Lilian Malet, Délégué général de l’ACCD’OM

« L’acteur de base du Développement durable, c’est le citoyen dans sa commune »

12 novembre 2007

L’ACCDOM - Association des Communes et Collectivités d’Outre-Mer, que préside Harold Martin, Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie - tient son Congrès annuel dans notre île du 11 au 17 novembre. Discrète, comme beaucoup de structures transversales, l’ACCD’OM rassemble les territoires d’Outre-Mer au niveau de démocratie le plus proche des citoyens et se veut être une force de propositions sur les questions politiques qui touchent de près la vie des habitants ultra-marins. Son Délégué général, Lilian Malet, rappelle que l’idée d’une liaison directe Réunion/Nouvelle-Calédonie, a été émise par l’ACDOM il y a quelques années. « Ironie du sort - dit-il - au moment où la ligne aérienne est inaugurée, les deux présidents de nos territoires vont se croiser dans les airs ! » D’autres idées couvent : celle de réunir les compagnies aériennes d’outre-mer dans un projet commun ; ou encore celle de mobiliser certains des atouts spécifiques à l’outre-mer dans un dispositif capable de se substituer à l’octroi de mer, actuellement en sursis. Son Délégué général, Lilian Malet, énonce ici quelques-uns des principaux thèmes - Agenda 21, biodiversité, tourisme... - par lesquels ce Congrès entend faire « porter la voix de l’outre-mer ».

Lilian Malet.
(Photo PD)

L’ACDOM a connu des changements, dans sa structure. Vous en êtes désormais le Délégué général et cette semaine, jusqu’au 17 novembre se tient le 16e Congrès des collectivités d’outre-mer. Elles regroupent plus d’un million trois cent mille habitants ultramarins sur trois océans. Qu’avez-vous en commun réellement et qu’est-ce que vous pouvez faire ensemble ?

- Effectivement, l’ACDOM est devenue l’ACCD’OM - Association des Communes et Collectivités d’Outre-Mer - en s’ouvrant sur les Départements, les Régions et les Provinces. Aujourd’hui nous représentons, à travers nos adhérents, beaucoup plus de la moitié de la population ultramarine et nous espérons représenter un jour l’Outre-mer. Ce que nous avons en commun ? Les structures économiques et sociales de nos territoires sont les mêmes ; nous avons une histoire commune traversée par l’esclavage. Nous avons des populations très métissées. Nous sommes tous le fruit d’un brassage tel que, lorsque nous tenons nos congrès, quel que soit l’endroit où il se tient, nous nous sentons chez nous, en pays de connaissance. Au-delà des aspects culturels, les réalités socio-économiques nous rassemblent. Nous avons les mêmes problèmes découlant d’une démographie importante ; ceux liés à l’insularité - même en Guyane, qui se retrouve comme une île, enclavée entre le Brésil et le Surinam. Nous avons les mêmes dépendances d’énergie et toutes les réalités des pays insulaires. Au travers ces réalités et au fil des réunions et des Congrès que nous tenons, nous prenons conscience de nos difficultés et nous souhaitons mettre nos expériences en commun, pour mieux nous en sortir et trouver un développement adapté à nos réalités.

Qu’avez-vous choisi de mettre en avant cette année et quels sont les problèmes pour lesquels vous voulez faire avancer des solutions ?

- Une des réalités de l’outre-mer est la biodiversité : l’outre-mer seul apporte plus en termes de biodiversité, que tous les pays d’Europe réunis. C’est une richesse extraordinaire qu’il nous faut préserver, pour valoriser notre potentiel touristique. C’est cette biodiversité, si nous savons la préserver, qui fera demain en partie la richesse de nos territoires. Nous avons donc mis le tourisme au cœur de nos réflexions, mais pas sous n’importe quelle vision : dans l’optique du développement durable. C’est de cette façon que nous pourrons offrir aux populations les moyens de développer nos territoires, et dans ce domaine en particulier, La Réunion fait figure d’exemple. Pas pour jouer à “larmontrèr” mais pour participer au développement des autres DOM.

