Élection présidentielle : Paroles de Réunionnais

« I fo éliminé... et la lutte continue ! »

3 mai 2007

Après une réunion de la fédération CGTR Ports&Docks, Michel Séraphine, Secrétaire général, Danio Riquebourg, Président de l’Union des personnels portuaires et maritimes, et Gérard Técher, retraité, se sont exprimés sur le 2ème tour de l’élection présidentielle et sur la façon dont le monde du travail perçoit - il faudrait dire “appréhende” - les programmes des candidats.

Gérard Técher, Danio Ricquebourg et Michel Séraphine : « au lendemain du 6 mai, quel que soit l’élu(e), le combat va continuer ».
(photo PD)

Gérard Técher : Pour le 2ème tour, nous n’avons pas vraiment le choix, même s’il y a deux candidats. Si jamais le candidat du MEDEF est élu, ce sera pire pour nous que ça n’est déjà. Ces 12 années passées, la droite a remis en cause des acquis que les travailleurs avaient conquis depuis des décennies. Nous ne voulons plus revoir cette politique-là. En ce sens, on n’a pas trop le choix...

Michel Séraphine : Par leur vote, les travailleurs vont tout faire pour barrer la route au candidat de l’UMP. Il a appliqué une politique de casse sociale pendant 5 ans, avec l’appui du MEDEF. Et là, ils veulent ensemble faire une refonte du Code du Travail qui n’est pas une amélioration allant dans le sens des travailleurs, mais une mise en coupe réglée.
La crainte des travailleurs porte sur l’alliance entre le candidat de l’UMP et le MEDEF : ils ont parlé de revoir la loi sur les 35 heures et les modalités d’embauches ; de faire passer, en 2008, les retraites à 42 annuités, sans période de chômage. Aujourd’hui, la moitié des retraités est déjà au minimum vieillesse : ce n’est pas une solution. Pour nous, il faut barrer la route au candidat ultralibéral : à La Réunion, le comité de soutien de Nicolas Sarkozy, c’est le MEDEF ! Les travailleurs portuaires connaissent les conséquences de cette politique : avec la mensualisation, ils ont vu qui faisaient les frais et qui engrangeaient les profits.

Danio Ricquebourg : Les libéraux veulent un genre de contrat de travail qui n’est ni un CDD, ni un CDI, mais quelque chose où à tout moment, ils pourront licencier. Ensuite, il y a l’escroquerie « travailler plus pour gagner plus » : tous ceux qui ne cotisent pas ne rentrent pas dans l’assiette des retraites ; voilà pourquoi, c’est de l’escroquerie. Les travailleurs sont mal payés, et plus tard, ils n’auront pas de retraite décente ; on ne peut pas dire que c’est une avancée sociale.

Michel Séraphine : Si les heures supplémentaires ne sont pas soumises à cotisation, elles ne sont pas prises en compte dans le total de la retraite.

Danio Ricquebourg : Quant à Ségolène Royal, elle a eu une réponse évasive sur le congé-solidarité. Si encore elle s’était engagée, mais elle a dit : « On va évaluer... ». En 2003, les socialistes étaient d’accord pour combattre Raffarin sur les retraites, mais ils n’ont pas pris d’engagement là-dessus. Et aujourd’hui, ils ne disent plus rien pour 2008.

Michel Séraphine : Le congé-solidarité a été bénéfique. Au port, il y a eu plus de 100 nouvelles embauches, après des départs. Mais aujourd’hui, cette mesure est vidée de sa substance ; elle a même disparu du champ d’application au port. Sous l’actuel gouvernement, il y a déjà eu des modifications qui vont dans le sens de la remise en cause du droit de grève. Sur le plan social, le bilan est celui de 5 ans de casse. Et si le candidat ultralibéral est élu, ce sera encore accentué.

Danio Ricquebourg : Cela leur donne surtout les pleins pouvoirs. Fillon l’a bien dit : il ne restera plus grand-chose des 35 heures. Les patrons ne vont pas faire dans la dentelle.

Michel Séraphine : Avec le projet d’imposer un “quota” pour le droit de grève, les salariés risquent de devenir taillables et corvéables à merci. Dans une entreprise, ce n’est pas parce que des salariés qui revendiquent et qui font grève sont minoritaires qu’ils n’ont pas raison ; et s’ils gagnent, tout le monde gagne.
Sur les salaires, la CGTR demande 1.500 euros tout de suite, pour le SMIC. Le candidat de l’UMP fait des discours sur la réunion des partenaires sociaux, la candidate socialiste parle de 1.500 euros sans dire quand... Ce qu’il faut, c’est le SMIC à 1.500 euros et des discussions sur les grilles salariales, pour relancer la politique des salaires.

Danio Ricquebourg : Le SMIC est actuellement à 1.268 euros brut et la candidate socialiste parle de le faire passer à 1.500 euros brut. Mais dans 5 ans, avec l’inflation, on sera à 1.500 euros. Et dans le programme de la candidate socialiste, il faut bien reconnaître que le social n’est pas trop là. Alors, dimanche, on sera là pour faire barrage, mais question social, ce n’est pas ça non plus.

Michel Séraphine : Ici, nous soutenons la plate-forme de l’Alliance parce que les grands travaux donnent la base d’une relance économique. Mais il y a aussi tout le volet social (logement, emploi...) sur lequel il faut mener les batailles. Sur les grands travaux, c’est bien que les deux candidats aient donné leur accord pour l’application de la plate-forme, mais il y a ensuite toutes les mesures sociales. La plate-forme propose des grands axes : contre le chômage, le déficit de logements sociaux... Mais plus généralement, la précarité prend de l’ampleur, on développe beaucoup les temps partiels, et tout cela a des répercussions sur la retraite.

Danio Ricquebourg : Sé koi la retrèt kan ou la pa kotizé akoz ou té shomèr ? Et les déremboursements de médicaments, les mutuelles...? Les travailleurs âgés sont ceux qu’on paie le moins et qui doivent cotiser le plus parce qu’on les dit “personnes à risque”.
Le candidat du MEDEF était là tout le temps, avec le patronat. Comme Président de l’UMP et comme Député, il a voté toutes les lois antisociales, en plus d’être Ministre. Alors, le social est peut-être faible chez la candidate socialiste, mais avec le candidat de l’UMP, il ne faut pas venir nous dire que c’est “l’espoir”. Un exemple : normalement, un travailleur au chômage plus de 18 mois reçoit l’ASS (allocation de solidarité) ; aujourd’hui, il se retrouve au RMI, traité en parasite. Cela aussi, cela fait plus que peur aux salariés. I vé pa dir nou vot socialiste par conviction, mais il faut barrer la route à l’UMP et au MEDEF. Il faut « éliminer »... et la lutte continue.

Michel Séraphine : Au lendemain du 6 mai, quel que soit l’élu(e), le combat va continuer. I fo nou redrèss la bar. La situation sociale à La Réunion est catastrophique... La moitié de la population vit des minima sociaux, au seuil de pauvreté.

Propos recueillis par P. David


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