Virapoullé relance la Relève

L’amorce d’un mouvement de fond

18 juin 2004

Les résultats des élections européennes sont appelés à marquer la situation au sein même de l’Union et au Parlement européen, les rapports de forces en France, dans l’Outre-mer et à La Réunion même.
Si on s’en tient qu’à la seule évolution politique dans notre île - nous aurons l’occasion de revenir sur les autres aspects signalés plus haut -, on doit souligner une évidence. Ici, les résultats ont révélé un affaiblissement de la droite.

Lors des élections européennes du 13 juin, l’UMP s’est retrouvée en troisième position à La Réunion. Sa perte d’influence est considérable : elle passe de 99.000 voix au premier tour des régionales à 41.000 pour les européennes, perdant plus de 58% de ses suffrages en moins de deux mois ! Cette perte est maigrement compensée par le score réalisé par la liste de l’UDF, qui n’a réuni qu’un peu plus de 7.000 suffrages !
Cette baisse d’influence s’est accompagnée d’une division apparue avant même le scrutin de dimanche, c’est-à-dire dès l’annonce de la candidature de Margie Sudre comme tête de liste. La contestation la plus vive de Paris et de son choix est venue d’Alain Bénard, l’ancienne tête de liste UMP aux régionales !

L’incapacité de présenter un projet crédible

Le rejet de la politique sociale du gouvernement explique sans aucun doute un tel résultat. Mais il n’en constitue pas la seule et unique raison. L’incapacité de la droite locale - à commencer par l’UMP - de présenter un projet crédible et, en ce qui concerne plus spécifiquement nos relations avec l’Europe, d’en expliquer les enjeux a joué en défaveur du parti gouvernemental.
Au sein de celui-ci, la confusion a été telle que, durant la campagne et après, s’exprimaient uniquement des élus porteurs de critiques à l’égard de la direction parisienne du mouvement (Alain Bénard, Cyrille Hamilcaro, Jean-Paul Virapoullé) plutôt que des partisans de celle-ci (René-Paul Victoria, Jean-Luc Poudroux, pour ne citer qu’eux).

Une profonde crise de confiance

Les élections européennes, après le résultat désastreux des régionales, ont mis au jour une profonde crise de confiance : celle existant entre la droite réunionnaise et l’état-major de l’UMP. Assez paradoxalement, on a retrouvé chez la première le même argument développé par de nombreuses forces progressistes outre-mer à l’égard de la direction nationale du PS : Paris n’écoute pas ce que disent ou veulent les ultra-marins.
Les défaites de Gaston Flosse en Polynésie, de Jacques Lafleur en Nouvelle-Calédonie et de Lucette Michaux-Chevry en Guadeloupe ont largement contribué à développer le malaise. S’y ajoute aussi une politique vers l’Outre-mer largement inefficace et incomprise.

C’est le moment

Les difficultés rencontrées, par ailleurs, par les deux chefs de file que sont André Thien Ah Koon et Jean-Paul Virapoullé (le premier rendant des comptes à la Justice et le second n’ayant pas digéré la défaite de ses deux poulains aux cantonales) n’aident pas à une reprise en main.
Or, c’est le moment choisi par le sénateur-maire de Saint-André pour amorcer un mouvement de séparation avec l’UMP.
Le patron de la Relève a en effet décidé de faire revivre l’ancien mouvement qu’il présidait, lequel s’était plus ou moins dissout dans l’UMP. Malgré toutes les précautions de langage prises, la remise en ordre de l’ancienne structure est une prise de distance avec la formation chiraquienne.
Comme nous l’indiquions dans notre édition d‘hier, le sénateur de Saint-André prépare à sa manière les échéances de 2007, principalement la présidentielle. En se détachant de l’UMP il se donne une plus grand liberté de manœuvre et laisse ouvertes toutes les possibilités : celle d’un soutien à François Bayrou ou celle d’un appui à Nicolas Sarkozy, comprises.

D’autres détachements à venir

Le détachement de Jean-Paul Virapoullé en prépare et en annonce sans doute d’autres. À ce titre, le fait qu’Alain Bénard et Michel Fontaine ont tenu à recevoir François Bayrou lors de sa dernière visite électorale dans l’île est hautement significatif.
Il faut aussi rappeler qu’à l’occasion du Congrès des maires de l’année dernière, une délégation de plusieurs maires réunionnais avait rendu visite discrètement au président de l’UDF à Paris.
L’opinion publique réunionnaise n’en a certainement pas encore pleinement conscience : nous sommes face à un changement fondamental, dont on ne voit que l’amorce. Le paysage politique réunionnais est appelé à évoluer. On le verra bien dans les mois qui viennent.


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