L’événement politique à La Réunion

L’Alliance, un nouveau CRADS pour une nouvelle ère

22 janvier 2011, par Manuel Marchal

Ce matin à Saint-Denis a lieu l’événement politique de La Réunion, c’est la structuration de l’Alliance. C’est un nouveau CRADS pour une nouvelle ère marquée par l’accroissement de la population, le changement climatique, la mondialisation des échanges et l’évolution technologique.

La structuration de l’Alliance aujourd’hui à Saint-Denis n’est pas sans référence à l’Histoire. L’Alliance, c’est un nouveau CRADS pour une nouvelle ère. En 1945 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, La Réunion est plongée dans la misère accentuée par les deux années de blocus.
Il est urgent de trouver des solutions rapides, et cela passe par changer un système à bout de souffle. La Réunion de 1945, c’est encore la féodalité avec une société dominée par l’aristocratie du sucre, aidée par l’administration coloniale et l’Église qui prônait alors la résignation.
Comme le rappelle le Dr. Raymond Vergès dans un article publié en janvier 1947 dans "la Défense", l’organe du Secours populaire français, « le peuple a été soigneusement maintenu dans l’ignorance. L’analphabétisme est soigneusement organisé ». Tout est construit autour des intérêts de 15 familles, et la vie démocratique n’existe pas. Les élections sont marquées par la violence, les meurtres et les fraudes massives pour valider la nomination de candidats favorables au pouvoir.
Alors que notre île était au bord de la famine, décimée par le paludisme, les démocrates de notre pays réussirent à s’unir autour de l’essentiel : abolir le statut colonial et obtenir l’application immédiate des lois sociales grâce à l’égalité.

Plus de 60% des voix aux municipales de 1945. En se fixant comme ligne de conduite le rassemblement sur l’essentiel des intérêts réunionnais, le CRADS avait créé les conditions du changement à La Réunion

Au bout d’un modèle

Autour de ce mot d’ordre se sont rassemblés les syndicalistes, et tous les progressistes quelle que soit l’étiquette politique. Ils ont fondé le Comité républicain d’action démocratique et sociale, le CRADS.
Le 19 mars 1946, c’est l’abolition du statut colonial à La Réunion grâce au vote unanime de la proposition de loi présentée par des députés d’Outre-mer, dont Raymond Vergès et Léon de Lépervanche.
L’ère de la bataille pour l’égalité commence, car les gouvernements ont sans cesse refusé d’appliquer les lois sociales prévues par le texte de la loi du 19 mars. Après des décennies de luttes menées par les communistes réunionnais et les démocrates, cette égalité est obtenue.
Si la population la plus pauvre est protégée de la misère que connaissait le peuple à l’époque de la colonie, d’importants défis restent à relever. Ces défis, le système actuel né des combats menés en 1945 ne peut pas les relever, tout simplement parce que la situation a changé totalement depuis 65 ans, et cela dans tous les domaines.
Notre île est touchée, comme tous les pays du monde en développement, par plusieurs phénomènes qui bouleversent tout : l’accroissement de la population, le changement climatique, la mondialisation des échanges et l’évolution technologique.

Inventons une autre société

C’est dans ce contexte que notre pays doit faire face à l’aggravation de sa crise structurelle, avec près de 143.000 Réunionnais inscrits à Pôle emploi, plus de 25.000 familles à la recherche d’un logement social, plus de 110.000 illettrés et la fermeture des perspectives du fait de l’arrêt des grands chantiers. Cette crise est sans précédent à La Réunion, elle marque la dernière limite d’un modèle à bout de souffle.
Comme nos aînés il y a 65 ans, c’est une autre société que nous devons inventer. Comme en 1945, cette rupture pourra se réaliser si elle est soutenue par une très large majorité de la population.
C’est cette volonté d’ouverture que l’Alliance structure aujourd’hui, comme le CRADS avait réussi à le faire dans un autre contexte historique.
L’Alliance, c’est un nouveau CRADS pour une nouvelle ère.

M.M.


Progresser dans la structuration de l’Alliance

Voici le texte de l’invitation adressée à l’ensemble des participants de la réunion de ce matin à Saint-Denis.

« Initiée en 2004, l’Alliance s’est affirmée comme un mouvement rassemblant les femmes et les hommes de bonne volonté et d’horizons différents mais partageant l’ambition commune d’apporter leur contribution au développement durable et solidaire de La Réunion.
L’aggravation de la crise économique et sociale et les perspectives à venir rendent plus que jamais nécessaire la prise de responsabilité des Réunionnais face aux enjeux auxquels notre île est confrontée.
Le défi qui nous est posé aujourd’hui est comparable par son importance à celui posé à nos compatriotes dans les années 40 : à l’époque, regroupés dans le Comité républicain d’action démocratique et sociale (CRADS), des Réunionnais de diverses sensibilités s’étaient rassemblés pour sortir La Réunion de la misère coloniale et obtenir le classement de notre île en Département Français ; ce fût le vote de la loi de 1946 qui a ouvert une nouvelle phase dans l’histoire de La Réunion.
Aujourd’hui, nous devons concevoir, définir et élaborer des solutions totalement inédites pour le développement de La Réunion dans un contexte fondamentalement différent, marqué par la mondialisation des échanges, l’interdépendance des économies, les bouleversements climatiques et les mutations des sociétés. C’est une tâche immense et exaltante qui exige le rassemblement le plus large des Réunionnais.
C’est cet effort que nous devons accomplir dès maintenant pour faire face à la situation nouvelle créée, anticiper les évolutions et bâtir l’avenir de La Réunion.
Afin d’assumer cette ambition, apparaît la nécessité de créer les conditions favorisant la participation de toutes celles et de tous ceux qui souhaitent s’engager plus encore et de progresser dans la structuration de l’Alliance ».


Le CRADS change le destin de La Réunion

Le 27 mai 1945 ont lieu les élections municipales. Pour cette première élection au suffrage universel à La Réunion, l’administration ne soutient pas les fraudeurs. Et pour la première fois, le résultat correspond au vote de la population.
Ce 27 mai, les listes du "Peuple au pouvoir" présentées par le CRADS remportent les élections municipales dans 12 communes sur 23, dont toutes les grandes villes (Saint-André, Sainte-Suzanne, Saint-Denis, Le Port, Saint-Paul, Saint-Louis, Saint-Pierre). Raymond Vergès est élu à la tête de la liste du CRADS à Saint-Denis, tandis que celle conduite par Léon de Lépervanche gagne au Port. Les listes du CRADS totalisent plus de 60% des voix, c’est le socle du changement.
Le 7 octobre aux cantonales, malgré le retour de la fraude, le CRADS obtient 22 des 36 sièges de conseillers généraux. Léon de Lépervanche devient président du Conseil général. Deux semaines plus tard, les législatives consacrent la victoire du rassemblement avec les élections de Raymond Vergès et de Léon de Lépervanche. Ils se mettent aussitôt au travail à l’Assemblée pour réaliser l’objectif du CRADS : rompre avec un système à bout de souffle en abolissant le statut colonial. Cela sera fait avec la loi du 19 mars 1946. La Réunion est sauvée de la misère, commence alors la lutte pour l’application de l’égalité.

Les atouts de La RéunionA la Une de l’actu

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus