L’impossible débat...

27 mars 2007

Emmanuelle Haggai a reçu, lors du débat politique hebdomadaire de la Rédaction de Télé Réunion, Darma Seethanen, Porte-parole du Comité de soutien à José Bové et Gilbert Manes, Délégué départemental adjoint du Front National. Je suis toujours un peu interloqué lorsque je vois des hommes qui représentent une idéologie d’extrême droite. Aussitôt que je vois paraître à l’écran un individu qui prétend que nous sommes divisés en "races", une phrase de Saint-Just me revient en mémoire : « Pas de liberté pour les ennemis de la Liberté » ! Mais surtout, ce qui pose problème dans chaque campagne électorale, c’est que l’on croit devoir opposer deux extrêmes dans un même débat. Entendons-nous bien, ce ne sont pas les journalistes qui doivent être mis en accusation (pour une fois), mais bien l’hégémonisme des grandes formations politiques et de leurs leaders ! La presse ne fait que subir dans cette affaire. Les principaux protagonistes des campagnes électorales refusent la confrontation avec des candidats plus modestes, pourquoi...? Lors d’un précédent "Face à Vous", nous avons vu, face à Alain Armand (candidat à la députation dans la 1ère circonscription), le représentant des jeunes UDF, personne fort capable au demeurant. Mais n’aurait-il pas été plus judicieux et plus démocratique d’opposer le Président du MRA à celui qui devrait être son principal adversaire, René-Paul Victoria ? Alors, les hommes politiques confortablement installés dans leur mandature auraient-ils peur d’affronter les "petits jeunots" en politique, qui tentent de se frayer un chemin dans le marigot électoral ? Il semblerait que oui ! Tout simplement parce que lorsque les hommes politiques s’auto-régulent entre eux, ils ne veulent pas que de vilains petits canards viennent jouer dans leurs cours et leur poser des questions sur ce qui est devenu pour eux un métier qu’ils exercent de façon alternée, "gauche-droite", mais tous issus du même microcosme.
Aucun nouveau politique ne peut s’exprimer dans la cour des grands sans y avoir été invité par la nouvelle "noblesse" (noblesse au sens péjoratif du terme) politicienne de notre pays. Et pour entrer dans le saint des saints, il faut en général avoir accompli une action récupérable par un grand parti politique. Ainsi, si vous organisez une action médiatisée, on vous veut et on vous absorbe le plus tôt possible avant que vous soyez capable d’initier un grand mouvement qui perturberait l’ordre immuable des grands partis.
Regardez, les nouveaux dirigeants du Parti Socialiste en Métropole sont issus de grands mouvements, ou sociaux ou humanitaires, et cela, à chaque renouvellement de génération. Bernard Kouchner doit sa place au sein du PS parce qu’à un moment donné, il a été un danger pour ce parti, il appliquait une pensée humaniste, il réalisait concrètement ce qui devrait être la pensée de gauche ! En créant "Médecins Sans Frontières", le "french Docteur" a joint l’action à la parole. Plus près de nous, regardez ce qui s’est passé pour Monica Govindin. C’est par son action à la tête des “emplois jeunes” qu’elle s’est fait entendre et qu’elle a pu obtenir le sésame pour son entrée en politique. Il en sera forcément de même pour le Président de l’association "Momon Papa LéLa" et ainsi de suite. Camille Sudre n’est-il pas entré en politique par la médiatisation à outrance de son combat pour une Télé qui n’était somme toute qu’un prétexte ? Si vous voulez réussir en politique, si vous voulez arriver pour mettre en place vos idées, surtout ne faites pas de politique, car vous ne serez pas remarqué, et de toutes les façons, la classe politique installée n’a pas besoin de vous ! Elle sait !

Extrêmement vôtre... !

