Réponse aux propos du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer

Esclavage : 17 députés demandent des excuses à Gérald Darmanin

4 février 2023

Les propos sur l’histoire de l’abolition de l’esclavage tenus le 2 février par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer ont suscité hier la réponse commune de 17 députés : ils demandent des excuses à Gérald Darmanin. Ils soulignent également que « c’est cette même République qui maintient nos territoires d’outre-mer dans un état de sous-développement chronique et qui passe quasiment systématiquement sous silence les outre-mer dans les projets de loi présentés au Parlement, dessaisissant progressivement ce dernier de ses prérogatives. »

À l’occasion du colloque « Les Outre-mer aux avant-postes » organisé par Le Point ce 2 février 2023 à la Maison de l’Océan (Paris), le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a déclaré : « c’est la République française qui a aboli l’esclavage(…) on demande donc (aux territoires ultramarins) d’aimer la République » ; « il y a aux Antilles, en Guyane, un sentiment identitaire, de réaction, qui mérite d’être entendu mais qui (…) ne mérite pas d’être entendu comme la Nouvelle-Calédonie qui a le mérite d’être entendue parce que ce n’est pas la même histoire ».

Nous condamnons ces propos avec la plus grande fermeté. Au relativisme moral des puissances colonisatrices, persuadées d’apporter culture et savoir aux populations dont elles brimaient les capacités d’autodétermination en même temps qu’elles tuaient leur puissance créatrice, semble avoir succédé une forme nouvelle de révisionnisme historique. Si l’histoire coloniale est en effet plurielle dans sa réalisation (certains territoires sont conquis par la force, d’autres échangés, certains vendus ou annexés), elle est une dans ses causes (satisfaire des intérêts économiques et promouvoir des idéaux politiques et religieux) et dans ses conséquences actuelles : les outre — mer demeurent le pur produit de l’expansionnisme, restent envisagés comme des relais de puissance et d’influence, et sont tributaires de prismes nationaux car constamment ramenés à leurs vertus géostratégiques.

Nous tenons également à rappeler que l’abolition de l’esclavage est avant tout le fruit de la lutte de nos ancêtres, la consécration de tant de femmes et d’hommes aux vies sacrifiées, le résultat de la résistance constante des esclaves, contraints d’arracher leur liberté là où les décisions de la République mentionnée par Gérald Darmanin tardaient à être proclamées, et plus encore, à être appliquées.

C’est cette même République qui maintient nos territoires d’outre-mer dans un état de sous-développement chronique et qui passe quasiment systématiquement sous silence les outre-mer dans les projets de loi présentés au Parlement, dessaisissant progressivement ce dernier de ses prérogatives.

Rappelons au ministre de l’Intérieur que nul ne colonise impunément : « partout où il y a colonisation, des peuples entiers ont été vidés de leur culture ». En ces quelques mots, Aimé Césaire résumait déjà la volonté émancipatrice de nos peuples, qu’ils soient guyanais, antillais, réunionnais, polynésiens ou néo-calédoniens, dont les revendications identitaires sont au cœur du processus en cours de réappropriation des fondements culturels dont ils ont tous été dépossédés et dont la légitimité n’a pas à être graduée.

Le président de la République et son gouvernement préparent activement une nouvelle loi de programmation militaire, dotée de centaines de milliards d’euros destinés notamment à renforcer les forces dites « de souveraineté » en outre-mer afin de sécuriser les 10,2 millions de km² composant la Zone économique exclusive de la France.

Mais ils détournent sciemment le regard lorsqu’il s’agit d’assurer des conditions de vie (et de retraite) décentes aux populations des territoires qui lui assurent son rang de deuxième puissance maritime mondiale.

