Une loi votée en misouk par l’UMP

L’égalité des sexes devant la retraite mise à mort législativement

10 janvier 2005

Raffarin se dit contre l’exclusion mais, dans les faits, il la pratique toujours plus.

(Page 6)

L’actualité sociale est principalement marquée par les dispositions de l’article 136 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004. Par ce texte, le Gouvernement a restreint fortement - et de manière rétroactive - les conséquences de
la jurisprudence Griesmar de la Cour de justice des Communautés européennes et du Conseil d’État en matière d’égalité des sexes dans le
secteur des droits à la retraite.
En effet, par cette disposition - adoptée de manière totalement inaperçue -, le texte impose aux fonctionnaires souhaitant bénéficier de la bonification au titre du troisième enfant (ou de l’enfant handicapé) d’avoir interrompu leur activité. Cette nouvelle obligation s’applique rétroactivement, même aux instances en cours, à condition qu’aucune décision de justice passée en force de chose jugée ne soit
intervenue. (voir encadré)
Toujours dans le domaine du Droit de la fonction publique, on peut citer un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Paris. Celui-ci a pu juger qu’il résulte d’un principe général du Droit - dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires - que lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un salarié se trouve de manière définitive atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l’employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d’impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l’intéressé, son licenciement.
La qualité d’agent contractuel de l’intéressée, recrutée par un contrat devenu à durée indéterminée, ne fait pas obstacle à l’application de ce principe général du droit.


Une loi contre l’égalité des sexes

Tirant les conséquences d’un arrêt du 29 novembre 2001 de la Cour de justice des communautés européennes, le Conseil d’État avait fait droit le 29 juillet 2002 à la demande d’un fonctionnaire qui souhaitait bénéficier de la bonification pour l’éducation des enfants, jusqu’alors réservée aux "femmes fonctionnaires".
Les juges estimaient que "le b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui institue, pour le calcul de la pension, une bonification d’ancienneté d’un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux "femmes fonctionnaires" (...) est incompatible avec le principe d’égalité des rémunérations tel qu’il est affirmé par le Traité instituant la Communauté européenne".
Une première limitation était intervenue en estimant que la demande devait intervenir dans le délai prévu à l’article L. 55 du code des pensions civiles et militaires, c’est à dire "dans un délai d’un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère"
Maintenant, une étape supplémentaire est franchie avec l’article 136 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.
Cet article modifie l’article L. 24 du Code des pensions civiles et militaires en prévoyant que pour bénéficier d’annuités complémentaires, le fonctionnaire civil devra être "parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d’un enfant vivant, âgé de plus d’un an et atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80%, à condition qu’il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État".
La loi impose donc désormais une interruption effective de l’activité. Le second alinéa de l’article précise que "sont assimilées à l’interruption d’activité mentionnée à l’alinéa précédent les périodes n’ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État".
De plus, "sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l’article L. 18 que l’intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article".
Enfin et compte tenu des conséquences économiques qu’a pu avoir l’arrêt Griesmar, la loi prévoit une rétroactivité importante de la disposition. En effet le II) de l’article 136 de la loi prévoit que ces nouvelles dispositions "sont applicables aux demandes présentées avant leur entrée en vigueur qui n’ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée".
En clair, ces dispositions s’appliquent notamment aux instances en cours.


Retraite des fonctionnaires parents de trois enfants

La F.S.U. : "Un nouveau recul voté en catimini le 20 décembre au Sénat"

La Section Départementale de la Fédération syndicale unitaire (FSU) a publié le 6 janvier dernier un communiqué sous la signature de Christian Picard, secrétaire départemental adjoint, au sujet de la retraite des fonctionnaires parents de trois enfants. À ce propos, le gouvernement, soutenu par la majorité UMP du sénat, a imposé une mesure qui va notamment "se traduire par une régression pour de nombreuses femmes". Voici ce communiqué.

"La loi de finances rectificative pour 2004, publiée au JO du 31 décembre 2004, comporte à son article 136 une modification des dispositions applicables pour le départ en retraite des fonctionnaires parents de trois enfants ou d’un enfant handicapé.
Ce texte conditionne le droit à la liquidation de la pension de retraite avant 60 ans et après 15 ans de service, à la “condition d’une interruption de l’activité pour chacun des enfants dans des conditions fixées par décret en conseil d’État”.
Cet article, issu d’un amendement adopté par le sénat le 20 décembre avec l’accord du ministre Gaymard, n’a fait l’objet d’aucune concertation. Il écarte de fait les pères de famille du droit à cette disposition que leur avait ouvert la jurisprudence européenne. Le dernier alinéa en prévoit que cette évolution législative s’applique à toutes les demandes qui n’ont pas encore donné lieu à une décision de justice. Il va également se traduire par une régression pour de nombreuses femmes.
L’expérience a montré qu’un tel arbitrage, déjà retenu pour la bonification pour enfant accordée aux mères fonctionnaires et étendue aux pères par la jurisprudence Griesmar, a de fait privé aussi des milliers de mères du bénéfice de la bonification.
La FSU, avec les collègues concernées, n’a cessé de dénoncer ces régressions et les menaces qui pesaient sur le droit à départ anticipé : elle avait demandé aux pouvoirs publics, lors de sa journée d’action du 8 décembre, d’organiser une table-ronde sur le sujet. Aucune réponse n’a été apportée à cette demande, le gouvernement préférant légiférer en catimini.
En dépit d’une prise en compte partielle de ses interventions par une disposition complémentaire permettant “d’assimiler à une interruption de l’activité toute période n’ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de base de retraite”, ce vote n’en constitue pas moins un nouveau recul des droits des femmes fonctionnaires en matière de retraite.
La FSU déplore le mépris avec lequel le gouvernement a systématiquement esquivé les questions des organisations syndicales sur ce dossier, comme sur tant d’autres et dénonce tant le procédé que la décision ainsi prise.
La loi renvoie à la publication de deux décrets en Conseil d’État, dont la rédaction peut être déterminante pour un grand nombre de mères de famille.
En tout état de cause, la FSU se saisira de la période d’élaboration de ces décrets pour se battre afin de sauvegarder le plus grand nombre de situations et poursuivra son action pour rétablir dans leurs droits les femmes qui ont perdu les bonifications.
Après la décentralisation des TOS, la contre-réforme de l’assurance-maladie, la remise en cause des 35 heures, le RMA “esclavage moderne”, le plan Borloo qui en constitue le cadre et le démantèlement programmé du service public d’éducation, cette nouvelle attaque contre les droits sociaux des personnes est une mesure de plus pour détruire pas à pas tout ce qui relève des solidarités.
C’est pourquoi, la section départementale de la FSU souhaite la réussite de la grève nationale prévue le 20 janvier prochain et entend saisir à son tour toutes les occasions de poursuivre et d’ amplifier les actions de contestation des mesures anti-sociales mises en œuvre par ce gouvernement néo-libéral".


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