Un entretien du ministre du Logement au “Quotidien”

Effets d’annonce

22 décembre 2004

Dans un entretien publié hier par “le Quotidien”, Marc-Philippe Daubresse fait un certain nombre d’annonces concernant les contrats d’avenir et les logements. Ces annonces ne répondent pas aux besoins de La Réunion en matière de politique de l’emploi et de l’habitat social.

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C’est à la veille de l’arrivée dans notre île de deux ministres du gouvernement que nos confrères, “le Journal de l’Ile” et “le Quotidien”, se sont intéressés au plan de cohésion sociale et à ses conséquences éventuelles pour La Réunion.
Le premier a réservé tout un dossier au sujet, tandis que le second a interviewé Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au Logement. Pour l’interroger, Idriss Issa reprend à son compte la quasi totalité des questions posées par le PCR - notamment lors de sa conférence de presse du lundi 13 décembre - sans pour autant le signaler une seule fois.

Le même nombre de contrats aidés qu’en 2002

Les associations de chômeurs qui se sont exprimées ces jours-ci craignaient que la tournée ministérielle ne se transforme en une visite de “Père Noël”. C’est pourtant le rôle que “le Quotidien” fait remplir aux deux ministres, lesquels sont présentés sous l’angle de généreux donateurs ; "nous ne venons pas les mains vides", déclare M. Daubresse avant que le journal du Chaudron n’énumère ce qui est apporté : 10.000 contrats d’avenir en 2005 et 4.300 logements sociaux au lieu de 3.100.
Avec les 10.000 contrats d’avenir annoncés pour 2005 et qui viendront s’ajouter aux contrats déjà existants et qui devraient être maintenus, La Réunion retrouverait le niveau d’emplois aidés qui était le sien en 2002, c’est-à-dire avant que l’on supprime progressivement les 10.000 emplois-jeunes de l’île et que l’on diminue les CES et CEC. C’est loin d’être une avancée.
Dans son entretien, le ministre complète l’information en indiquant que La Réunion bénéficiera de 50.000 contrats d’avenir sur 5 ans. Le ministre donne simplement une idée sur les crédits qui seront dégagés pour La Réunion. Ils devraient permettre le financement de 50.000 contrats. Cela ne signifie pas pour autant que 50.000 personnes se retrouveront en activité. Car certains contrats vont courir sur 2 années et d’autres pourront être renouvelés.
Reste aussi à savoir si ces contrats et les contrats d’accompagnement nouvellement créés par la loi viendront s’ajouter aux CES et CEC existants ou tout simplement les remplacer. Il y aura-t-il cumul ou substitution ?

Le plan Borloo ne dure que 5 ans : que se passera-t-il après ?

Mais ce n’est pas tant le nombre de contrats d’avenir réservés à La Réunion qui compte. Le ministre aurait pu en annoncer 50.000, 75.000, 100.000 s’il le voulait. Il importe de savoir si les critères d’utilisation de ces nouveaux contrats (financement, obligation d’une formation et obligation d’une conduite "en 3 ans vers une emploi stable" comme le rappelle le ministre) vont permettre dans le contexte réunionnais une bonne utilisation de ces contrats.
Pour les emplois-jeunes, Martine Aubry, ministre des Affaires sociales, avait déclaré que La Réunion pouvait en utiliser autant qu’elle le voulait. Elle garantissait un suivi du gouvernement. Notre île a contracté 10.000 emplois-jeunes et n’a pu aller au-delà. Nous avons ”signé” une quarantaine de contrats RMA. Qu’en sera-t-il pour les contrats d’accompagnement et les contrats d’avenir ?
Mais plus que l’applicabilité de ces nouveaux dispositifs, il y a lieu de se rappeler que le plan Borloo ne durera que 5 ans. Au bout de 5 ans, les contrats avenir et les contrats d’accompagnement n’existeront plus. Les CES et les CEC auront disparu. Comment La Réunion vivra-t-elle la sortie du dispositif ? Le gouvernement compte-t-il, réellement, au bout des 5 ans de la loi Borloo conduire les titulaires de 50.000 contrats d’avenir vers des emplois stables ? Comment fera-t-il ?
Pour autant, le problème du chômage ne sera pas réglé. Que fera-t-on en 2010 ? Ne pas savoir ce qui aura lieu après est un frein à la mise en œuvre des nouveaux contrats aidés.

