Intervention d’Huguette Bello

L’avenir des CIO ?

10 juin 2010

À l’Assemblée nationale cette semaine, Huguette Bello, députée et maire de Saint-Paul a interrogé le gouvernement sur l’avenir des Centres d’information et d’orientation. Ci-après, le texte de son intervention avec des intertitres de ’Témoignages’.

Ma question porte sur les menaces qui pèsent sur le service public d’orientation de l’Éducation nationale. Elles se font plus précises depuis qu’un projet de texte prévoit de limiter l’intervention des conseillers d’orientation-psychologues aux élèves « décrocheurs », handicapés ou nouvellement arrivés en France. Tous les autres, c’est-à-dire la grande majorité des jeunes scolarisés, devront s’adresser en lieu et place des CIO bien identifiés, à un panel de quatre professeurs ou encore, au mépris de toute relation personnalisée, à une plate-forme en ligne.

À La Réunion, le local du CIO est à louer

Ce désengagement vis-à-vis des collégiens et des lycéens a surtout pour but de réorienter les conseillers d’orientation-psychologues vers de nouveaux publics et de nouvelles missions. Ils interviendraient auprès des adultes dans des centres de ressources, notamment aux cotés du Pôle emploi et des missions locales. Ce que le ministère nomme « renaissance » s’apparente de plus en plus au démantèlement du réseau des CIO. Les fusions, voire les fermetures de CIO dans plusieurs départements sont là pour le prouver. À La Réunion, où il n’y a que des CIO d’État, le local du CIO le plus fréquenté de l’académie, situé dans le chef-lieu, est déjà à louer, ainsi que l’a révélé une petite annonce parue dans la presse.

Les textes, eux aussi, témoignent de cette disparition programmée : les CIO ne sont plus mentionnés dans le projet relatif aux missions des conseillers d’orientation-psychologues. Dans la nomenclature des emplois-type en cours de définition, ces conseillers ne sont pas référencés sous la rubrique des psychologues de l’Éducation nationale avec les psychologues scolaires.

Le temps presse

Au moment où la jeunesse est en proie à tant de difficultés, où elle subit toutes sortes de sollicitations, où elle a, plus que jamais, besoin d’une écoute véritable, confiante et attentive, supprimer cette structure est un dangereux contresens.

Si elles doivent être renouvelées pour répondre au plus près aux attentes des jeunes et de leurs familles, les missions des personnels des CIO ne peuvent en aucun cas être affaiblies, même au profit des publics de Pôle emploi.

Le temps presse. Mais il n’est pas trop tard pour abandonner un scénario qui, à terme, vous le savez aussi bien que nous, fera perdre tout le monde. Allez-vous, M. le ministre, agir pour que l’Éducation Nationale conserve un service public d’orientation à la hauteur des défis auxquels notre jeunesse doit faire face ?


« L’orientation ne saurait être l’apanage des seuls Centres d’information et d’orientation »

Dans sa réponse, Marc-Philippe Daubresse, ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives, a en fait confirmé les réformes en cours, lesquelles sont fortement contestées par les personnels des CIO.

« Mme Huguette Bello, le ministre de l’Éducation Nationale et moi-même agissons. Son ministère a, à plusieurs reprises, placé la question de l’orientation des jeunes au cœur de ses réflexions et de son action, à travers la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation tout au long de la vie. Elle fixe un cadre d’action très précis pour moderniser des dispositifs d’orientation qui en ont bien besoin, amplifier leur action et améliorer la qualité du service rendu aux usagers.
Nous avons d’ores et déjà mis en œuvre plusieurs axes de travail.
Le premier concerne la mise en place du futur service public d’orientation prévu par cette loi. Pour assurer la qualité de ce futur service et pour répondre à l’attente de proximité des jeunes et de leurs parents, nous avons établi des critères qui garantiront la pertinence de la réponse et la cohérence des actions menées par les différentes structures intégrées dans ce service. Bien évidemment, les CIO joueront un rôle de premier ordre, mais en synergie avec d’autres structures.
Le second axe de notre action vise en effet à élargir l’offre d’orientation. Les établissements scolaires et leurs équipes éducatives sont en première ligne sur ce dossier puisqu’ils sont les premiers à s’investir dans les problématiques liées à l’avenir des jeunes qui leur sont confiés. L’orientation ne saurait être l’apanage des seuls Centres d’information et d’orientation. Il est donc capital qu’en matière d’orientation, les équipes éducatives accompagnent les élèves, qu’elles veillent à anticiper et à préparer leurs démarches afin que cette question cruciale qu’est l’avenir des jeunes ne soit pas subie au moment du choix d’orientation, mais préparée. C’est tout le sens du développement que nous avons donné au parcours de découverte des métiers et des formations de la cinquième à la terminale, mais aussi de la réforme du lycée d’enseignement général et technologique, dont les principaux dispositifs vont permettre aux lycéens de ne pas être enfermés trop tôt dans certaines filières.
Cela étant, dans ce nouveau cadre, où les modalités de travail et de collaboration entre collèges, lycées et CIO auront été redéfinies, l’action de ces derniers et de leurs personnels d’orientation gardera toute sa pertinence. À cet effet, un groupe de travail national associant les différentes organisations syndicales représentatives réfléchit à la redéfinition des missions des conseillers d’orientation-psychologues.
Enfin, nous ne pouvons aujourd’hui envisager d’élargir l’offre d’orientation sans y intégrer le fruit d’un travail de fond sur les nouvelles technologies, ces nouveaux médias qui permettent de renouveler la relation avec les usagers de l’école. C’est pour cela qu’à la demande du ministère de l’Éducation Nationale, l’ONISEP a mis en place la plateforme "Mon orientation en ligne", accessible à tous les élèves et parents de France, par téléphone et par internet ; elle propose une foire aux questions, un forum et un service de questions personnalisées par courriel. Elle sera généralisée à la rentrée 2010. Au sein de ce nouveau service, les élèves et leurs familles peuvent ainsi bénéficier d’un accueil personnalisé. Un réseau connecté de six plateformes régionales constitue déjà une plateforme unique accessible en tout point du territoire. Mais rien n’est évidemment comparable à un accompagnement humain dans la démarche d’orientation. C’est pourquoi cette plateforme ne remplace pas et ne remplacera jamais les services existants. Aussi, pour toute demande d’approfondissement d’une réponse, un contact de proximité est proposé au CIO le plus proche du domicile du jeune.
Je sais que plusieurs académies ont été confrontées à la volonté de certaines collectivités territoriales de ne plus participer au financement de CIO dont elles avaient la charge de par la loi. À chaque fois, le ministère de l’Éducation Nationale a demandé aux recteurs de conduire avec elles un dialogue soutenu afin de trouver les réponses appropriées.
Je puis donc vous rassurer, Mme la députée : il n’y aura pas, à la rentrée prochaine, de mesure générale de suppression des Centres d’information et d’orientation.

Huguette Bello

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Messages

  • "il n’y aura pas de mesure générale de suppression des CIO " : est-ce à dire que les mesures de suppressions localisées vont pouvoir continuer jusqu’à ce qu’il ne reste plus un seul CIO ?


Témoignages - 80e année


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