Loi sur l’octroi de mer

FRDE : Précipitation et rupture de dialogue

8 juin 2004

Les premières réactions suite à l’adoption de la loi sur l’octroi de mer à l’Assemblée nationale, le 4 juin dernier, ont dénoncé les effets négatifs de l’amendement modifiant la répartition du Fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE). Un « hold up », une « amputation » qui pourraient s’avérer moins favorable que prévu pour les communes destinataires.

L’adoption de la loi sur l’octroi de mer s’est faite dans un contexte de précipitation qui va modifier plusieurs donnes. Le nouveau dispositif d’octroi de mer doit entrer en vigueur au 1er août 2004. C’est une première date butoir. Avant cette date, les Régions doivent déterminer les nouveaux taux d’octroi de mer. Dans notre île, la Région a inscrit cette délibération à l’ordre du jour de sa prochaine assemblée, avant la fin juin, pour laisser aux opérateurs un délai d’environ un mois avant l’entrée en application du nouveau système.
Mais le calendrier de la navette parlementaire fixé par le gouvernement fait que la loi, si elle est votée par le Sénat, ne le sera pas avant le 21 juin. Prises en cisaille entre ces deux dates butoirs, celle du calendrier parlementaire et celle de la réglementation européenne, les Régions ne peuvent faire aucun travail de fond pour la détermination des nouveaux taux. En effet, dans le nouveau système, il faut respecter pour chaque produit importé ou produit un différentiel maximum. Le peu de temps laissé aux collectivités et à leurs partenaires pour étudier les nouveaux taux rend plus que probable une simple “déclinaison mécanique” de la décision de Bruxelles, se bornant à vérifier que les taux actuels respectent bien le différentiel maximum. Pour une concertation plus approfondie, à laquelle la Région Réunion a montré son attachement jusqu’à présent, les partenaires devront se donner le temps de reprendre le dossier.
La deuxième modification importante est la rupture du dialogue État/ Région -dialogue qui a prévalu jusqu’à la date du 4 juin. Ce dialogue était fait d’un échange d’arguments critiques sur divers aspects de ce dossier compliqué. Mais en introduisant dans la loi un amendement modifiant la répartition des recettes du FRDE, les législateurs ont, avec l’aval du gouvernement, rompu la logique du dialogue pour lui en substituer une autre. C’est ce qui a fait réagir déjà très vivement le président (socialiste) du Conseil régional de Guadeloupe, Victorin Lurel et, chez nous, le 1er vice-président de la Région, Camille Sudre (voir encadré).

Une “logique de guichet”

Suite à ce vote, il faudra faire des simulations et en livrer une analyse pointue. Mais d’ores et déjà, il n’est pas sûr que les communes, supposées être les principales bénéficiaires de cet amendement, aient réellement des raisons de s’en féliciter. Pourquoi le FRDE était-il "sous utilisé" auparavant ? Parce que, dans le cadre d’éligibilité des projets, il y avait un déficit de la demande des communes. Rien ne permet d’affirmer à l’avance que la communalisation du FRDE permettra en elle-même de combler ce déficit. Ensuite, les règles d’attribution introduites par l’amendement favorisent les chefs-lieux : 20% de majoration pour les chefs-lieux de département et 15% de majoration pour les chefs-lieux d’arrondissement. Autrement dit, Saint-Denis (131.557 hab.), Saint-Paul (87.712 hab.), Saint-Pierre (68.915 hab.) vont s’octroyer la plus grosse part - Saint-Benoit (31.560 hab.), moins - puisque la répartition est faite au prorata de la population, avec des majorations en sus.
Dans la “logique de projet” qui prévalait jusqu’alors, une petite commune pouvait voir un de ses grands projets financé en partie par le FRDE. Par exemple la Plaine des Palmistes pour l’aménagement du marché forain (165.237 euros) ou Bras-Panon pour les berges de la Rivière du Mât (152.455 euros). En passant d’une “logique de projet” à une “logique de guichet”, il se pourrait que les communes, surtout les petites, ne soient pas si gagnantes qu’il y paraît à première vue, dans le transfert des 80% du FRDE. C’est aussi vrai pour des communes moyennes. Saint-André n’a pas à faire de longs calculs pour voir que, sous le régime qui vient d’être voté, elle n’aurait pas réalisé le parc du Colosse...
Quant aux 20% restants, il est d’ores et déjà sûr que les communes vont en perdre le bénéfice puisque les projets qui passent en délibération à la Région, sur cette part, doivent être sous maîtrise d’ouvrage de la Région, des syndicats mixtes ou des établissements de coopération intercommunale (ECI)... mais pas des communes. Par exemple, les voiries rurales financées par le FRDE devront désormais être financées par les municipalités puisque la Région ne pourra plus financer des projets sous maîtrise d’ouvrage communale.
On peut s’attendre à quelques grincements de dents... et -pourquoi pas ?- à un recours devant le Conseil constitutionnel s’il s’avérait que le nouveau partage est d’évidence trop inégal.

P. David


La réaction de Camille Sudre

"Un hold up législatif"

Sous le titre “Budget de la Région amputé par le gouvernement”, le 1er vice-président de la Région Réunion pointe les différentes caractéristiques du texte voté à l’Assemblée nationale le 4 juin dernier :
"La part communale du fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE) sera désormais égale à 80%, contre 20% seulement pour la part régionale. De plus, le nouveau texte donne l’avantage aux grosses communes : Saint-Denis, Saint-Paul, Saint-Pierre et Saint-Benoit se tailleront la part du lion. Rien d’étonnant puisque cet amendement a été présenté par René-Paul Victoria et Bertho Audifax !
Enfin, et c’est aussi grave, un nouvel article a été ajouté, qui prévoit que les montants non engagés par les régions au titre du FRDE depuis sa création seront répartis entre les communes. C’est un véritable “hold up” législatif des fonds régionaux !
Le FRDE a été créé en 1992 pour financer des investissements à vocation économique. Avec cet amendement, il est vidé de sa substance. Il permettra aux communes dirigées par les amis du gouvernement de pratiquer davantage le clientélisme au détriment de l’emploi.
Encore une fois, le Gouvernement prouve qu’il a bien l’intention de se désengager vis-à-vis de l’Outre-Mer, en faisant payer par la Région les difficultés financières des communes"
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