Le dangereux précédent du traitement des producteurs de bananes

Élie Hoarau appelle au rassemblement pour sauver la filière canne

9 avril 2010, par Manuel Marchal

Un changement brutal des règles du marché de la banane en Europe menace clairement de ruine les planteurs de bananes des Antilles. La moitié des travailleurs de la Martinique risquent de perdre leur emploi. C’est le résultat d’une série de décisions prises par l’Europe sans écouter les personnes concernées. Élie Hoarau souligne que cet exemple doit susciter la mobilisation à La Réunion pour sauver les planteurs de cannes. Car tout comme les planteurs de bananes aux Antilles, les planteurs de cannes à La Réunion voient leurs revenus dépendre de règles fixées par l’Europe. Or, ces règles vont être renégociées.

Maya Césari et Élie Hoarau ont tenu hier une conférence de presse pour faire un point d’étape sur le travail du député réunionnais au Parlement européen. Cette transparence est un des engagements pris par l’Alliance au cours de la campagne des élections européennes. Du 27 mars au 1er avril dernier, le député Élie Hoarau était aux îles Canaries pour participer à la 19ème session de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE.
Un dossier important était à l’ordre du jour de cette assemblée Nord-Sud, l’avenir du marché de la banane en Europe. Jusqu’à la fin de l’année dernière, les producteurs des RUP (Martinique, Canaries et Guadeloupe notamment), ainsi que les pays ACP, avaient droit à des conditions d’accès au marché européen leur permettant de faire des bénéfices suffisant pour pérenniser leurs filières "banane". En effet, les bananes venant des plantations dépendant des multinationales nord-américaines, la "banane dollar", étaient soumises à d’importantes taxes douanières : 716 euros par tonne de bananes.
Mais sous la pression de ses grosses multinationales à travers la représentation d’États membres de l’Organisation mondiale du commerce, l’Europe a brutalement changé les règles. De 716 euros, la taxe est passée à 114 euros par tonne de "banane dollar", décision annoncée en décembre dernier à Genève.

Une protection diminuée de 90%

Cette décision prise sans concertation a aussitôt suscité la protestation des producteurs concernés, rappelle Élie Hoarau. La mobilisation a permis à ces derniers d’arracher un soutien de 167 millions d’euros et la promesse que les droits de douane de la "banane dollar" resteront inchangés pendant trois ans.
Mais depuis décembre dernier, de nouveaux accords ont été signés par l’Europe avec la Colombie, le Pérou et le Mexique sur un droit de douane de 75 euros par tonne de "banane dollar" importée. D’autres pays d’Amérique centrale veulent aussi négocier de nouveau tarif, et la base des discussions est maintenant un droit de douane de 65 euros par tonne.
Étant donné le coût de production dérisoire (voir encadré) de la "banane dollar", la diminution de 90% du montant des taxes qui lui était imposé signifie de graves menaces pour l’avenir des planteurs de bananes de l’Union européenne. Aux Canaries, 450.000 tonnes de bananes sont exportées chaque année vers l’Europe. L’application de ces nouvelles conditions signifie la mort de cette filière, selon le responsable de l’organisation de producteurs. Pour la Martinique, le résultat peut être le même. Or, les 200.000 tonnes de bananes produites annuellement dans cette île fournissent 50% des emplois.
Malgré l’ampleur de la catastrophe qui se précise, et malgré le fait que la production des planteurs de bananes des RUP ne représente que 9% des ventes en Europe, les négociateurs de l’Union européenne prennent sans concertation des mesures qui ne tiennent pas compte de la spécificité de nos régions. Pourtant, cette vulnérabilité est reconnue par l’article 349 du Traité européen.

De la banane à la canne à sucre

Ce traitement des planteurs de bananes par l’Europe n’est pas du tout rassurant pour les planteurs de cannes à La Réunion, a dit en substance Élie Hoarau. Car pour le sucre, l’Union européenne subit des pressions au sein de l’OMC. Ces pressions ont déjà abouti à une baisse du prix du sucre de 36% par rapport au prix garanti d’avant 2006. Pour compenser cette baisse, l’Europe verse tous les ans une importante subvention aux usiniers afin que le prix d’achat de la canne payé au planteur reste le même. Mais tout cela peut être remis en cause dans trois ans, au moment où l’Europe décidera d’appliquer de nouvelles règles pour son marché du sucre. Ainsi, toutes les subventions versées aux planteurs sont considérées comme une concurrence déloyale selon les règles de l’OMC.
Le précédent des planteurs de bananes indique qu’entre les exigences de l’OMC et les intérêts des planteurs, l’Europe a choisi la première solution. La dernière chance des planteurs de bananes est le Parlement européen. Ce dernier doit valider ou refuser cette diminution de 90% de la protection. Élie Hoarau annonce son opposition à cet accord en l’état, rejoignant ainsi la prise de position de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE.
Dans ces conditions, en perspective d’une difficile bataille pour garantir la survie de la filière canne à La Réunion, Élie Hoarau appelle les Réunionnais à « jouer groupé ». 20.000 emplois, l’aménagement de notre territoire et un savoir-faire de plusieurs siècles sont en jeu.

Manuel Marchal


Une assemblée Nord-Sud

Élie Hoarau est vice-président de ce Parlement composé de 156 élus issus de l’Union européenne et des 78 pays du groupe ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) avec qui les 27 États membres de l’Union entretiennent des relations privilégiées, notamment sur le plan commercial.
C’est un Parlement qui regroupe donc des représentants d’une population d’environ 1,5 milliard d’habitants. Il se réunit deux fois par an, alternativement dans un État de l’Union européenne ou dans un État ACP. Il émet des avis et donne son opinion sur les questions mondiales.
L’Assemblée parlementaire paritaire joue un rôle important dans l’attribution des sommes issues du Fonds européen de développement, ce sont des fonds structurels européens destinés aux pays ACP et également au territoire des États-membres de l’Union européenne qui ne sont pas intégrés à l’Union, les PTOM.


La "banane dollar" de la casse sociale

Élie Hoarau a rappelé que les bananes produites en Amérique latine et à qui l’Europe veut livrer son marché est la propriété de multinationales sous la coupe d’intérêts des USA. C’est la "banane dollar".
Pour obtenir des prix très bas, ces multinationales n’hésitent pas à exploiter très durement les travailleurs, et n’ont pas la préoccupation environnementale à laquelle nous sommes habitués. Autrement dit, ce que l’Europe est en train de négocier, c’est une prime à la casse sociale.

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