Logements : comment faire plus avec moins de crédits ?

Par ailleurs, Marc-Philippe Daubresse annonce pour 2005 le financement de 4.300 logements sociaux. Soit 1.200 logements de plus qu’en 2004. Dans ce secteur, il n’y a aucune programmation sur 5 ans qui est prévue. Seul l’objectif pour 2005 est annoncé. L’esprit même du plan Borloo qui programme sur 5 ans l’action gouvernementale n’est pas respecté.
Ceci étant, à supposer que l’objectif des 4.300 soit tenu, La Réunion se retrouverait en dessous de son niveau de 2002 : 4.569 logements avaient été financés cette année-là sur les crédits de la LBU.
Après l’annonce récente par le MEDETOM du “dégel” de 75 millions d’euros de crédits de la LBU au titre de l’année 2004 qui seront utilisés l’année prochaine, on sait que finalement 2004 aura vu le financement de 3.769 logements (3.141 du dernier CDH de décembre, plus 628 logements réintégrés) (1) Le surplus annoncé par M. Daubresse n’est pas de 1.200 logements mais de moins de 600 logements (4.300 moins 3.769). Soit une augmentation de 14%, bien loin des 40% annoncés.
Les crédits de la LBU votés pour 2005 sont en régression par rapport à ceux de 2004 : 270 millions au lieu de 287,5.
Le gouvernement vient de décider de geler sur l’ensemble du budget de l’État 4 milliards de dépenses au titre d’une “réserve de précaution”. Ce “gel” va concerner les crédits du ministère de l’Outre-mer, dont ceux du logement. L’expérience a montré qu’un quart des crédits LBU est généralement “gelé”. Et ce “gel” pourrait se transformer, au final, en une annulation de crédits. Cela s’est vu en 2003.
Dans son entretien, interpellé sur le coût du foncier et le manque de crédits pour l’aménagement des terrains, M. Daubresse répond : "j’ai donc prévu des mesures sur la ligne budgétaire unique pour la mobilisation du foncier et l’aménagement des terrains". Certes, le ministre ajoute que ces dispositions seront complétées ultérieurement. Il n’en est pas moins vrai qu’il s’apprête à prendre sur la LBU les financements nécessaires pour l’achat du foncier et leur aménagement.
Comment donc, avec des crédits en diminution - dont une partie risque d’être gelée et dont une autre sera utilisée à des besoins d’aménagement ou d’achat du foncier -, le ministre compte-t-il faire construire à La Réunion en 2005 plus de logements sociaux qu’en 2004 ? Va-t-il concentrer sur notre île les moyens dont il dispose, quitte à défavoriser un autre département d’outre-mer ? Cela mérite des explications.

Trouver des solutions avec les Réunionnais

L’entretien comporte une note d’espoir, lorsque le ministre déclare : "nous ne venons pas avec un plan tout ficelé. Nous venons prendre connaissance par nous-mêmes des questions posées pour y apporter les solutions qui s’imposeront" afin d’"élaborer un plan réunionnais exemplaire".
Peut être aurait-il fallu prendre connaissance des "questions posées" avant le vote de la loi. La démarche aurait été plus logique et plus respectueuse des Réunionnais. Il importe aussi de trouver avec eux les solutions à apporter.
Enfin, plutôt que "d’adapter le plan de cohésion sociale" c’est-à-dire d’essayer d’y faire entrer coûte que coûte la situation réunionnaise, il serait plus judicieux de partir de la réalité réunionnaise, des besoins de sa société telle qu’elle est aujourd’hui et telle qu’elle sera demain pour élaborer un plan de cohésion de la société réunionnaise.
Si l’accès à l’emploi ou à un logement est une priorité, la fracture entre deux mondes réunionnais, entre deux univers n’ayant pas les mêmes niveaux de vie sinon les mêmes aspirations est aussi à réduire. Et cela appelle d’autres moyens qui ne sont pas tous nécessairement financiers.

J. M.

(1) Le secrétaire d’État au Logement s’emmêle un peu dans ses chiffres pour 2004 et oublie la réintégration des 628 logements résultant du “dégel” annoncé par sa collègue de la rue Oudinot.


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