Contribution du Conseil régional et du Conseil général relative aux États-généraux de l’Outre-mer — 5 —

« Du Développement économique »

14 septembre 2009

Après la présentation de la synthèse locale des États-généraux (’Témoignages’ du 9 septembre), des orientations partagées et des actions engagées (’Témoignages’ du 10 septembre), des préalables à la mise en œuvre d’un plan de développement durable (’Témoignages’ du 11 septembre), ’Témoignages a commencé le 12 septembre la publication d’’Orientations stratégiques pour une nouvelle étape’, propositions du Conseil général et de la Région face à la crise structurelle que traverse La Réunion. Après les enjeux clés et les propositions pour le développement humain dans notre précédente édition, il est aujourd’hui question du développement économique.

Comme déjà indiqué, les réflexions stratégiques menées ces dernières années ont arrêté des grands axes de développement toujours pertinents aujourd’hui et traduits partiellement en actions et en moyens notamment dans les programmes contractuels et la nouvelle LODEOM. Les évolutions contextuelles et les actualités sociales et économiques récentes sont toutefois venues souligner l’importance de quelques objectifs.

Ainsi, les premières manifestations de la crise outre-mer ont été déclenchées par la question du prix des carburants, à un moment où le rôle des énergies fossiles dans les changements climatiques n’est plus contesté et où les Etats du monde entier sont engagés dans de difficiles discussions pour tenter à Copenhague, en fin d’année, de parvenir à un accord post-Kyoto. Ces éléments, comme le fait que l’énergie est nécessaire à tout développement, montrent l’importance du processus engagé depuis 10 ans à La Réunion visant son autonomie énergétique. Il faut passer à une nouvelle étape.

En même temps que le prix du pétrole, les prix des matières premières en 2007 ont connu des phénomènes de hausse qui se sont traduites dans certaines parties du monde par des émeutes de la faim montrant ainsi les limites des nouvelles répartitions des productions et des consommations induites par la mondialisation. La Réunion, dont les consommations dépendent très largement de l’extérieur, doit accentuer ses efforts pour progresser vers l’autosuffisance alimentaire qui est aussi une source de sécurité alimentaire pour le consommateur.

Pour autant, l’avenir de La Réunion n’est pas dans le repli sur soi ou dans des échanges trop exclusivement tournés vers l’Europe, et la conviction que son développement économique sera lié à sa capacité d’ouverture sur l’ensemble du monde, et notamment sur son environnement régional, est de plus en plus partagée. Il s’agit d’une évidence encore plus grande quand il s’agit de la dimension maritime du développement qui ne peut être que commune aux différents territoires de ce bassin du Sud-Ouest de l’océan Indien. Dans cette ouverture au monde et dans la perspective d’un co-développement durable, La Réunion, comme chaque territoire, a des handicaps à maîtriser et des atouts à renforcer.

Au rang des atouts à valoriser dans ces domaines, comme dans d’autres, figure l’existence à La Réunion d’un potentiel reconnu en matière de recherche et d’innovation. Il est nécessaire d’y investir en permanence de même que cet engagement pour le développement économique n’a de sens qu’en servant prioritairement l’emploi.


1) L’autonomie énergétique

a) Conforter les résultats obtenus en 10 ans sur la maîtrise des dépenses énergétiques en poursuivant l’approche transversale : promotion de la construction bioclimatique et de l’utilisation rationnelle de l’énergie dans le bâtiment, adaptation de la réglementation thermique nationale à la réalité climatique et socio-économique de La Réunion, extension à l’ensemble des collectivités des schémas directeurs énergie, poursuite des actions de sensibilisation…

b) Impulser un changement de modèle énergétique dans le domaine des transports grands émetteurs de carbone avec le développement des transports en commun (tram-train, bus à hydrogène…) et l’expérimentation à grande échelle des véhicules électriques couplée à la réalisation de stations photovoltaïques.

c) Etudier tout le potentiel d’énergies renouvelables de La Réunion : hydraulique, biomasse, solaire, éolien, océanique… et lancer une nouvelle étape avec le projet STARTER. L’antériorité dont a fait preuve La Réunion avec le Plan Régional des Energies Renouvelables et d’Utilisation Rationnelle de l’Energie (PRERURE) a donné des résultats suffisamment probants pour que le défi énergétique soit aujourd’hui relevé par l’ensemble des institutions et des acteurs socio-économiques (Réunion Ile verte et GERRI) et que des projets expérimentaux de pointe y soient engagés tels l’énergie des océans (houle, gradients thermiques…) ou le développement de la “canne-énergie”.


