Plan de cohésion sociale

Jean-Louis Borloo en visite à La Réunion

23 décembre 2004

Jean-Louis Borloo, ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, et Marc-Philippe Daubresse, ministre du Logement et de la Ville, sont arrivés hier à La Réunion. Leur visite s’inscrit dans le cadre de la présentation du plan national de cohésion sociale voté le 20 décembre et qui pose de nombreux problèmes.

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Jean-Louis Borloo et Marc-Philippe Daubresse ont entamé hier une visite officielle de deux jours à La Réunion. À l’aéroport, les deux représentants du gouvernement ont été accueillis par quelques dizaines de militants de droite et des élus proches de la majorité UMP.
Les deux ministres se sont d’abord rendus à la mairie de Saint-Denis pour s’entretenir avec le député-maire UMP, René-Paul Victoria. Ils se sont ensuite dirigés vers le Conseil général pour une séance de travail consacrée à la cohésion sociale, et notamment au plan local mis en place par le Conseil général. Rappelons que 53 millions d’euros seront engagés par le Département en faveur d’actions de développement et de cohésion.
Nassimah Dindar, la présidente UMP de la collectivité, a rappelé les enjeux et défis posés à l’île en matière d’emploi, de construction de logements et d’insertion. Elle a ainsi souligné à quel point la situation réunionnaise a un caractère de gravité plus important qu’en Métropole.
Dès lors, se réjouissant de l’attribution de 15.000 contrats d’avenir par an sur 5 ans (soit 75.000 contrats au total), elle a mis l’accent sur la nécessité de définir "très précisément" dès maintenant "les conditions de remplacement de ces contrats" arrivant à terme. Les contrats d’avenir remplaceront tous les autres contrats d’emplois aidés (CES et CEC), qui resteront en vigueur tout au long de l’année 2005.
Nassimah Dindar a ensuite abordé la question du logement et du manque de foncier. "Nos besoins sont de 9.000 logements par an dont 6.000 logements sociaux et seuls 3.000 habitats de ce type ont été réalisés en 2004", disait-elle en parlant de "bilan particulièrement angoissant".

"Augmenter l’offre de logements"

Prenant ensuite la parole, Marc-Philippe Daubresse, ministre du Logement, a estimé que depuis la dernière visite de Jean-Louis Borloo il y a un an, beaucoup de choses avaient été accomplies, notamment en matière de rénovation urbaine. Selon lui, les engagements ont été tenus avec les premières opérations à la Ravine Blanche à Saint-Benoît. "D’autres travaux vont suivre dans les zones urbaines sensibles de l’île, mais également dans les autres secteurs". Le ministère du Logement a dit partager le diagnostic du Comité départemental de l’habitat sur le problème de l’explosion démographique, des listes d’attentes pour l’attribution des logements, de la crise du foncier et sur la nécessité d’agir vite. "Il faut répondre de manière massive à tout ce qui peut augmenter l’offre de logements", a déclaré le ministre.
Pour sa part, Jean-Louis Borloo a déclaré dans son discours que La Réunion est une île aux "incroyables paradoxes. C’est probablement le département français où le niveau d’intelligence, de capacité d’intégration des communautés et d’apports républicains est le plus élevé".
Il note que La Réunion présente "le tissu humain le plus brillant de la République. Même s’il y a des difficultés, c’est d’abord un message de salut républicain que je tiens à vous adresser".

L’exemple réunionnais

La Réunion est pour lui, et de loin, "le plus exemplaire département de notre République en matière de tolérance, de fraternité, de solidarité, de compétences et de responsabilité". Ainsi, au titre de la cohésion sociale, il annonce que le gouvernement serait prêt à financer une opération d’envergure mondiale pour essayer de déterminer ce qui caractérise cette spécificité, ce qui fait les germes de la réussite malgré des tensions sociales inhérentes aux mutations de l’île.
Le ministre a par la suite répondu aux diverses interrogations émises par les élus et a apporté ainsi des précisions sur les contrats d’avenir. Il a aussi indiqué que le plan de cohésion voté il y a trois jours prévoit un doublement de la dotation solidarité urbaine, "ce qui implique plus de moyens pour les villes à charges sociales urbaines les plus importantes".
En conclusion, le ministre a déclaré que dès janvier prochain, des indicateurs sur le plan de cohésion sociale seraient mis en place.
Dans l’après-midi, le ministre de l’Emploi a eu une réunion de travail privée avec le président du Conseil régional, Paul Vergès (voir encadré) . En fin de journée, le représentant du gouvernement s’est rendu à la Chambre de métiers où il a signé une charte sur l’emploi dans l’artisanat.


Syndicalistes

Devant le Palais de la Source, l’accueil était moins chaleureux qu’à l’aéroport. Les syndicalistes de la CGTR, de la CFDT, de la CFTC et de l’UNSA ainsi que l’association Agir Pou Nout Tout s’étaient mobilisés pour dénoncer la politique gouvernementale, qu’ils qualifient de "casse sociale". Une délégation sera reçue aujourd’hui par un conseiller de Jean-Louis Borloo.


