Didier Robert préfère financer une route plutôt que des lycées et des hôpitaux

FEDER : l’Alliance dénonce des choix à l’opposé du développement

22 avril 2015, par Manuel Marchal

Grâce au travail d’Elie Hoarau puis de Younous Omarjee au Parlement européen, La Réunion a pu bénéficier d’une légère hausse des fonds européens : 2,2 milliards pour 2014-2020 au lieu de 2 milliards pour la période précédente. C’est un véritable exploit dans un contexte de baisse du budget européen. Mais la Région a décidé de gaspiller ce gain durement acquis en l’orientant en priorité vers le projet pharaonique de route en mer. Rien n’est prévu pour la culture, rien pour construire des hôpitaux, et seulement 3,7 % du FEDER pour la construction des lycées, des collèges et la réhabilitation des près de 130 établissements existants. Béatrice Leperlier, Catherine Gaud et Maya Césari ont dénoncé le scandale.

Béatrice Leperlier, Catherine Gaud et Maya Césari.

Trois conseillères régionales de l’Alliance, Béatrice Leperlier, Catherine Gaud et Maya Césari, ont tenu hier une conférence de presse. Le groupe fait part de son désaccord devant les choix faits par la Région pour l’utilisation des fonds européens durement obtenus. Les conséquences seront désastreuses pour la jeunesse et la santé. La semaine prochaine aura lieu justement le Comité national de suivi des programmes européens pour le FEDER (1,1 milliard) et le FSE.

Catherine Gaud rappelle que le FEDER doit servir à l’environnement, aux infrastructures, au développement économique. Depuis l’an dernier, la loi autorise les Régions à gérer ce fonds. Cela s’applique à La Réunion.

La plaisanterie d’une NRL respectueuse de l’environnement

La moitié du FEDER reste encadré par les orientations de l’Union européenne. C’est la « concentration thématique », avec pour la période 2014-2020, les domaines suivants qui sont privilégiés par l’Union européenne : recherche innovation, TIC, compétitivité des entreprises, l’énergie. Les 50 % restant peuvent être attribués en fonction de besoins plus spécifiques aux Régions. C’est justement dans la répartition que le bât blesse pour l’Alliance. Tout d’abord, elle se fait sans que le Contrat de plan État-Région soit finalisé. Cela bloque le financement des projets car l’argent de l’Europe ne peut à lui seul financé une action.

Mais cela n’a pas empêché la Région Réunion de mettre le paquet sur sa vieille lubie de route en mer. Sur les 500 millions, 20 % rien que pour une route à six voies à contre-courant des orientations du développement durable prônées par l’Union européenne. 41 millions d’euros vont dans un projet de Trans Eco Express qui finance l’achat de bus et 26 millions d’euros pour la nouvelle entrée Ouest de Saint-Denis. Ce sont donc 167 millions sur les infrastructures routières, soit un tiers des fonds « libres ». « Il a fallu couper dans d’autres secteurs », déplore Catherine Gaud qui donne un aperçu des sacrifices que Didier Robert veut imposer aux Réunionnais.

Attaques contre la jeunesse

« Seulement 37 millions sur la réhabilitation, l’extension, la construction des lycées et des collèges alors que l’on a 76 millions d’euros sur le tourisme, c’est énorme au vu de ce qu’a dit la Chambre régionale des comptes », précise l’élue de l’Alliance. Elle constate également l’absence de crédit pour les infrastructures hospitalières.

Maya Césari rappelle qu’« il est important que les enfants soient dans de bonnes conditions d’accueil pour avoir de bonnes conditions d’apprentissage. Le bâti scolaire peut émarger dans le FEDER ». La somme prévue par la Région dans le FEDER est largement insuffisante. D’ici 2022, La Réunion doit accueillir près de 3.000 lycéens supplémentaires. Cela imposera au cours des 7 à 10 prochaines années la construction de 4 lycées. De plus, « à ce jour et depuis 5 ans, rien n’a été fait en matière de construction de nouveaux lycées. Le dossier du lycée de Bois de Nèfles n’a toujours pas évolué », rappelle Maya Césari.

Les 37 millions du FEDER sont nettement insuffisants pour participer au financement de 4 lycées. Un seul établissement coûte en effet 35 millions d’euros. Mais de surcroît, ces 37 millions ont aussi pour vocation de co-financer la construction des collèges, ainsi que la réhabilitation et l’extension des 78 collèges et 49 lycées.

« C’est faire des économies sur le dos de la jeunesse et s’assoir sur l’avenir de la jeunesse ».

Pour le FSE, l’enveloppe est passée de 535 millions à 516. La Région choisit de faire porter l’impact de cette diminution sur la jeunesse, indique Maya Césari. « La ligne de l’apprentissage passe de 20 millions à 10 millions. Nous dénonçons ce positionnement contraire au discours ambiant régional et national ». À noter que 5 millions d’euros sont prévus pour une « cité des métiers » afin de payer les salaires et le fonctionnement.

Cette attaque contre la jeunesse est dans droite ligne de la décision de Didier Robert de vouloir retirer 10 millions d’euros au RSMA pour financer une aide aux vacances à ceux qui ont les moyens d’aller en France.

La santé sacrifiée

« Concernant la santé, l’enveloppe destinée à la recherche stagne à 6 millions d’euros. Alors que le paysage de la recherche en santé est bouleversé : création d’un UFR Santé, d’un CHU, 4 fois plus de chercheurs, et de grands organismes de recherche sont impliqués dans la recherche en Santé », précise Maya Césari.

« Rien n’est prévu pour le bâti hospitalier », souligne Catherine Gaud. L’Alliance était pourtant aux côtés de l’ARS et du CHU pour plaider des moyens supplémentaires. Il s’agit tout d’abord de réhabiliter l’existant. Les hôpitaux de Saint-Denis et de Saint-Pierre ont encore besoins de travaux importants pour être à jour.

Il est tout aussi nécessaire d’accompagner la montée en puissance du CHU, grand pourvoyeur d’emplois durables pour les Réunionnais, affirme Catherine Gaud. La transformation du CHR en CHU impose de disposer d’espaces pour faire de la recherche en santé. Le CHU est un phare qui tire la santé pour toute notre région.
L’exclusion du bâti hospitalier du FEDER est donc une « faute stratégique majeure du point de vue économique ».

Qui paiera ce gaspillage ?

Pour Béatrice Leperlier, les arbitrages pour la répartition des fonds européens sont à l’image de ce qui se fait depuis 2010 à la Région : « des choix qui n’ont pas pour but d’anticiper le développement de La Réunion et l’émancipation des Réunionnais ».
Les exemples sont nombreux. 45 millions d’euros ont été distribués pour que des particuliers achètent des ordinateurs dans la grande distribution ou des enseignes spécialisées. Cette somme aurait permis de construire au moins un lycée.

Rien n’est prévu pour les modes alternatifs viables, constate Catherine Gaud, alors qu’« il nous faut trouver un moyen qui nous sorte du tout automobile ». Et surtout, l’utilisation du FEDER pour une route en mer pose question. Car manifestement, ce n’est pas un projet respectant l’environnement, ce qui risque bien de poser un problème de crédibilité de La Réunion vis-à-vis du partenaire européen, avec des conséquences qui vont bien au-delà du mandat de Didier Robert qui prend fin dans 8 mois.

Le FEDER selon Didier Robert...

37 millions pour près de 130 collèges et lycées
10 millions pour plusieurs milliers d’apprentis
100 millions pour 12 kilomètres de route

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