2) La sécurité alimentaire

a) Accroître la consommation de produits locaux en incitant à consommer des produits “pays” pour des raisons de traçabilité, sécurité alimentaire, de valeurs gustatives et identitaires et en facilitant règlementairement leur accès prioritaire à la restauration collective (scolaire, hospitalière ou autres).

b) Faire appel à une plus grande solidarité des filières et des différents acteurs (production – importation – distribution – consommation) afin de favoriser un développement de la production locale à des coûts accessibles pour le plus grand nombre.

c) Intégrer l’objectif de progression vers l’autosuffisance alimentaire et l’exportation de certains produits dans les enjeux en termes de superficie dévolue à l’agriculture (surface cannière et fruitière), de respect des normes environnementales, de démarche qualité, conformément aux réflexions des Cahiers de l’Agriculture.

d) Renforcer l’association d’une activité agricole dynamique et d’une industrie de transformation innovante et encourager l’adaptabilité et la performance de l’exploitation agricole ainsi que le regroupement des organisations de producteurs.

e) Consolider l’agro-nutrition en milieu tropical comme pôle de compétitivité regroupant les filières traditionnelles (canne à sucre, fruits et légumes, élevage et alimentation du bétail, pêche et aquaculture), mais aussi les filières à potentiel identifié (plantes médicinales, exploitation de la biomasse, …) pour une valorisation optimale des ressources agricoles et marines à destination interne et externe.

f) Franchir une étape dans le développement de la pêche et de l’aquaculture en considérant que l’objectif ne pourra être pleinement atteint que s’il s’inscrit dans une politique de coopération (Cf. point suivant) et qu’il faut d’abord structurer la filière sur le modèle des interprofessions, améliorer la formation locale, promouvoir des produits labellisés et valoriser le savoir-faire en matière d’aquaculture.


3) Ouverture et co-développement durable

a) Prioriser le domaine maritime comme un espace privilégié de co-développement : il ne s’agit pas seulement de la pêche et de l’aquaculture, mais aussi de transports, de sécurité maritime, d’environnement, de biodiversité, de recherche. Notre bassin maritime représente un intérêt commun à tous ses Etats riverains et justifie une coopération très volontariste au sein d’une Conférence maritime régionale.

b) Rechercher les complémentarités à l’autosuffisance en matière de sécurité alimentaire et permettre une diversification des sources d’approvisionnement pour les importations inévitables afin de réduire, à qualité égale, les coûts liés à la distance.

c) Maîtriser les moyens logistiques et l’encadrement juridico-financier : création d’une compagnie maritime régionale, consolidation des réseaux TIC, amélioration des dessertes aériennes, garantie des investissements des opérateurs privés, facilitation administrative de leurs déplacements et soutien des dispositifs nationaux à l’exportation.

d) Relancer un dialogue APE constructif et équilibré à partir des matrices de développement des accords intérimaires qui seront bientôt signés, des priorités définies dans le cadre de la COI et du Programme Opérationnel de Coopération territoriale de La Réunion.

e) Intégrer pleinement la vocation de La Réunion à être porteuse dans la zone d’une politique de co-développement durable en tant que Région ultrapériphérique française de l’Union, notamment par la désignation de la Région comme chef de file en la matière.

f) Engager une concertation sur les possibilités de développement partenarial de La Réunion, de Mayotte et des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF).

g) Valoriser le potentiel de la diaspora réunionnaise en l’utilisant comme réseau opérationnel de “réceptifs” dans les pays cibles mais aussi comme témoins des expériences de mobilité.

h) Valoriser la position de La Réunion, frontière active de l’Europe, sur l’axe d’échanges Afrique Australe/Asie sur le plan des échanges économiques, touristiques et cultuels.

i) Diversifier les marchés émetteurs du tourisme, notamment par le règlement de la question des visas, condition nécessaire au désenclavement aérien.


4) La valorisation de la Recherche-Innovation

a) Investir significativement en fonds publics et privés dans la recherche et l’innovation, en l’adaptant aux nouvelles opportunités du “développement vert”, en s’appuyant sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication et en l’ouvrant vers les perspectives de co-développement régional.

b) Prioriser, à côté des secteurs déjà cités de l’agro-alimentaire, de l’énergie et du maritime, le secteur de la santé, qui bénéficie déjà du Cyclotron, du Centre d’études des maladies émergentes et d’écoles de santé, avec la création d’un Centre Hospitalier Universitaire dont les formations s’adresseraient également aux besoins des Etats voisins.

c) Accélérer les réalisations de l’antenne de réception satellitaire et de la station d’observation de la haute atmosphère et stimuler le secteur des TIC avec un pôle d’innovation numérique.

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