L’élection présidentielle dans l’Est

L’espoir commun de « changer les choses »

23 avril 2007

Les électeurs ont-ils eu du mal à choisir un candidat ? Qu’est-ce qui a motivé leur choix ? Qu’attendent-ils du nouveau Président de la République ? Hier, nous sommes allés à la rencontre des citoyens dans les différents bureaux de vote de Saint-André, Saint-Benoît et Sainte-Rose. Les nouveaux inscrits y côtoyaient les anciens, mais tous avaient cet espoir commun de vouloir « changer les choses ». Avec la crainte de ne pas être entendus malgré le bulletin glissé dans l’urne. Réactions.

Mairie de Saint-André, 9 heures. Des hommes discutent à l’entrée du bureau de vote. Ce ne sont pas des électeurs, mais des employés de la mairie, car il faut s’assurer du bon déroulement de la journée électorale. Il leur arrive d’orienter les électeurs à la recherche de leur bureau de vote. D’ailleurs, les électeurs défilent, ils font même la queue pour pouvoir glisser leur bulletin dans l’urne. Mais pour les employés, rien d’exceptionnel, il est encore trop tôt pour parler d’affluence.
Jean Soupincoulin, employé à la mairie, ne constate pas plus de monde que pour la dernière élection présidentielle : « Ce n’est pas encore le moment car les gens vont à la messe, ils ont aussi le ménage à faire le matin, et puis il ne faut pas oublier qu’il y a football aujourd’hui, l’AS Champ Borne joue à Saint-Paul ». Un de ces collègues n’est pas d’accord avec lui. Il a constaté, en faisant le tour des bureaux de la commune, une forte fréquentation, notamment au bureau du Centre.

Les électeurs sont bien présents. Ils viennent souvent en famille.
Micheline, 34 ans, accompagnée de son mari et de sa petite fille, n’a fait son choix qu’à la veille du premier tour. « J’hésitais entre Sarkozy, Le Pen et Ségolène, et j’ai fait mon choix en fonction des programmes et des informations que j’entends sur Radio Freedom », explique-t-elle. Micheline ne craint pas de le dire, ce qui la préoccupe le plus, c’est le travail... Et « les étrangers ». Le raccourci entre les deux termes s’exprime comme ceci : « Il n’y a pas assez d’emplois à La Réunion, donc on ne peut pas se permettre de laisser les étrangers venir, et quand je parle d’étrangers, vous voyez de qui je parle ? ». Et, poursuit la citoyenne, « la priorité doit être donnée au Réunionnais au lieu d’aider les pays étrangers ». Autre préoccupation de Micheline : le pouvoir d’achat. Certes Micheline travaille : « j’ai, dit-elle, peiné pour trouver un emploi », mais les fins de mois sont souvent difficiles.

Plus loin, un petit groupe satisfait du devoir accompli entame la discussion. Pour eux, le choix a été vite fait. Daniel, 53 ans, ne s’en cache pas, il a toujours voté pour Jean-Marie Le Pen et il n’y avait pas de raison de changer de candidat. Electeur fidèle donc, même si Daniel avoue être intrigué par Olivier Besancenot. « Le programme de la LCR me convient aussi, mais Besancenot est un peu trop jeune en politique », explique Daniel. Ses préoccupations ? « L’insécurité et le social. Pas plus tard que la semaine dernière, je me suis fait voler ma voiture devant le lieu de travail. C’est inadmissible cette délinquance partout ! », s’indigne l’électeur en colère. Sa récente mésaventure ne fait que confirmer ses convictions.

Patricia est maman de 3 enfants, elle ne travaille pas, non par manque de volonté car elle multiplie les démarches, mais elle ne trouve pas d’emploi. Le lot quotidien de nombreux demandeurs d’emploi. Elle attend donc que la roue tourne, qu’elle obtienne elle aussi un travail pour élever ses enfants et leur donner un modèle de vie, « car ce sont toujours les mêmes qui ont droit aux contrats de travail ». Elle espère donc, mais ne cache pas ses nombreuses déceptions. « Ça n’était pas difficile de choisir, j’ai l’habitude de voter. J’espère beaucoup de changement pour moi et mes enfants, un avenir meilleur. Mais je vote surtout parce que c’est un devoir de citoyen. Trop souvent, les promesses ne sont pas tenues, et rien ne change pour nous ».

« C’est Dieu qui passe avant le Président »

Mairie de Saint-Benoît, 10h30. On ne se bouscule pas dans le bureau de vote à cette heure-là. L’église à proximité est en revanche pleine à craquer, les chants de la messe dominicale parviennent jusqu’aux rares électeurs. La messe finie, on s’attend à une affluence, mais très peu de citoyens se dirigent vers la mairie. « Pour moi, c’est Dieu qui passe avant le Président, pour le vote, on verra après », déclare en souriant une jeune femme. Deux de ses amies attendent devant la mairie. « Non, nous ne votons pas dans ce bureau, nous irons cet après-midi au bureau de la Rivière-des-Roches », affirme.

