Un des facteurs aggravant de la crise sociale

L’État doit au moins 27 millions d’euros à la Région Réunion : l’urgence du dialogue institutionnel

18 février 2009, par Manuel Marchal

Alors qu’en 2008, l’Acte 2 de la décentralisation s’est pleinement appliqué, force est de constater que les transferts financiers de l’État ne sont pas à la hauteur des compétences transférées. Il manque déjà au moins 27 millions d’euros. Et cette situation risque encore de s’aggraver, au moment où pour faire face à la crise et à la démographie, le Conseil régional doit plus que jamais investir.

Deux jours avant la rencontre entre les parlementaires, les représentants des collectivités des DOM et le président de la République, Paul Vergès a tenu une conférence de presse relative à un dossier débattu le matin par les élus de la Commission permanente de la Région : la compensation financière des transferts de compétence aux Régions décidés par l’État.
Lancé par la réforme constitutionnelle et les lois de 2003, ce transfert s’inscrit dans l’Acte 2 de la décentralisation. Il s’applique pleinement depuis l’an dernier dans les nouvelles compétences dévolues aux Régions. Et force est de constater que les objectifs affichés à l’époque par le législateur, à savoir un progrès dans l’administration, sont loin d’être atteints. C’est même le contraire qui se produit, avec des conséquences qui peuvent être bien plus importantes outre-mer que pour les collectivités territoriales en France : c’est le risque de paralysie de l’assemblée qui a la responsabilité de l’investissement.
Paul Vergès note un point commun entre la Région Réunion et les autres collectivités de la République : l’État est loin de compenser à l’euro près, comme le dit la loi, les transferts de compétences. 2008 était la première année où s’appliquaient pleinement les transferts vers les Régions relevant de quatre domaines principaux : le patrimoine culturel, les TOS, les formations aux carrières sanitaires et sociales, et les routes. L’écart entre les dépenses de la Région et la dotation de l’État s’élève à 27 millions d’euros. Et encore, c’est une estimation basse, prévient le président de la Région.

Rattraper les retards liés à la colonisation

A ces transferts financiers insuffisants au regard de la loi s’ajoute une spécificité commune aux quatre DOM : le rattrapage des retards de la période coloniale. Cela implique donc de construire des équipements, des infrastructures qui, en France, sont sortis de terre quand ils relevaient de la compétence de l’État.
À La Réunion, ce rattrapage est accentué par la croissance démographique qui va amener le pays de 800.000 à 1 million d’habitants. Or, « ce sont de nouvelles dépenses de fonctionnement qui n’existaient pas à l’instant T du transfert », indique Paul Vergès. Le président de la Région donne l’exemple du lycée de Saint-Paul IV, livré après le transfert des TOS aux Régions, et de la sécurisation de la route du Littoral (voir encadré). Sur de nombreux dossiers, la Région a donc recours à la juridiction administrative pour trancher le contentieux.

Faire avancer une vision stratégique

Ce déséquilibre entre charges et recettes provoqué par l’État oblige la Région à se recentrer sur ses compétences obligatoires. Paul Vergès évoque même des choix de priorités pour les gros investissements. « Ce problème fait partie de la crise générale dans les régions d’Outre-mer », constate le président du Conseil régional.
Sur cette crise, Paul Vergès précise que « l’on ne pourra plus revenir en arrière ». La rencontre de demain entre les parlementaires, représentants des exécutifs locaux et le président de la République est une étape dans cette évolution irréversible. Le moment est venu de mettre sur la table « toutes les raisons des inégalités, toutes les raisons qui empêchent le développement endogène », souligne Paul Vergès. Dans cette bataille, La Réunion a des atouts à faire valoir : une vision réunionnaise stratégique du développement durable. Cela passe notamment par une autonomie énergétique en 2025 avec les énergies renouvelables qui libérera La Réunion de l’importation de carburants fossiles et de charbon. Le président de la Région évoque aussi la pêche et les TIC, gisement de milliers d’emplois. Ce sont de nouvelles filières à construire, avec l’objectif de se situer dans « l’économie durable ».

Manuel Marchal


1,575 million d’euro par lycée chaque année

Dans le nouveau lycée inauguré à Saint-Paul, les TOS embauchés pour faire fonctionner le lycée sont payés par le budget propre de la Région, sans compensation de l’État. Car, selon ce dernier, puisque ce lycée n’existait pas au moment du transfert, il n’a pas à en financer le fonctionnement.
Chaque nouveau lycée représente un budget de fonctionnement de 1,575 million d’euro, et trois autres établissements doivent être livrés prochainement. Pendant les 20 prochaines années, La Réunion va continuer à vivre cet accroissement démographique, qui oblige notamment à livrer deux lycées tous les trois ans. Cette situation n’existe pas en France, ni en Guadeloupe ou en Martinique.
Le budget de fonctionnement d’un lycée à la charge de la Région est de 1,575 million d’euro par an.


Sécurisation de l’actuelle route du Littoral : l’État ne paie plus

La décision de construire une route en pied de falaise entre Saint-Denis et le port de commerce est une décision prise par l’État. Mais c’est aujourd’hui la Région qui a la charge de l’entretien très coûteux de cette route en attendant la construction d’une nouvelle infrastructure, dont le financement est contractualisé par le Protocole de Matignon.
Pour protéger les usagers des chutes de pierres, des travaux de sécurisation de la route du Littoral ont été engagés avant le transfert. Quand la compétence était à l’État, ce dernier avait sollicité la Région pour un co-financement. Bien que cela ne relevait pas de sa compétence, la Région a accepté de payer 50% du chantier. Ces travaux restent à achever, mais depuis le transfert de la compétence des routes nationales à la Région, l’État ne veut plus contribuer à ce chantier de sécurisation.


L’État doit déjà plus de 270 millions d’euros au Conseil général

« Le gouvernement veut-il amener la collectivité qui a la plus lourde charge d’investissements à la paralysie ? », c’est en substance la question que pose Paul Vergès. La compensation insuffisante du financement du RMI et de l’APA par l’État envers le Conseil général fait que maintenant l’État a une dette de plus de 270 millions d’euros. Mais ces 270 millions d’euros pèsent lourdement sur le budget de la collectivité qui a la compétence de l’action sociale. Cela amène le Département à emprunter, et à se recentrer sur ses compétences.


« Nous sommes confrontés à faire nos propres propositions »

Dans le débat autour du travail de la Commission Balladur, La Réunion occupe une place spécifique. C’est la seule région d’Outre-mer qui relève de l’identité législative sur le plan institutionnel, mais les données sont totalement différentes que dans les collectivités territoriales en France.
En effet, La Réunion est une région qui ne comprend qu’un seul département. Et dans notre île, les communes sont composées d’un ou plusieurs cantons, alors qu’en France, un canton est un regroupement de plusieurs communes.
Rien que ces deux faits expliquent pourquoi La Réunion doit aller vers « une solution spécifique qui ne découle pas de la situation en France. Nous sommes confrontés à faire nos propres propositions », précise Paul Vergès.

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