Cette réalité ne semble pas, quant à elle, avoir le mérite d’être entendue. Le cerveau fonctionne à la manière de certains éléments digestifs de type élémentaire. Il filtre. Et le filtre ne laisse passer que ce qui peut alimenter la couenne de la bonne conscience bourgeoise

“Le cerveau fonctionne à la manière de certains éléments digestifs de type élémentaire. Il filtre. Et le filtre ne laisse passer que ce qui peut alimenter la couenne de la bonne conscience bourgeoise” — Aimé Césaire

Signataires :
Christian Baptiste, député de la Guadeloupe
Moetaï Brotherson, député de la Polynésie française
Elie Califer, député de La Guadeloupe
Jean-Victor Castor, député de Guyane
Steve Chailloux, Député de la Polynésie française
Perceval Gaillard, député de La Réunion
Emeline K. Bidi, députée de La Réunion
Karine Lebon, Députée de La Réunion
Tematai Le Gayic, Député de Polynésie française
Frédéric Maillot, député de La Réunion
Max Mathiasin, député de la Guadeloupe
Marcellin Nadeau, Député de la Martinique
Jean-Philippe Nilor, Député de la Martinique
Jean-Hugues Ratenon, député de La Réunion
Davy Rimane, Député de Guyane
Olivier Serva, député de la Guadeloupe
Jiovanny William, député de la Martinique

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Messages

  • L’histoire de tous les français mérite d’être entendue par leurs gouvernants et leurs responsables politiques quelque soit l’endroit où ils vivent , que ce soit en Corse , aux Antilles, en Guyane à la Réunion , à Mayotte, en Nouvelle Calédonie , en Polynésie ou ailleurs dans les différents pays du monde , et c’est la responsabilité du gouvernement de donner la suite qu’il convient le mieux à leur situation respective pour que les principes de notre devise nationale leur soit appliqués comme dans l’hexagone et qu’ils ne se sentent pas lésés ou abandonnés par leur mère patrie .
    Chaque situation peut être différente et peut nécessiter une réponse différente , mais le gouvernement se doit de répondre après avoir écouté et entendu les réclamations de chacun par l’intermédiaire de leurs élus , et lorsqu’il y a des problèmes identiques dans chaque territoire ultramarin, après avoir réuni les différents élus de ces territoires pour leur permettre de s’exprimer ensemble et choisir la meilleur solution pour tout le monde .
    Le rassemblement de ces 17 députés ultramarin est une excellente chose , il faudrait à mon avis l’institutionaliser et le rendre obligatoire au moins une fois par an en y intégrant les présidents des assemblées départementales et régionales .
    L’esclavage fait partie de l’histoire de nos territoires ultra marin ,mais l’abolition de l’esclavage est le résultat d’un combat qui a été mené autant par les esclaves que par des grands hommes de la république française comme Victor Schoelcher ou des représentant du gouvernement qui ont été missionnés pour l’appliquer tels Sarda Garriga .
    C’est aussi à la République française que les esclaves de nos territoires ultramarins doivent leur liberté et les droits qu’ils ont actuellement même si le principe de l’égalité de droit est loin d’être parfaitement appliqué . Et c’est une bonne raison pour les ultramarins d’aimer la France et de vouloir continuer d’avoir le privilège d’être français .
    Notre ministre de l’intérieur et des outre mer n’a pas tort de nous dire que la France a aussi besoin de notre amour pour assumer ses responsabilité envers nous .
    La question importante c’est est ce qu’elle nous aime suffisamment pour nous traiter comme tous ses enfants et accepter de payer le prix qu’il faut pour cela compte tenu de nos spécificités respectives. Quand nos enfants sont malades nous les soignons et nous leur appliquons le traitement prescrit par le médecin . Mais , est ce vraiment ce que le gouvernement français fait pour les français d’outre mer ? L’outre mer est une charge pour la France mais aussi une richesse et une grande chance pour qu’elle garde sa place dans le monde bientôt sans frontière . Notre gouvernement doit en prendre conscience et adapter son action en conséquence .


Témoignages - 80e année


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