30.000 familles concernées à La Réunion, plusieurs millions dans l’Union européenne

L’aide alimentaire en danger

31 janvier 2013, par Céline Tabou

À l’occasion d’une conférence de presse, Younous Omarjee, député de l’Alliance des Outre-mer au Parlement européen, accompagné de plusieurs organisations d’aide alimentaire, a exprimé ses inquiétudes face à l’avenir du programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) et la bataille à mener pour son maintien et son financement à hauteur des besoins.

Désigné rapporteur pour la Commission Développement Régional, Younous Omarjee, député de l’Alliance des Outre-mer au Parlement européen et membre du groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE/NGL) est venu à La Réunion pour consulter l’ensemble des acteurs associatifs engagés en Europe, en France et dans l’outre-mer. À cette occasion, il a dénoncé le nouveau règlement portant sur la création du Fonds européen d’Aide aux plus Démunis (FEAD), remettant en cause le Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD). Ce dernier soutenu par l’ensemble des acteurs humanitaires d’Europe demande la pérennisation du programme d’aide et un financement à la hauteur des besoins.

Maintenir l’aide aux plus démunis

Le Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) a été créé en 1987, suite à la demande de Jacques Delors, président de la Commission européenne, et de Coluche, après le terrible hiver de 1986 qui a fait de nombreux morts. Ce programme est attaché à la Politique Agricole Commune (PAC), car les surplus et les stocks d’invendus permettent la distribution des aides alimentaires. En 2011, le PEAD a distribué une aide alimentaire à plus de 13 millions de personnes dans 19 des 27 États de l’UE, sans cette aide « des millions de personnes ne pourraient vivre et satisfaire leurs besoins minimum », a indiqué Younous Omarjee.

D’autant plus que l’ensemble des chefs d’État européens met en place des plans d’austérité qui créent de plus en plus de précarité et de pauvreté. Pour exemple, le député européen a rappelé son séjour en Grèce, où « il y a une situation inimaginable, proche du Tiers-Monde. La pauvreté a explosé partout en Europe. Et c’est dans un tel contexte que l’UE mégote pour doter le programme d’un financement suffisant pour répondre aux besoins ».

À La Réunion, 110 tonnes de colis alimentaire ont été distribuées en 2010 contre 600 tonnes en 2012. « La distribution des aides alimentaires a été multipliée par six en deux ans, ce qui montre l’état dans lequel se trouve La Réunion. Il s’agit d’un indicateur marquant de la dégradation de la situation sociale et de la précarité », a indiqué Younous Omarjee.

L’ensemble des organisations demande le maintien du programme et un financement à hauteur de 4 à 5 milliards d’euros pour pouvoir répondre aux besoins. En comparaison, Younous Omarjee a indiqué que le budget de l’UE pour les sept années à venir était de plus de 950 milliards d’euros, celui de la politique de cohésion et de la politique sociale de près de 350 milliards d’euros, tandis que le PEAD demande 4 à 5 milliards d’euros. « La bataille porte sur 4 milliards d’euros, alors que la situation est quasi impossible lorsqu’il s’agit d’obtenir un milliard supplémentaire, alors que des centaines de milliards sont mis à disposition pour des questions de compétitivité », a précisé le député.

Les dérives de l’Union européenne

Le député européen a pointé du doigt l’incohérence de l’Union européenne, dont le PEAD est le « symbole d’une UE attentive à la situation sociale et à la souffrance humaine », mais a décidé aujourd’hui d’être « agressive » contre ce programme. Sa remise en cause vient d’une plainte déposée à la Cour de Justice européenne par quinze États membres, dont l’Allemagne en tête. Ces derniers souhaitent la suppression du programme parce qu’il est adossé à la Politique agricole commune et parce qu’au fur et à mesure des années, il a été financé par des subventions européennes. L’Allemagne possède son propre système d’aide alimentaire et ne bénéficie pas des aides européennes, d’où sa volonté de le supprimer.

Le programme a été jugé non conforme au droit communautaire par la Cour de Justice, et s’est alors organisé une bataille pour le maintien de cette aide indispensable à des millions d’Européens du continent et des Régions Ultrapériphériques (RUP). Face aux attaques, Younous Omarjee s’est indigné, indiquant que « quand il s’agit de trouver des milliards pour les banques, on détourne le droit. En revanche, quand il s’agit de faire l’aumône la plus élémentaire aux plus démunis, on invoque des arguties juridiques  ». Allant jusqu’à qualifier de « honte » la décision de revoir le PEAD, ce dernier a ajouté : « Une honte qu’une minorité de blocage se soit organisée autour de l’Allemagne pour empêcher de donner à manger à ceux qui ont faim ». « Une honte qu’une minorité de blocage se soit organisée autour de l’Allemagne pour empêcher de donner à manger à ceux qui ont faim ».

Lors de cette conférence de presse, Younous Omarjee a de nouveau précisé que cette remise en cause par des chefs d’États européens « est révélatrice de ce qu’est devenu l’Union européenne qui sacrifie la solidarité sur l’autel de logiques ultralibérales et bureaucratiques, alors que les peuples sont frappés par des politiques d’austérité qui jettent chaque jour un peu plus d’Européens dans la pauvreté sinon la précarité ».

Compétitivité ou lutte contre la pauvreté

En présence des représentants des organisations comme la Croix Rouge, la Banque Alimentaire des Mascareignes, l’Association Réunionnaise d’Education Populaire, l’association Espace Solidarité et la Direction Générale des Solidarités et de la Cohésion Sociale, Younous Omarjee a expliqué que « la décision est attendue, car soit l’Europe est capable de dire oui, nous sommes ici sur des objectifs de lutte contre la pauvreté et la souffrance, soit l’Europe tourne le dos aux plus démunis et porte son attention sur ceux qui en ont le moins besoin ».

Le président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy a proposé 2,5 milliards d’euros, cependant « il manque la moitié pour répondre à l’ensemble des besoins stricts en matière d’aides alimentaires. C’est insatisfaisant. Cette proposition a été décidée avec Angela Merkel », récalcitrante à ce programme d’aide.

Pour l’ensemble des acteurs, la bataille est importante, car les députés européens jouent un rôle crucial auprès de la Commission européenne, qui a transmis un nouveau règlement qui tient compte du délibéré de la Cour de justice et souhaite le transfert du PEAD de la PAC à la Politique de Cohésion. Mais le nouveau règlement est une « catastrophe », car il va dans le sens des hostiles au programme qui veulent que celui-ci concerne aussi les besoins matériels (vêtements, chaussures, savons…), des « besoins nécessaires, mais qui risquent de réduire la part pour les aides alimentaires », a pointé le député des Outre-mer au Parlement européen. De plus, ce règlement impose aux associations d’être homologués par l’UE pour pouvoir gérer les fonds européens, qui s’appliquent à cette politique de cohésion. « Les petites associations ne pourront pas remplir les critères stricts pour gérer les fonds et se verront refuser de distribuer les colis alimentaires. Alors ceux qui sont contre ce programme pourront objecter que les crédits ne sont pas consommés », a dénoncé Younous Omarjee.

Céline Tabou

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