Les enseignements de l’éboulement de la route du littoral — 3 —

L’impasse financière d’un chantier pharaonique

9 février 2011, par Manuel Marchal

Deux jours avant un rendez-vous avec François Fillon pour discuter de l’arrêt du chantier du tram-train, la presse publie une vue d’artiste d’un viaduc à six voies lancé au dessus de l’océan. Coût annoncé du projet : 1,6 milliard d’euros. Quelques heures après l’éboulement de vendredi dernier, le président de la Région est revenu sur ce point, insistant sur la construction d’une route à 1,6 milliard. Mais ce montant prévisionnel est déjà dépassé depuis plusieurs mois.

Dès son arrivée à la tête de la Région, Didier Robert a annoncé l’annulation du tram-train. Quant à la nouvelle route du littoral, il a fait voter le 24 juin 2010 un report du chantier. Car, entre temps, le nouveau président de la Région a considérablement changé le projet. D’une route à quatre voies, la route du littoral passe à 6 voies, avec la contrainte d’être capable d’accueillir un jour sur deux voies un transport ferré.
Quand un accord est signé entre François Fillon et Didier Robert, il se fait sur la base d’un coût total de 1,6 milliard d’euros, pour une livraison prévue en 2020. Cette estimation n’a pas manqué de surprendre, car elle signifie un surcoût d’à peine 200 millions d’euros sur un autre projet qui avait comme différence de comporter deux voies de circulation de moins, et qui n’avait pas besoin d’être dimensionné pour accueillir un train.
Pourtant, c’est cette somme de 1,6 milliard d’euros qui est inscrite dans le document signé par le président de la Région et le chef du gouvernement le 24 octobre dernier à Matignon. Sur ce total, l’État s’engage sur 532 millions, l’Europe sur 151 et la Région sur le reste, soit au moins 669 millions d’euros, et à la différence du protocole signé trois ans plus tôt par Paul Vergès et Dominique de Villepin, rien ne prévoit une réévaluation de la participation de Paris en cas de surcoût ou en cas de retrait de l’Europe.

Déjà 100 millions de plus que prévu

Cinq jours après la signature de l’accord Robert-Fillon, patatras… la facture a déjà augmenté de 100 millions. En effet, les élus de la Commission permanente de la Région avaient à se prononcer sur plusieurs solutions techniques relatives à la nouvelle route du littoral. C’est la variante la moins onéreuse qui a été choisie : 1,7 milliard d’euros.
Et ce n’est pas fini, car le monde entier vit une hausse impressionnante du prix des matières premières. Ceci touche en particulier les matériaux de construction. À supposer que le début du chantier soit effectivement en 2013, son coût prévisionnel aura probablement dépassé les 2 milliards. Mais sur la base de l’accord signé par Didier Robert, la part de l’État sera de 532 millions, celle de l’Europe 151, et celle de la Région dépassera alors allègrement la barre du milliard.
Ce serait donc aux Réunionnais de financer l’essentiel d’un chantier pharaonique destiné à réparer une erreur qui leur a été imposée à la fin des années 50 par un gouvernement, à une époque où le suffrage universel était bafoué à La Réunion par ce même gouvernement.

Vers la banqueroute ?

Tout ceci montre à quel point ce projet est dans une impasse financière. Et cela, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le gouvernement a décidé d’appliquer depuis le 1er janvier un plan de rigueur sur trois ans. Difficile de croire dans ces conditions que Paris libère plus de 500 millions d’euros.
Vient ensuite la clause suspensive de la conformité aux orientations du Grenelle de l’Environnement, annoncée en mai dernier par la ministre de l’Outre-mer. Construire une route à 6 voies au dessus de l’océan en élargissant l’emprise de l’infrastructure sur un banc de corail, est-ce écologique ?
Enfin, le plan de rigueur du gouvernement vise également à limiter les ressources financières des collectivités. Au bout de trois années de ce plan, et lorsque l’on constate que la nouvelle équipe de la Région privilégie des dépenses telles que l’achat d’ordinateurs ou le financement d’“emplois verts” aux investissements, dans quelle situation seront les finances de la Région ?

M.M.

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