Gel des dotations de l’État, accusations voilées de mauvaise gestion

L’étau se resserre sur les collectivités territoriales

25 mai 2010, par Céline Tabou

A l’heure ou le gouvernement restreint les budgets et pointe du doigt les dépenses des collectivités, le Conseil Général attend toujours les 300 millions d’euros dus par l’État. Sous prétexte de la crise, le Conseil Général ne pourra pas compter sur ce remboursement.

Le plan d’austérité annoncé jeudi place les collectivités dans une situation difficile. Outre le gel des dotations, elles sont désignées coupables de contribuer à l’augmentation du deficit public. Le relevé des conclusions de la Conférence sur le deficit laisse planer la menace de l’organisation d’une mise sous tutelle des collectivités, sous prétexte de diminuer le déficit public de 7,5% du PIB à 3% en trois ans, pour aller dans le sens des critères de convergence de Maastricht. Le gouvernement veut anticiper les conséquences de la crise économique et financière, et faire cesser les réprimandes de Bruxelles sur la situation économique du pays.
Appuyé par le Rapport sur la situation des finances publiques, de Paul Chamsaur et Jean-Philippe Cotis, le gouvernement a décidé de « maitriser la dépense, présente et à venir, (...), qu’il s’agisse de l’État et, plus encore, des collectivités locales et des régimes sociaux, deux secteurs où la trajectoire de la dépense apparaît globalement insoutenable ». Ces mesures passent par un plan de rigueur sur les dépenses des collectivités territoriales (Conseil Général, Conseil Régional, Communes) dont le gel des dotation de l’État.

Le gel des dépenses

La stagnation des recettes des collectivités va entraîner une série de conséquences graves pour les Réunionnais, qui seront un million d’habitant d’ici 2025. En effet, cette hausse démographique devra être suivie par la construction d’établissements scolaires, de logements privés et publics. Cela va également engendrer une modernisation du réseau routier, des télécommunications, des infrastructures déjà existantes, sans oublier celle qu’il faudra créer.
Le manque de recette va entraîner une diminution du pouvoir d’achat des collectivités, et aura des répercussions sur l’activité économique de l’île. Certaines Petites et Moyennes Entreprises Réunionnaises, dont le BTP, dépendent des contrats des collectivités. La baisse du pouvoir d’achat va causer une diminution des recettes pour ces PME, mais aussi pour les entreprises qui dépendent d’elles. D’autant plus, que ce gel des dépenses va figer les investissements en cours, et stopper ceux à venir.

Les dotations de l’État remises en cause

Les dotations de l’État vont être revues par le gouvernement qui souhaite diminuer les dépenses des collectivités. Celles-ci concernent le fonctionnement courant des collectivités, l’aide à l’investissement, le financement des accroissements de charges résultant de nouveaux transferts de compétences, et la compensation des exonérations et dégrèvements consentis par la loi.
En France, à gauche, les élus accusent le gouvernement de faire payer la crise par les citoyens, à droite, les élus semblent résignés d’après l’Agence France Presse. Le gel des dotations va entraîner une baisse de l’activité économique dans les régions, mais également un déséquilibre entre elles, certaines plus riches que d’autre au niveau fiscal.
André Laignel (PS), secrétaire général de l’Association des maires de France (AMF) déclare que « si aujourd’hui il y a un grave problème de déficit public, il relève de la gestion calamiteuse de l’État ». Il ajoute dans un communiqué, « le président et son gouvernement qui ont creusé le déficit et l’endettement veulent boucher ce trou financier en creusant un autre trou, cette fois dans les finances locales. Ce n’est pas acceptable ».
La réforme des collectivités territoriales risque de creuser les inégalités en France, et à La Réunion, dont 52% de sa population est déjà sous le seuil de pauvreté.

Céline Tabou


Quand l’État remboursera-t-il les 300 millions d’euros ?

Lors de sa nouvelle mandature en 2008 au Conseil Général, Nassimah Dindar avait rappelé les difficultés budgétaires vécues par sa collectivité. La présidente du Département avait expliqué dans son discours d’investiture que « ces difficultés budgétaires, pour ce qui nous concerne, trouvent leurs origines dans l’insuffisance de compensation par l’Etat des charges transférées dont notamment le RMI et l’APA. Faut-il rappeler que la charge nette RMI et APA dépasse en cumul les 220 millions d’euros sur la période 2004-2007 ? ».
Aujourd’hui, la situation est encore plus grave, car le manque à gagner lié au transfert du RMI et de l’APA au Conseil général par le gouvernement s’élève à 300 millions d’euros. Cette somme n’a toujours pas été compensée, et risque de ne pas l’être. Sous prétexte de la crise financière et économique, l’État a décidé de ne pas payer ce qu’il doit, et va geler les dépenses, particulièrement les dépenses sociales.


Pourquoi réformer les collectivités en pleine crise ?

Jean-Michel Baylet, président du Parti Radical de Gauche et sénateur de Tarn-et-Garonne avait interpellé, en janvier dernier, lors de la discussion générale sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, la classe politique sur le moment choisit par l’État pour lancer la réforme sur les collectivités territoriales, « était-il bien opportun d’engager un si vaste chantier dans un contexte de graves difficultés économiques, sachant que les collectivités locales jouent le rôle d’amortisseur social et qu’elles sont le premier investisseur national ? »
En effet, les collectivités territoriales sont les plus aptes à aider et soutenir les citoyens dans le besoin (RMI, RSTA, Aides financières diverses), comme l’a expliqué Nicole Borvo Cohen-Seat, sénatrice du Parti Communiste Français d’Ile de France.
Celle-ci avait indiqué en décembre 2009 devant les sénateurs que « l’urgence à intervenir en cette matière (projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales, ndlr) était également discutable, dans la mesure où la priorité des citoyens était le maintien de leur pouvoir d’achat et de leurs conditions de vie ». La priorité, selon la sénatrice, est de faire face à la crise sans remettre en cause les dépenses sociales, qui sont pour une majorité des Français et Réunionnais, une nécessité.


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