Pourtant le tourisme à La Réunion a subi de durs revers et nous avons plus souvent, ici, le sentiment d’être un peu en retard. Quelles actions propose l’ACCD’OM dans ce domaine ?

- En termes de développement durable et d’aménagement du territoire, un outil mis en œuvre depuis les accords de Rio (1992) est l’Agenda 21. C’est une démarche de développement, que nous souhaitons voir adapter au niveau local. La Région Réunion, qui a été pionnière en la matière, a également mis en œuvre un “Agenda 21 régional”. C’est un très bon outil ; mais à notre sens, il ne touche pas directement la population, qui est l’acteur de base du développement durable. Notre souhait est de voir les collectivités d’outre-mer, en commençant par la commune, à la base, mettre en œuvre une démarche d’Agenda 21. Dans le cadre du “Grenelle de l’Environnement”, l’ACCD’OM a demandé à l’État de mettre en œuvre une programmation pluriannuelle avec les communes d’outre-mer, en complément de ce que fait la Région. L’important est de toucher réellement les acteurs locaux : la population des quartiers, les enfants dans leurs établissements scolaires, les entreprises et leurs employés dans chaque secteur d’activité... L’ensemble des acteurs d’un territoire donné.

Dans quel cadre institutionnel et avec quels moyens allez-vous déployer ces actions pour la mise en œuvre de l’Agenda 21 ?

- Nous souhaitons d’abord faire prendre conscience aux élus de la nécessité de ces démarches d’Agenda 21. C’est l’un de nos rôles, à travers les Congrès de l’Association, la diffusion de notre magazine OUTREMag et des lettres que nous envoyons à nos adhérents.

Vous pensez que la démarche de l’Agenda 21 n’est pas suffisamment mise en œuvre ? Cela fait plusieurs années qu’il est au cœur des politiques publiques, à La Réunion du moins...

- On en parle beaucoup, mais malheureusement il faut du temps pour que les gens - et surtout les élus - prennent réellement conscience de sa nécessité. Le développement durable, tout le monde en parle, mais dans le concret, on ne le fait pas toujours comme il faudrait le faire. Il y a d’abord la nécessité d’une prise de conscience. Nous sommes cette année à l’aube d’un renouvellement électoral ; l’an prochain, il y aura peut-être de 30% à 50% de “nouveaux élus” portés aux responsabilités, et qui n’ont pas forcément à l’esprit les principes du développement durable. Il n’y a pas d’école pour les élus : ils apprennent par l’expérience. D’où l’importance de partager ces expériences, d’échanger entre anciens et nouveaux élus des DOM. C’est aussi pourquoi l’Association a demandé à être agréée Organisme de formation, dans le développement durable. Nous attendons une réponse du Ministère de l’Intérieur et nous espérons qu’à partir de l’année prochaine l’ACCD’OM pourra mettre sur pied des actions de formation en direction des élus et des techniciens. Et plutôt que de faire venir des “larmontrèr” d’ailleurs, nous proposons de nous appuyer sur les techniciens de nos collectivités, qui sont performants dans ces domaines.

Et au-delà du tourisme, quels sont les autres axes forts mis dans la réflexion cette année ?

- Nous voulons aussi marquer des points dans le “rattrapage” structurel : nos collectivités sont relativement jeunes ; elles ont donc un certain nombre de retards et de déséquilibres. Et c’est pourquoi l’un des ateliers de ce Congrès va parler des Finances des collectivités d’outre-Mer, et mettre en évidence les “manques” dans leur financement, dans l’idée de demander à l’État un effort supplémentaire de “rattrapage”.

Et sur le plan de la coopération régionale, comment vous positionnez-vous ?

- C’est un axe fort de nos actions également. La coopération régionale est pour nous, une façon de nous insérer dans notre cadre de vie - l’Océan Indien, pour ce qui nous concerne - en apportant une part de richesse aux pays environnants. C’est pourquoi nous avons invité des responsables de la zone Océan Indien - il en viendra des Seychelles, de Madagascar et de Maurice. Nous donnons toujours une dimension régionale au travail de l’Association. Dans la sensibilisation des élus au développement durable, il faut le faire chez nous mais aussi dans l’ensemble de la région. Nous ne pourrons pas faire de nos territoires un petit Paradis, entourés d’un Enfer.

