulière des Départements d’Outre-mer mais donne une approche dynamique à ces adaptations qui doivent prendre en compte « leurs caractéristiques et leurs contraintes particulières. » De plus, dans l’esprit de la loi de décentralisation qui prévaut pour l’ensemble de la République, le nouvel article permet aux Départements et Régions d’Outre-mer, si elles y sont habilitées par le législateur, de fixer elles-mêmes des adaptations sur leur territoire, y compris dans certaines matières relevant du domaine de la loi. C’est ce que l’on appelle les lois pays. Et c’est là que l’Amendement Virapoullé s’inscrit en faux, car le sénateur, en se réclamant du droit français au point de faire fi de nos spécificités - pourtant reconnues par les instances européennes et qui font l’objet de mesures d’aides particulières - dessert La Réunion mais aussi la France. En effet, inscrire les spécificités de l’Outre-mer dans la loi et permettre une adaptation des règles à leurs contraintes doit permettre aux DOM de dynamiser leur développement, de favoriser leur rayonnement dans l’intérêt même de la France. Mais le sénateur Virapoullé par excès de zèle patriotique, préfère figer le débat politique interne. Si cette possibilité d’adapter les lois aux caractéristiques et contraintes de notre territoire reste très encadrée, limitée par la Constitution elle-même*, la sénatrice Gélita Hoarau retient cette opportunité de susciter un débat politique interne. Elle voit « une ouverture vers une convergence politique, vers un projet réunionnais. » Quand bien même ces adaptations doivent faire l’objet d’une habilitation demandée au législateur qui peut, au même titre que le gouvernement, la refuser par voix d’ordonnance, « c’est à nous, parlementaires réunionnais, de saisir le Parlement. »

« Nous appelons au débat »

Virapoullé en brandissant le spectre de l’autonomie est « complètement dépassé, commente encore Gélita Hoarau. À l’évidence, il est encore marqué par le complexe de la goyave de France. Il y a là un manque de confiance, une méfiance et un mépris à l’égard des élus réunionnais. » Alors que la loi de décentralisation offre aux collectivités de plus en plus de marges de manoeuvres, de possibilités de gérer de façon dynamique le pays, cet amendement entrave l’expression de la démocratie locale inscrite comme prérogative à la loi organique relative à l’Outre-mer. Et la sénatrice déplore le peu de réaction des élus locaux face à cette atteinte. Elle cite pour exemple le Nouveau Contrat Social du PCR qui formule un ensemble de propositions pour le développement de La Réunion offertes à l’appréciation et à la contribution de tous, sans sectarisme politique. « Nous ne prétendons pas avoir la science infuse, mais nous appelons au débat. C’est la construction de La Réunion qui est en jeu, mais personne ne répond car chacun préfère rester enfermé dans son clan, dans sa sphère politique. Avec cette possibilité d’adapter la loi, on aurait pu peut-être se réunir autour d’un projet de développement. Les élus antillais se sont mis d’accord et ont voté unanimement. Pourquoi pas nous ? » Les sénateurs de même sensibilité politique que Virapoullé ont voté sans même comprendre le sens de leur position. « Au nom de quoi et de qui, au détriment de l’avis des autres, peut-il dire vous n’êtes pas capable de décider ? »

Droit à l’expérimentation

Plus que de chercher à contourner cet amendement inscrit dans la Constitution et qui dès lors s’impose, les élus locaux doivent se centrer sur ce qui est encore possible et offert par la loi de décentralisation. Il ne faut pas oublier que, sous réserve d’habilitation législative, les collectivités d’Outre-mer, La Réunion comprise, peuvent décider d’adaptations dans les domaines qui relèvent de leurs compétences. Par ailleurs la Région et le Département de La Réunion bénéficient de l’ensemble des novations de droit commun introduites pour les collectivités territoriales dans la réforme sur l’organisation décentralisée de la République, comme le droit à l’expérimentation par exemple. Peut-être y a-t-il une expérimentation à engager sur la question de l’emploi, avec par exemple la reconduite du Congès Solidarité. Plus que jamais la concertation politique doit être de mise et les conflits de personnes abandonnés dans l’intérêt général.

Stéphanie Longeras

* Ces règles ne peuvent porter sur les matières régaliennes énumérées par la constitution elle-même : nationalité, droits civiques, libertés publiques, état et capacité des personnes, organisation de la justice, défense, sécurité et ordre public, monnaie, droit électoral. « On peut en revanche penser que les adaptations sont possibles dans tous les autres domaines de la loi », commente Gélita Hoarau.


Congès Solidarité et Observatoire des prix

« Il faut se bagarrer côte à côte »

La sénatrice Gélita Hoarau est la seule responsable politique, avec Huguette Bello, à avoir auditionné les syndicats sur la question du Congès Solidarité. « C’est aujourd’hui qu’il faut en parler, l’échéance approche et les politiques doivent s’engager à ce sujet, soutient la sénatrice. Il faut ne serait-ce que posséder une évaluation claire du dispositif, comme le demande aussi les syndicats, comprendre pourquoi il n’y a pas eu autant d’emplois libérés que prévus et envisager une série d’améliorations. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas rester insensible à la voix des travailleurs, trancher, couper et appliquer sans concertation. On ne peut pas se priver de mesure favorable à l’emploi des jeunes dans notre ile fortement touchée par le chômage. S’il y a des améliorations à apporter, des propositions sont déjà faites, il faut ouvrir le dialogue. » Il en va de même pour l’Observatoire des prix et des revenus, inscrit dans la loi mais qui n’est pas appliqué car aucun décret n’a été publié. « Nous sommes amenés à nous poser la question : Quelle sorte de Français sommes-nous ? Il faut se bagarrer côte à côte si l’on veut, grâce à cet outil, posséder les éléments d’information qui nous permettront d’harmoniser les salaires. En tant qu’élus, nous avons des responsabilités à assumer pour les citoyens d’aujourd’hui et ceux de demain. »

S. L.


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