Conférence de presse du Parti communiste réunionnais

Élie Hoarau : Mettre un terme à un système à bout de souffle

19 décembre 2016

Nous publions ci-après en trois parties le texte intégral de l’intervention d’Élie Hoarau, président du Parti Communiste Réunionnais, lors de la conférence de presse tenue par le Parti ce dimanche 18 décembre sur les objectifs de son 9e Congrès en février prochain.

Élie Hoarau, le président du PCR, durant son intervention, entouré d’autres responsables du Parti : ses trois co-secrétaires généraux, Ary Yée-Chong-Tchi-Kan, Yvan Dejan, Maurice Gironcel et d’autres membres du Secrétariat du Parti : Nadine Damour, Ginette Sinapin et Camille Dieudonné.

Je remercie les camarades. Ils savent que si je suis là ce n’est pas pour éteindre la lumière, bien au contraire. La situation appelle à l’initiative et à l’action, c’est ce que je propose.

Dans six mois s’installera en France un nouveau pouvoir ; et quelle est la situation de La Réunion ?

Tout le monde s’accorde pour faire le même constat :

• un taux de chômage particulièrement élevé et qui impacte fortement les jeunes ;

• un niveau de pauvreté record : 42 % de la population en dessous du seuil de pauvreté ;

• un nombre élevé de personnes frappées d’illettrisme qui ne baisse pas ;

• des inégalités grandissantes ;

• des difficultés à loger correctement la population, etc.

Sans compter les difficultés supplémentaires qui s’annoncent : la fin du quota et du prix garanti de la canne à sucre, les conséquences des accords de partenariat économique dans la région, les effets du réchauffement climatique, etc.

Peut-on raisonnablement espérer que la situation ira en s’améliorant ? Rien ne permet de le penser.

En effet, la loi sur l’égalité réelle dans les Outre-Mer, si elle corrige quelques oublis de l’égalité sociale conquise après 50 ans de luttes du PCR, reste dans le même cadre des politiques menées jusqu’à présent depuis 1946 à La Réunion. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut facilement imaginer ce que sera la situation du pays dans 10 ans. Quant au programme du candidat républicain, on attend toujours ses propositions pour les Outre-Mer.

Tout ceci explique le désenchantement de la classe politique réunionnaise et de la population. Ainsi, par exemple, c’est la présidente du Conseil Départemental qui déclare : « La Réunion n’a toujours pas de lisibilité sur son avenir ». Ou encore le président de la Région qui met en cause « le système colonialiste qui perdure encore aujourd’hui » et qui constate que « la tutelle de l’État reste aussi forte ».

Un autre élu nous dit : « Paris i commande pas nous ! » ; et un député-maire de la majorité pense quant à lui « qu’il faut changer le logiciel ». Enfin, pour en finir avec les citations, tout le monde se rappelle qu’une vice-présidente de la Région a réclamé dans une motion « l’autonomie fiscale pour La Réunion ».

Finalement ce qui est mis en cause, c’est le cadre dans lequel on évolue : combien de fois n’a-t-on pas entendu tel ou tel responsable politique dire : « le système a atteint ses limites » ou bien « le système est à bout de souffle »…

Vers un Front Réunionnais pour définir collectivement le nouveau cadre

De quel système s’agit-il ? C’est le système mis en place après 1946.

En effet, le statut départemental a donné tout ce qu’il a pu et il n’y a pas que du négatif. Mais il ne peut plus donner plus. Cela explique la situation qui est celle d’aujourd’hui.

Si ce système ne peut pas régler les problèmes d’aujourd’hui, à plus forte raison, comment résoudra-t-il les problèmes de demain, qui seront aggravés par rapport à aujourd’hui ?

Le moment est donc venu de dépasser le cadre de 1946 et d’imaginer un nouveau cadre, qui réponde à la volonté de responsabilité des Réunionnaises et Réunionnais. Cette volonté de responsabilité est exprimée d’un bout à l’autre de l’échiquier politique de La Réunion. Les uns réclament une autonomie fiscale, les autres une autonomie énergétique, d’autres une autonomie ou sécurité alimentaire, etc.

Comment atteindre ces objectifs, si on ne donne pas plus de responsabilités au peuple réunionnais ? Va-t-on toujours considérer que tout doit être décidé de Paris ?

Nous disons que nous sommes arrivés à l’ère de la responsabilité. Si en 1848 s’est ouverte l’ère de la liberté avec l’abolition officielle de l’esclavage et si en 1946 s’est ouverte l’ère de l’égalité avec la proclamation de l’abolition du statut de colonie par la loi Vergès-Lépervanche, 2017 doit ouvrir l’ère de la responsabilité.
Aux Antilles et en Guyane, les élu(e)s peuvent faire des lois péi dans leurs domaines de compétences. Même chose en Corse, qui en plus se verra dotée de « compétences élargies », comme l’a promis le Premier Ministre Manuel Valls.

Pourquoi les Corses, les Antillo-Guyanais, ont-ils eu un espace de responsabilité plus grand que les Réunionnais ? Il faut corriger cette injustice en donnant plus de responsabilités aux Réunionnais, avec une Assemblée délibérante (hors des domaines régaliens de l’État), un fonds de développement régional, la possibilité de négocier des accords (dont commerciaux) avec les États voisins, la protection de notre production lors des accords de partenariat économique, l’élaboration d’un plan de développement durable et solidaire…

Tels pourraient être par exemple, les contours qui peuvent être ceux d’un nouveau cadre pour notre pays, où les Réunionnais pourraient exercer leur responsabilité.

C’est la raison pour laquelle nous appelons à la création d’un Front Réunionnais pour définir collectivement ce nouveau cadre et le porter au nouveau pouvoir qui s’installera dans 6 mois à Paris.

Appel aux forces vives du pays pour un plan de développement durable et solidaire

Il n’y a pas à mettre de limites dans la composition de ce Front. De la Droite à la Gauche en passant par le Centre tout le monde y a sa place.

Est-ce une utopie ? Rappelons qu’en 1946, des personnalités politiques aussi différentes que Georges Repiquet, le Docteur Raymond Vergès, Maître Fernand Collardeau, Léon de Lépervanche et d’autres ont fondé le Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale (CRADS) pour abolir le statut de colonie de La Réunion et mettre en place le statut de département.

Dans cette perspective, nous lançons un deuxième appel, il s’adresse aux forces vives du pays : politiques, syndicales, associatives, productives… pour qu’elles se réunissent – là aussi sans exclusion – et élaborent ensemble un plan de développement durable et solidaire à partir d’une plateforme à définir collectivement.

Pour notre part, nous sommes prêts à apporter nos propositions pour une telle plateforme.

Telles sont les orientations qui ont été adoptées hier soir par le Conseil Politique du PCR. Ces orientations constituent les thèses qui seront mises en débat au prochain congrès, qui se déroulera le 5 février prochain sous le mot d’ordre : Le Congrès du Rassemblement pour la Responsabilité.

Rassembler encore et toujours les Réunionnais a été la préoccupation constante et majeure de Paul Vergès. En travaillant à ce rassemblement pour la responsabilité, les participants du 9e congrès et, d’une manière générale, toutes et tous les communistes de La Réunion resteront fidèles au fondateur de notre Parti.

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