Après l’élection du premier secrétaire national du PS

Faillite idéologique d’un parti sans projet

24 novembre 2008, par Manuel Marchal

En France, les résultats de l’élection du premier secrétaire national du PS a abouti à des résultats extrêmement serrés. Samedi matin, Martine Aubry était créditée de 42 voix d’avance sur sa rivale Ségolène Royal. Depuis, les contestations et les polémiques se multiplient. Cette situation révèle la fin d’un cycle entamé lors du Congrès d’Epinay en 1971, qui a lancé l’Union de la gauche et le Programme commun. Or, cette stratégie a été élaborée pour donner l’hégémonie au PS pour le présenter comme la seule alternative à la droite gaulliste. Elle a abouti à l’écrasement des alliés du PS, notamment le PCF, et aujourd’hui, le PS ne pèse plus que ce qu’il pesait avant 1971, tout en n’étant plus une alternative crédible puisqu’il s’est aligné idéologiquement sur la droite européenne à travers la cogestion de l’Union européenne. Le débat sur un programme a laissé place à des batailles de personnes, au sein desquelles la fédération réunionnaise s’inscrit totalement.

En 1971 au congrès fondateur du Parti socialiste, c’est un changement fondamental qui s’opère. Le PS s’allie avec le Parti communiste français et se fixe comme objectif de signer avec le PCF le Programme commun. C’est l’Union de la gauche qui est en marche, et à cette époque, le PCF était la force la plus importante. Le Programme commun vise à offrir à la population une alternative à la droite gaulliste au pouvoir depuis la création de la 5ème République en 1958. Les signataires de cette plate-forme décident de soutenir un candidat commun : François Mitterrand, premier secrétaire du PS.
Ce modèle de conquête du pouvoir abouti en 1981 par la victoire de François Mitterrand à la Présidentielle. Logiquement, le PS et le PCF auraient dû ensuite progresser ensemble pour consolider la dynamique de l’Union de la gauche. Tel n’a pas été le cas, car l’autre objectif du PS était de devenir hégémonique sur la gauche française, en écrasant son partenaire, le PCF.
C’est cette nouvelle étape qui est mise en branle en 1982. Au pouvoir, le PS développe une politique d’austérité et se sépare du PCF. Le PCF devient alors le parti à abattre.
Dans le même temps, le PS accepte de co-gérer l’Union européenne avec la droite, et devient dans la pratique un parti social-démocrate, avec comme modèle l’Europe du Nord. Par cette stratégie, le PS pense devenir le parti de la gauche, sur le modèle du Parti travailliste en Grande-Bretagne par exemple, face à une droite française divisée entre gaullistes et giscardiens. Il mise donc sur une bipolarisation de l’échiquier politique français, où son hégémonie sur la gauche pourrait donc lui permettre de s’imposer comme seule alternative.

Trois Présidentielles perdues de suite

Le PS va donc jouer perso. Le résultat est un affaiblissement du Parti communiste en France, et une montée du Front national. Mais cela laisse la porte ouverte à la droite gaulliste qui se réorganise, et qui gagne successivement trois élections présidentielles : 1995, 2002 et 2007.
Cela n’est guère étonnant, car la population française pense que dans le cadre de la co-gestion de l’idéologie libérale, l’original vaut mieux que la copie.
Car pendant qu’il affaiblissait son allié principal, le PS affichait ses convergences idéologiques avec la droite française. Le référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen est typique de cette faillite idéologique. Le PS a clairement montré qu’il ne représentait plus l’alternative, car il a appelé à voter pour un texte consacrant le triomphe de l’application de la mondialisation libérale dans le texte de la loi fondamentale de l’Union européenne.
Ce parti a donc abandonné la population qui voulait le changement. Cette faillite idéologique se retrouve lors de la dernière Présidentielle. Un des points forts du programme de la candidate du PS était le SMIC à 1.500 euros. Quelques mois plus tard, Ségolène Royal reconnaît qu’elle n’était pas d’accord avec cette mesure. C’est la crise de confiance, car tout le monde se demande si le SMIC à 1.500 euros aurait été appliqué si la candidate du PS avait été élue !
La participation de plusieurs cadres du Parti socialiste au gouvernement d’ouverture de Nicolas Sarkozy est une autre preuve de cette faillite idéologique. On ne compte plus celles et ceux qui ont répondu favorablement à l’appel du président de la République.

Et à La Réunion ?

Et quand arrive le Congrès de Reims, le PS n’a plus de projet véritable pour la France. Le choix du premier secrétaire se résume alors à une bataille de personnes. L’exemple de ce qui vient de se passer à la Fédération de La Réunion le confirme. On a deux courants. D’un côté, Patrick Lebreton et Jean-Jacques Vlody font campagne pour Ségolène Royal, de l’autre, Gilbert Annette et Jean-Claude Fruteau soutenaient Bertrand Delanoë.
Lors du vote sur les différentes motions, Bertrand Delanoë est battu sur le plan national. Gilbert Annette appelle aussitôt à voter pour Ségolène Royal. Et quand Bertrand Delanoë lance son appel à voter pour Martine Aubry, le premier secrétaire de la fédération locale soutient Ségolène Royal. Si on voulait montrer qu’il n’y a que des batailles de personnes au sein de la Direction du PS, l’exemple de La Réunion suffirait.
Et hier devait se tenir le congrès du PS à Saint-Denis. Patrick Lebreton et Jean-Jacques Vlody disent qu’ils ne viendront pas, et dénoncent Gilbert Annette.
Tout ce spectacle est affligeant au moment où l’on est dans un contexte de crise généralisée. Les débats du congrès du PS et de l’élection du premier secrétaire national se contentent d’occuper l’espace médiatique, mais ils n’apportent aucune réponse aux questions de la situation présente. Quelle réponse aux 52% de Réunionnais qui vivent sous le seuil de pauvreté, quelle réponse aux entreprises qui risquent de mettre la clé sous la porte, quelle réponse au prix des carburants ? Et en quoi courir derrière Bertrand Delanoë ou Ségolène Royal va-t-il régler les problèmes des Réunionnais ?

Manuel Marchal


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