Présentation à La Possession du projet « Colonnes de la mémoire »

Ericka Bareigts : « Plus on aura de connaissance sur notre histoire, plus on pourra s’émanciper et donc décider »

22 avril 2021, par Manuel Marchal

En visite hier à La Possession, Ericka Bareigts s’est rendu sur deux lieux historiques : le chemin des Anglais et Camp Magloire où se situait un marché d’esclaves. Ary Yée Chong Tchi Kan du PCR lui a présenté un projet visant à aider les Réunionnais à se réapproprier les lieux historiques de leur pays : les Colonnes de la mémoire. Un projet accueilli favorablement par Ericka Bareigts qui a souligné l’importance pour la population de connaître ses repères historiques : « Plus on aura de connaissance sur notre histoire, plus on pourra s’émanciper et donc décider ».

Sur le lieu d’un ancien marché d’esclaves, Camp Magloire à La Possession.

Ericka Bareigts était hier en visite à La Possession. Elle a été reçue par une délégation de camarades de La Possession conduite par Jean-Claude Tréport, compagnon de lutte de Roland Robert, et par un représentant de la direction du PCR, Ary Yée Chong Tchi Kan.
Cette visite a débuté par une prise de contact à la permanence située chez Bertrand Posé, Chemin des Anglais, au pied de ce sentier pavé construit par les esclaves reliant La Possession aux Lazarets de La Grande Chaloupe. Ce fut l’occasion de constater que l’entrée du chemin pourrait être mieux mise en valeur, compte tenu de son rôle dans le peuplement du pays. Car après avoir débarqué en baie de La Possession, esclaves et engagés gravissaient ce sentier pour effectuer la quarantaine dans les Lazarets de La Grande Chaloupe. Une fois cette période effectuée pour attester qu’ils n’étaient pas porteurs d’une maladie contagieuse, les esclaves étaient ensuite amenés par ce même chemin jusqu’aux marchés aux esclaves de Saint-Denis ou La Possession. C’est sur le site de cet ancien marché de chair humaine que s’est déroulée la seconde partie de la visite, à Camp Magloire.

Rencontre à la permanence de campagne, chemin des Anglais.

Des Colonnes de la mémoire pour rappeler l’Histoire

Camp Magloire était auparavant un ancien marécage. A l’époque de l’esclavage, un podium y était dressé pour y faire défiler des êtres humains qui étaient ensuite vendus à des esclavagistes pour travailler jusqu’à la mort dans les plantations qui enrichissaient les colons et la France.
« Mais qui connaît aujourd’hui cela ? » interroge Ary Yée Chong Tchi Kan. Pour remédier à cet oubli, le PCR propose le projet de Colonnes de la mémoire. Il s’agit de construire un lieu commémoratif, afin d’enseigner cette histoire aux jeunes générations. Outre l’ancien marche aux esclaves de Camp Magloire, Ary Yée Chong Tchi Kan évoque des Colonnes de la mémoire dans toute La Réunion, afin d’aider les Réunionnais à connaître leur histoire. Il cite l’exemple de la cheminée de l’usine de Portail qui pourrait faire partie de ce projet mémoriel régional.

Travail de mémoire à Saint-Denis

En réponse, Ericka Bareigts rappelle qu’elle est très heureuse d’avoir pu faire l’union avec le PCR, « une union de qualité ». Elle constate que plus le temps passe, plus la jeunesse se réempare de la question de son identité culturelle. Car l’absence de mémoire historique pénalise, alors qu’elle est une des fondations qui permet de se construire, notamment pour les personnes qui sont contraintes de vivre dans la précarité.
Elle rappelle que depuis 2008, la commune de Saint-Denis a travaillé sur les archives. Cela a permis tout d’abord de recenser des arbres à préserver en priorité, qui étaient déjà là au moment de l’abolition de l’esclavage en 1848. De plus, « les 9 camps d’esclaves ont été localisés et répertorié sur le plan actuel de Saint-Denis ». Ce travail a été effectué en s’appuyant sur les travaux de jeunes chercheurs, notamment Laurent Hoarau.

« Métisse est une trahison de l’histoire »

« Plus on aura de connaissance sur notre histoire, plus on pourra s’émanciper et donc décider », ajoute Ericka Bareigts. La candidate constate que la Région Réunion n’est pas intéressée par cette histoire et le patrimoine. La collectivité a lancé un festival Liberté métisse. « Métisse ne veut pas dire noir, ce qui est acceptable pour Didier Robert », poursuit-elle, car Métisse se limite à La Réunion de la fin du 20e siècle et ne parle pas de ce qui s’est passé avant. C’est pourquoi « Métisse est une trahison de l’histoire, c’est en effacer une partie ». Et de souligner que « nous sommes peut-être le seul pays au monde où on refuse d’apprendre son histoire ».
La part de l’Afrique et de Madagascar a en effet été essentielle dans le peuplement de La Réunion car ce sont ces immigrés qui constituaient l’essentiel de la population esclave à La Réunion. Il est donc important de s’approprier toute son histoire.

« La Réunion peut être pays d’art et d’histoire »

Ce sujet peut être l’occasion de faire travailler les différentes collectivités ensemble, « c’est pour cela que nous soutenons la Conférence territoriale », explique Ericka Bareigts. Tout ce travail de reconquête de notre mémoire à l’échelle de l’île permettra de valoriser les chercheurs réunionnais qui sont trop souvent contraints à l’exil faute d’emploi à La Réunion.
« La Réunion peut être pays d’art et d’histoire et pas Métisse », ajoute-t-elle avant de rappeler l’importance des élections régionales. « On est dans un temps politique majeur pour faire partir Didier Robert de la présidence de la Région. S’il reste 6 années de plus, des décisions seront prises qui engageront les 30 prochaines années, et il ne sera plus possible de redresser la situation durant ce délai », a-t-elle dit en substance. Il est encore possible de réorienter la politique régionale sur l’environnement et le développement de l’économie. D’où cet appel aux militants : « il faut mettre tout ce que l’on a pour gagner ce combat ».
La visite s’est conclue par un échange à la Boutique Bioflore où a été présentée une exposition « Bien être ».

M.M.

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Messages

  • Les camps dont il est question ne sont pas des "camps d’esclaves", ils se sont formés autour de la ville de Saint-Denis après l’abolition de 1848. Les porteurs de "livrets professionnels" pouvaient quitter les plantations. Ce sont eux qui ont construit les bâtiments de cette époque (dont l’hôtel de ville). Au XIX° siècle, la société coloniale les a vus comme des esclaves et a nié leur citoyenneté. Ce regard doit changer. Ces camps étaient des lieux de mixité sociale et géographique. Plutôt que de parler de camps d’affranchis, on pourrait dire "camps urbains", c’est-à-dire des quartiers qui travaillent pour la ville mais qui vivent dans la précarité.
    Source : RASINE KAF, Itinérances, L’Eclipse du Temps, 2021.


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