Nathalie, 37 ans accompagnée de Sophie, 43 ans. Pour les deux femmes, l’élection présidentielle est moins décisive à leurs yeux que les municipales, mais puisque le vote est un droit civique, elles ne comptent pas s’en priver. « Nous voulons au moins que ce ne soit pas pire après », explique Sophie. « Chirac, poursuit-elle, a été un bon président. Avec lui, nous avons pu vivre en paix, éviter les conflits, la guerre. Pour moi, à ce niveau, l’avenir semble incertain. Les candidats ont fait beaucoup de promesses pendant cette campagne, mais comment être sûr de ce qu’ils ont vraiment derrière la tête. Il ne faut pas toujours se fier aux figures d’ange, il se cache parfois un démon », plaisante Sophie. Ce qui importe à ces deux femmes, c’est de toujours pouvoir bénéficier du RMI, « pour nourrir les enfants ». Elles se contentent de peu, conscientes qu’il y a au monde plus pauvres qu’elles. « Il y a des gens qui n’ont pas à manger, qui doivent voler pour se nourrir. Même si parfois, on doit se contenter d’un morceau de pain et d’une boîte de sardines, au moins, le ventre est plein », confie Nathalie. « Et puis, il y aura toujours des malheureux, le gouvernement ne pourra pas donner du travail, un logement à tout le monde. Que pourra-t-il faire, par exemple, contre le racisme ? Peut-il empêcher les gens de l’être ? », se demande Sophie.

Aldo, 37 ans, est plus optimiste. Pour lui, il faut un changement radical, grâce à Ségolène Royal. « J’ai, dit-il, voté d’instinct, avec le cœur, pour le social : on a besoin d’emplois, de logement, de relever le pouvoir d’achat. Aujourd’hui, avec l’euro, on ne s’en rend pas compte, mais les prix ont vraiment grimpé. Les salaires sont aussi trop bas, ils subissent trop de charges ».

« Une bonne préparation pour les législatives et les municipales »

Mairie de Sainte-Rose, 13h30. Les électeurs arrivent au compte-gouttes. Normal, ils viennent de sortir de table. Mais qu’on ne s’y trompe pas, à Sainte-Rose aussi, la population est décidée à s’exprimer.
Philippe Plante, militant PS, est de permanence au bureau de vote de la mairie. D’après lui, les Sainte-rosiens ont défilé plus qu’à l’accoutumé toute la matinée dans les 7 bureaux de vote de la commune. « Cette fois, les gens veulent que l’on mette fin à la politique de casse sociale. Cette élection est une bonne préparation pour les législatives et les municipales », confie le militant.

Jean, 44 ans, vote depuis 20 ans à Sainte-Rose. Son choix s’est fait depuis le début de la campagne électorale. « Ce qui pèse ici, c’est le chômage. On attend plus de moyens de l’Etat pour y remédier ». Adeline, 29 ans, est d’accord avec Jean. Elle fait cependant partie de ceux qui travaillent. « J’étais la deuxième à voter ce matin, maintenant, j’attends mes amies, précise la jeune femme. Pour moi, c’était difficile de faire un choix. Il y trop de menteurs. J’ai voté pour le moins pire, celui qui avait un programme réaliste, réalisable. J’appartiens à la catégorie des salariés qui doivent tout payer et qui, pourtant, ont aussi des difficultés pour vivre. J’attends vraiment que l’on agisse pour nous ».

André, 39 ans, n’a pas éprouvé de difficulté à choisir un candidat. « Il suffit, dit-il, de suivre un peu les débats politiques à la Télé ». André espère que les Réunionnais ouvrent enfin les yeux. « C’est le moment ou jamais pour les Créoles de réfléchir. C’est le moment de remettre les choses à leur place, de désigner un bon Président. Ce gouvernement en a trop fait ». André ne demande pas grand-chose, juste du travail pour tous, des logements et une justice qui ne soit plus à deux vitesses.

Edith Poulbassia


Les jeunes, nouveaux inscrits

• Cindy, 21 ans

Pour un programme « complet et favorable à tous »

C’est la première fois que je vote. J’ai hésité entre 3 candidats, et pour choisir, j’ai parcouru les programmes. J’ai décidé en fonction du programme qui m’a paru le plus complet : l’économie, l’éducation, le travail, le social ; et également celui qui est le plus consensuel, qui est favorable à tous. J’ai bien mis une semaine pour me décider. J’attends de cette élection un résultat positif, pour l’emploi, plus d’aide pour l’éducation aussi, du social pour les personnes âgées, les handicapés, et moins de favoritisme pour les classes supérieures. Dans ma famille, nous avons beaucoup discuté des choix, mais avec mes amis, c’était plus réservé. J’espère que les jeunes vont se mobiliser cette fois, car la situation me paraît plus dangereuse qu’il y a quelques années.

• Lucie, 24 ans

« Un Président qui tienne ses promesses »

J’ai voté pour le programme qui m’intéresse, j’ai choisi entre 3 candidats. Je suis étudiante, alors j’ai particulièrement porté attention aux mesures en faveur des jeunes et de l’Outre-mer. Ce serait bien que pour une fois, un Président tienne ses promesses ! On en a assez des belles paroles. Comme en 2002, j’attends que le nouveau gouvernement prenne des mesures urgentes et efficaces pour l’emploi.

• Moïse, 19 ans

« Eviter la précarité »

C’est ma première élection. Je trouve qu’il y a trop de candidats, et il n’est pas évident d’y voir un candidat qui nous représente. J’ai beaucoup suivi les informations à la Télé. Ma plus grande préoccupation, c’est l’emploi. J’ai déjà cherché du travail, obtenu des petits boulots en intérim, en CDD, mais le CDI est trop rare. Finalement, j’ai commencé une formation en Bâtiment à l’AFPAR, mais je suis toujours inquiet. Dans le Bâtiment, les offres d’emplois sont aussi précaires.


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