Un modèle à bout de souffle —5—

L’impasse du pouvoir d’achat

2 novembre 2010, par Manuel Marchal

La semaine dernière, François Baroin, ministre du Budget, a annoncé une hausse de 3% du prix de l’électricité. Cette augmentation s’ajoute à celle du mois d’août dernier, 3% également. Dans un pays comme La Réunion, où plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, cette hausse d’un produit de première nécessité sera durement ressentie. Le pouvoir d’achat reste une préoccupation essentielle de la population car la faiblesse des revenus et la vie chère se conjuguent pour faciliter l’aggravation de la situation.

3% d’augmentation de l’électricité : la dernière annonce du ministre du Budget va avoir des conséquences importantes à La Réunion lorsqu’elle se concrétisera.
En effet, 64 ans après l’abolition du statut colonial, le modèle en place n’a pas réussi à mettre fin à la pauvreté, à la pénurie d’emploi, ou à celle de logements décents pas chers. Dans "Témoignages" de samedi dernier, il a été également question de l’incapacité du modèle à donner la possibilité aux Réunionnais d’avoir droit à un moyen de transport moderne, écologique, ponctuel et bon marché. Le tout-automobile est en effet un mode de déplacement très coûteux, car fonctionnant avec une matière première dont le prix ne peut qu’augmenter.

Des revenus fixés en dehors de notre réalité

Les conséquences de tous ces blocages, c’est une population ayant majoritairement des revenus très faibles. En 2006, c’est-à-dire avant l’aggravation de la crise, 52% des Réunionnais vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Chaque hausse d’un produit de première nécessité prend donc des conséquences désastreuses.
Cela est d’autant plus grave que la situation réunionnaise en matière de revenu est très différente de celle de la France. La part de la population concernée par les minima sociaux et les salaires en fonction du SMIC est beaucoup plus importante à La Réunion qu’en France. Le montant de ces revenus est fixé par le gouvernement, en fonction de l’examen de la situation de la France. Or, comme l’indique l’évolution de l’indice des prix notamment, l’inflation est plus forte dans notre île qu’en France. Résultat : c’est une perte de pouvoir d’achat pour tous les Réunionnais concernés, à chaque décision de revalorisation des revenus dépendant du gouvernement.

Coût de la vie très élevé

À cela s’ajoute un autre fait : un coût de la vie très élevé. Cette situation est reconnue par le gouvernement puisqu’il décide de verser tous les mois aux agents de l’État un complément de revenu dit prime de vie chère. Cela permet d’augmenter le salaire d’un fonctionnaire de 53%, ce qui signifie donc que l’État reconnaît que les prix sont 53% plus chers qu’en France.
Mais mis à part les fonctionnaires titulaires, tous les autres Réunionnais ayant des revenus fixés par le gouvernement n’ont pas les moyens de se payer la vie chère. Ils doivent se débrouiller avec la même somme que touche un travailleur en France placé dans la même situation.
Pénurie d’emploi, pauvreté, coût de la vie très élevé et inflation : ces facteurs se combinent pour affaiblir le pouvoir d’achat des Réunionnais sans qu’un modèle à bout de souffle puisse changer la donne.

Manuel Marchal


L’augmentation du pouvoir d’achat grâce à la lutte

La lutte contre la vie chère, pour la hausse des revenus, et donc pour le pouvoir d’achat est une constante des batailles revendicatives des Réunionnais.
En effet, le refus de l’application de l’égalité dès le 1er janvier 1947 avait eu pour conséquence des revenus beaucoup plus faibles qu’en France. Cela explique pourquoi la part de l’alimentation était beaucoup plus importante qu’aujourd’hui dans le budget des familles.
Mais dans le même temps, les prix étaient toujours marqués par la vie chère. Un travailleur devant se débrouiller avec un SMIC réunionnais moins élevé qu’en France était confronté à des prix plus élevé qu’en France.
La conquête de l’égalité a permis d’augmenter les revenus, mais elle n’a pas amené la baisse des prix.
De plus s’ajoute l’opacité sur la formation des prix. À la différence de la France, La Réunion n’est pas dotée d’outils chargés de faire la transparence sur les marges. Et il a fallu la lutte d’un collectif pour qu’enfin soit installé un Observatoire des prix et des revenus, sept ans après la promulgation de la loi !
L’an dernier, le pouvoir d’achat était au cœur des revendications des manifestations du COSPAR et de la population.
La lutte avait permis d’obtenir des avancées dans ce domaine. Le COSPAR avait en effet arraché la baisse du prix de 254 produits de grande consommation, ainsi que la baisse des prix du gaz et des carburants.
À ce moment là, tous les arguments invoqués pour justifier la vie chère ont été balayés par la force de la lutte.


Variation de l’indice des prix depuis 1998
+24% à La Réunion
+21% en France

3 points de différence, mais pour tous les revenus fixés par le gouvernement (RMI, SMIC…), il n’y a pas de différence entre une augmentation décidée pour La Réunion et une pour la France.


Inflation à La Réunion : 2,3%
Inflation en France : 1,9%


Prix dans l’alimentation :
+2% en un an à La Réunion
+0,8% en un an en France


Produits pétroliers
15,7% d’inflation à La Réunion
11,8% d’inflation en France


Loyers et services rattachés
2,5% de hausse en un an à La Réunion
1,5% de hausse en un an en France


Transports et communication
3,8% de hausse en un an à La Réunion
0,1% de baisse en un an en France

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