Jean-Louis Borloo en visite au Conseil régional

"J’ai beaucoup écouté le président"

En milieu d’après-midi, le ministre de l’Emploi s’est rendu au Conseil régional, où il a eu un entretien d’une demi-heure avec Paul Vergès, le président de la Région. "Cela me faisait plaisir de rencontrer le président Vergès qui, au-delà de l’institution régionale, est un personnage politique de dimension nationale", commentait Jean-Louis Borloo à l’issue de la rencontre.
À la question de savoir de quoi il avait été question au cours de la discussion, le ministre dit avoir "beaucoup écouté le président Vergès faire l’éloge de la diversité culturelle" réunionnaise. "Ce matin (hier matin - NDLR), au Conseil général, je me suis moi-même exprimé sur le sujet (voir article par ailleurs) et j’ai dit qu’en termes de cohésion culturelle, La Réunion est un département phare pour la République. J’ai donc écouté avec beaucoup d’attention les explications du président Vergès sur l’histoire de l’île", disait encore Jean-Louis Borloo.
Au cours de l’entretien, il a bien sûr été question du plan de cohésion sociale et le représentant du gouvernement a souligné : "lorsque l’on partage des points de vue essentiels, cela évite les malentendus". Ce qui lui permettait de rappeler qu’afin d’être plus efficace et en tout cas plus adaptée à la réalité de terrain, l’application de certaines mesures du plan sera légèrement différente dans les régions les plus en difficulté. Ce qui est le cas notamment de la région de Nice, du Pas-de-Calais, de la Seine Saint-Denis et de La Réunion. "Sur ce plan, nous devrons travailler dans le cadre d’une collaboration républicaine", notait Jean-Louis Borloo.
Le discours a trouvé un écho favorable chez Paul Vergès. "La situation à La Réunion est d’une gravité telle, qu’on ne peut évidemment pas la résoudre d’un coup de baguette magique", disait le président du Conseil régional. "Nous disons qu’en raison de la crise où se trouve La Réunion, les mesures en faveur de la cohésion sociale appliquées ailleurs ne sont pas suffisantes ici. Alors nous disons aussi : unissons-nous, prenons nos responsabilités et ne nous dérobons pas", ajoutait Paul Vergès en faisant allusion aux possibilités d’adaptation du plan de cohésion sociale. "Dire aux Réunionnais : faites vos preuves, unissez-vous est un langage responsable. Saisissons-nous de cela et montrons de quoi nous sommes capables", concluait le président de la Région.


Chiffres clairs = temps gagné... (1)

Le 14 décembre dernier, le Conseil départemental de l’Habitat fait savoir (page 26 de son rapport) que "des opérations du programme 2004 ont dû être reportées faute de crédits suffisants" et précise un peu plus loin le nombre de logements reportés sur le budget 2005 : 628. Restent seulement 3.141 logements financés.
Deux jours plus tard, Mme Girardin annonce qu’elle a "obtenu pour 2004 le dégel des 75 millions d’euros d’autorisations de programme qui étaient gelés sur la Ligne budgétaire unique (LBU) destinée au financement du logement social outre-mer". Pour La Réunion, ce “dégel” tardif mais bienvenu entraîne de facto la réintégration sur la LBU 2004 des 628 logements reportés à cause des crédits précédemment “gelés”.
Même si, pour des raisons techniques, le ministre du Logement peut dire que les 628 logements restent reportés sur 2005, le fait est qu’en termes d’effort financier, dans la logique et la chronologie de la LBU, ces logements sont réintégrés à 2004. Il prend soin d’ailleurs (honnêtement !) de ne pas les ajouter aux 4.300 logements dont il annonce le financement pour 2005.
Dans ces conditions, il nous présente un chiffre manifestement erroné quant à l’augmentation des logements financés en 2005 par rapport à 2004. Les 4.300 logements annoncés sur 2005 ne doivent pas être rapportés à 3.141, mais à 3.769 logements (3.141 + 628) sur 2004. L’augmentation affichée de 40% prend alors une allure beaucoup plus modeste : 14%. Surtout quand on sait le mauvais cru qu’aura été 2004 (à comparer avec 4.135 en 2003 ou 4.576 en 2002)...
Derrière les chiffres se cache la réalité concrète d’une crise du logement sans précédent à La Réunion. Une raison suffisante pour les manier avec rigueur.

A. D.


Chiffres clairs = diagnostic réaliste (2)

Il est d’usage de prendre en compte les logements financés, en agglomérant la construction de logements neufs d’une part, et l’amélioration ou la réhabilitation de logements existants d’autre part. Dans les deux cas, la LBU finance effectivement ces opérations.
Par exemple, la LBU 2002 a financé 4.576 logements, qui se répartissent en 1.110 améliorations-réhabilitations et 3.466 logements neufs. La LBU 2003 a financé 4.135 logements (respectivement 1.154 et 2.981). On aura finalement sur la LBU 2004 (compte tenu des 628 logements “dégelés”) 3.769 logements (respectivement 1.133 et 2.636 ).
À partir de là, il convient de faire bien attention aux chiffres qu’on avance. Pour rendre compte de l’écart qui existe entre les besoins de La Réunion en logements sociaux et les réalisations annuelles, il faut retenir non pas les logements financés mais les logements construits.
On sait que les besoins sont évalués par l’ensemble des analystes à au moins 6.000 logements neufs construits par an. Pour comparer ce qui est comparable, il faut s’en tenir aux chiffres relatifs aux constructions de logements et ne pas y adjoindre les chiffres de la réhabilitation (fort précieuse et nécessaire au demeurant).
Le fossé entre besoins et constructions apparaît alors, quand il n’est plus masqué par des artifices, dans toute sa gravité. Démontrons-le sur les trois dernières années (2002 à 2004). La LBU aura financé 12.480 logements. Rapporté à l’objectif de 3 fois 6.000, cela donne un ratio de 69%. Insuffisant, certes, mais pas totalement catastrophique. Par contre, on trouve 9.083 logements construits sur la même période. Ce qui donne 50% seulement de l’objectif et des besoins. Les chiffres rétablis dans leur vérité reflètent hélas la gravité extrême de la crise (1) .

A.D.

(1) Les chiffres ci-dessus proviennent du rapport du CDH de décembre 2004.


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