Est-ce que vos actions ne viennent pas recouper ou recouvrir celles impulsées par ailleurs avec l’Europe et la Région et, si c’est le cas, est-ce que cela ne vous pose pas un problème de “visibilité” ?

- Pas du tout. Lorsque nous avons modifié nos statuts, l’an dernier, pour intégrer l’ensemble des collectivités - départementales et régionales - nous l’avons fait justement parce que nous avions constaté que nous avions tous une vision commune qui, dans la mise en œuvre du développement de nos territoires, nous amenait à dépasser le cadre de nos territoires respectifs. Et ce dépassement rejoint des compétences qui sont partagées entre la Région, le Département, les Provinces et les Communes. Nous nous sentons totalement en phase et nous souhaitons mettre en commun nos compétences et nos moyens.

De quels moyens disposez-vous ?

- Nous avons demandé à l’État, dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, de mettre en place des financements. Une démarche d’Agenda 21 a un coût. Les collectivités vont dresser un état des lieux, avançant un panel d’actions pour la mise en œuvre d’un véritable développement durable. Souvent, on ne pense qu’à la préservation, à l’aspect écologique. Mais le premier mot est “développement”...Nous ajoutons “durable” et “solidaire”... parce que tous les acteurs doivent en tirer parti, pas seulement une petite minorité.

Durant votre Congrès va avoir lieu l’inauguration du siège du Parc national des Hauts, à la Plaine des Palmistes, en présence du président du Parc national de Guyane.

- Aller vers la prise de conscience de nos réalités communes et qu’à l’échelle de la planète, nous avons beaucoup en commun. La France, seule, ne pourra pas changer la face de la planète. Tous les efforts que la France pourra faire ne représentent que 2% de la capacité de changement à l’échelle mondiale. C’est peu. Par contre, l’outre-mer français dans sa répartition planétaire, peut être quelque chose d’important. Nous avons regretté l’absence de l’Outre-mer, dans ce Grenelle de l’environnement. Il y a eu une réunion régionale “DOM” - à laquelle ont participé surtout des Réunionnais. Nous avons dit, lorsque nous avons été reçus au ministère du Développement Durable, notre regret que l’outre-mer français, qui représente une double chance pour la France et l’Europe - en termes de biodiversité et du fait de sa répartition à travers la planète - ait été laissé de côté à cette occasion. Toutes les décisions sont prises à Paris et on vient ensuite nous demander d’appliquer des décisions qui ont été prises par d’autres. Il ne faut pas s’étonner ensuite de ce que les élus hésitent à entrer dans des démarches auxquelles ils n’ont pas été véritablement associés.

Propos recueillis par Pascale David


Octroi de Mer


Un “New deal” du développement de nos territoires

Vous allez aborder lors de ce 16e Congrès la question des finances des collectivités d’outre-mer. Quelle est votre approche de l’octroi de mer ?

Lilian Malet : L’Octroi de mer existe sur l’ensemble des territoires ultramarins, sous des noms parfois différents, notamment en Polynésie, Nouvelle-Calédonie et dans ce qu’on appelle les “Pays d’outre-mer”. A notre sens, il est nécessaire de le maintenir pour conforter le développement économique de nos territoires.

Néanmoins, il faudra au moins le réformer d’ici 2014 : comment voyez-vous cette perspective ?

- En prévision de cette réforme, l’Association souhaite se positionner fortement au niveau des instances européennes pour faire passer un certain nombre de messages. Je pense qu’on a pris la bonne direction et ce que nous voulons proposer, c’est un “new deal”, une nouvelle façon de voir le développement de nos territoires, appuyée sur la richesse que nous apportons au territoire européen : la biodiversité déjà évoquée, La Réunion “laboratoire vert” à l’horizon 2030. Nous pensons qu’il est possible d’en tirer des richesses que nous pouvons utiliser pour en tirer des ressources qui compenseront les handicaps de notre appartenance à la France et à l’Europe, dans des environnements ACP. Nous ne voulons pas nous enrichir tout seuls. Nous proposons d’enrichir nos environnements régionaux respectifs.


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