Collectif “Non au racisme et aux discriminations. Respekt anou !”

Interdiction du port du voile intégral : Une loi “attentatoire aux libertés”

30 septembre 2010

Voici un communiqué du collectif “Non au racisme et aux discriminations. Respekt anou !” dénonçant l’adoption par le Parlement du projet de loi sur l’interdiction du port du voile intégral dans tout l’espace public, une loi “attentatoire aux libertés”.

« Le Parlement a définitivement adopté, le 14 septembre dernier, le projet de loi sur l’interdiction du port du voile intégral dans tout l’espace public, avec, à la clé, une amende de 150 euros en cas d’infraction. En cas de refus persistant, cette peine pourra être assortie d’un « stage de citoyenneté ».
Malgré l’avis négatif du Conseil d’État rendu le 30 mars dernier, le chef de l’État a voulu l’interdiction « la plus ferme ». Or, tout principe d’interdiction générale et absolue est contraire aux libertés constitutionnellement garanties. Après la déclaration récente du Comité de lutte contre les discriminations raciales de l’ONU selon laquelle : « la France n’est plus une démocratie exemplaire » eu égard aux déclarations et mesures du gouvernement à l’encontre des Roms, c’est désormais le Conseil de l’Europe et Amnesty international qui taxent la France, au travers de cette loi, de « violer les droits à la liberté d’expression et de religion des femmes ».
Parmi toutes les grandes libertés que garantissent les démocraties, celle qui consiste à croire et à penser sans entraves est en effet sans doute l’une des plus essentielles.
Nos deux sénatrices de La Réunion nous ont fait honneur en ne participant pas à cette mascarade pour l’une, et en votant contre cette loi pour l’autre.

Le gouvernement estime que le voile intégral est contraire aux valeurs de la République, et notamment celles de la laïcité, de l’égalité et de la dignité humaine.
Que fait-on de la liberté d’expression, de culte et de religion ? Le principe de laïcité ne prévoit-il d’ailleurs pas l’égalité entre toutes les religions et l’interdiction d’établir des discriminations au regard de la pratique religieuse des individus ? La loi du 9 décembre 1905, qui institue la séparation des Églises et de l’État, proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes sans pour autant en reconnaître aucun. Désormais, le sacré, ce n’est plus la religion, mais celui qui croit. C’est ainsi que la République est censée admettre toutes les manifestations diverses de la pensée : ne rejetant aucune idéologie, mais les accueillant toutes. L’article 2 de la Constitution, aux termes duquel la France est une République « laïque » qui « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », implique l’engagement de l’État d’assurer à chacun le libre exercice de sa religion et lui donner les moyens de la pratiquer librement. En effet, « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi », dispose la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La liberté de conscience est garantie par un État neutre et laïc, qui ne saurait pratiquer la moindre discrimination entre les cultes.

Il ne semble pas ici que les 1.900 femmes qui portent le voile intégral en France soient un facteur de trouble à l’ordre public. Quant aux fondements d’égalité et de dignité, ils ont été écartés par les “sages” du Conseil constitutionnel, tout comme celui de la laïcité, les juges suprêmes estimant que ce principe s’applique aux institutions et aux agents publics et non à la société ou aux individus, sauf exception, comme l’école. Déjà dans le célèbre arrêt Kherouaa de 1992, le Conseil d’État avait condamné l’interdiction générale et absolue du port de tout signe religieux dans une école au nom de la liberté d’expression. La loi du 15 mars 2004 limite cette interdiction aux signes religieux ostentatoires et dans la stricte enceinte des écoles.
L’interdiction générale et absolue du port du voile intégral dans tout l’espace public, instituée par la loi nouvellement votée, est, sans conteste, attentatoire aux libertés. Elle menace la démocratie en ce qu’elle tend à éradiquer le pluralisme des opinions. Le vote de cette loi met en exergue l’incapacité du gouvernement français à admettre l’expression de convictions et de croyances différentes des siennes : la France, « fille aînée de l’Église », dit-on. Le voile intégral serait un « défaut d’assimilation », a-t-on pu par ailleurs lire.
« Liberté, Égalité, Fraternité : où est la Fraternité, pourquoi ne l’a-t-on jamais connue ? Précisément parce que la France n’a jamais compris le problème de l’identité ». Aimé Césaire n’aura jamais été autant d’actualité…
Où est l’émancipation ? Où est le vrai progrès ? La France de Sarkozy, intolérante, n’aura pas su ou voulu intégrer tous ses enfants — dans leur diversité, aussi bien d’origines que religieuses.
Vivre ensemble en étant différents, c’est possible. Nous le savons bien à La Réunion, où nous avons bâti notre unité autour des valeurs de respect et de tolérance.

Ce n’est pas en entravant le libre choix vestimentaire et d’expression religieuse à quelque 1.900 femmes en France que l’on va libérer les femmes. Quelle hypocrisie d’entendre dire aujourd’hui que ce sont les femmes musulmanes qui subissent le joug de la domination masculine quand on sait que les instances parlementaires mêmes qui ont voté cette loi sont composées à 80% d’hommes… Quelle hypocrisie de brimer ces femmes au nom de l’intégration quand on sait que cette loi ne fait que stigmatiser et donc exclure une fois de plus les minorités… Quelle hypocrisie d’évoquer le principe de l’égalité quand on sait que cette loi instaure une inégalité de traitement dans le droit de libre expression de sa religion.

Le gouvernement passe outre le Conseil constitutionnel : où est l’État de droit garanti par la séparation des pouvoirs ? Le gouvernement décide outre la rue : où est la démocratie ? Une fois de plus, le gouvernement instrumentalise la montée du sentiment d’insécurité et les relents racistes pour tenter de faire diversion pendant que la casse sociale est orchestrée, pendant que le peuple s’élève en masse contre la réforme des retraites et dit “Non !” à une politique de rigueur qui fait des économies sur le dos des plus pauvres, alors que les plus riches s’abritent derrière leur bouclier fiscal. Non, ces quelques musulmanes voilées n’étaient vraiment pas le problème... ».

 Le collectif Non au racisme et aux discriminations. Respekt anou ! 


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