Maintenant, revenons au débat entre le représentant du Front National et le représentant de José Bové. Tout d’abord, ce débat était-il possible ? Mettre face à face deux extrêmes de l’échiquier politique, est-ce bien souhaitable ? Bien évidemment que non ! Un débat ne s’instaure que si les deux protagonistes sont à la frontière l’un de l’autre, sinon, la discussion se transforme en deux monologues inaudibles, et ni les partisans de l’un ou de l’autre, ni les hésitants téléspectateurs n’en retirent la moindre idée pour asseoir leurs convictions. Une rencontre d’une telle nature ne peut-être qu’assimilée à l’action de réunir un chien et un chat dans une même cage. Il aurait été plus judicieux si, bien entendu, les grands partis l’avaient accepté, de faire se rencontrer devant les caméras les représentants de Ségolène Royal et de José Bové, d’une part, et ceux de Le Pen et de Nicolas Sarkozy, d’autre part ! À ce moment seulement, les débats auraient apporté quelque chose ! Mais voilà, le courage plus que discutable des grands partis politiques pousse leurs chefs à ne pas vouloir de telles confrontations ! C’est que, voyez-vous, chez nous, on ne se mesure qu’à des gens de notre classe Môssieur" ! Pourtant, il est évident que lors d’un premier tour des élections présidentielles ou autres, les partisans d’une même mouvance doivent convaincre et faire bouger les lignes à l’intérieur de leur espace, pour justifier de leur présence à ce qu’il faut bien assimiler à des primaires. Il est certain que de Ségolène Royal à José Bové, il y a une fracture gauche-gauche que les candidats doivent combler d’un côté comme de l’autre, s’ils veulent justifier leur légitimité à représenter leur camp ! Quant aux extrêmes, puisque tel est mon propos, je trouve véritablement dommage qu’une certaine gauche, "La gauche Anti-Libérale" (puisqu’elle veut se nommer ainsi), se soit laissée enfermer dans le vocable "Extrême Gauche". Personnellement, et même si je ne peux me résoudre à voter pour M. Bové, je ne vois pas en lui un extrémiste, il ne fait qu’appliquer ce que je vous disais plus haut. "Médiatiser son combat pour occuper un espace au sein des grandes organisations politiques afin de porter ses idées au pouvoir". Après tout, le Parti Socialiste n’est-il pas le plus grand repaire d’ex-trotskistes ? Souvenons-nous que l’un de ses plus célèbres membres, Lionel Jospin, pour ne pas le nommer, a longtemps, après son entrée dans ce grand parti démocratique, continué à militer par ailleurs dans une mouvance révolutionnaire qui prônait la révolution armée et violente ! Alors, dirait-on de Lionel Jospin que c’est un extrémiste !? Pour moi, on peut parler d’extrémisme de gauche avec Arlette Laguiller, et là, on pourrait même dire : "Extrémisme et sectarisme". En effet, "Lutte Ouvrière" est une nébuleuse pas véritablement claire ! Tout comme pour le "Front National" et le "Mouvement Pour la France".

Renouveau politique vous avez dit renouveau politique !!

Il existe une droite et une gauche prêtes à gouverner et cette droite et cette gauche sont identifiables, chacune dans son spectre particulier ! C’est une spécificité bien française que jamais nous ne gommerons. Quoi qu’en disent certains, la France ne peut pas se gouverner, ni au centre, ni avec les extrêmes, les vrais extrêmes ! Lorsque Valéry Giscard d’Estaing a été au pouvoir, nous avons pu nous rendre compte du blocage, il a finalement choisi de s’appuyer sur la droite pour gouverner. L’impossible débat est là devant nous et encore une fois, notre société passera à côté ! On croit que les prochaines élections vont voir émerger des femmes et des hommes nouveaux, c’est un leurre : Ségolène Royal déambule depuis bientôt 30 ans sous les Ors de la République où elle a occupé différentes fonctions. Nicolas Sarkozy a pris le pouvoir sur les jeunes RPR, il avait 18 ans et depuis, il ne cesse de vivre aux crochets de la République avec différents mandats, François Bayrou vit également de ses mandats depuis une trentaine d’années, il a lui aussi occupé plusieurs ministères dans des gouvernements de droite. Jean-Marie Le Pen a lui aussi largement profité des largesses de la République et de ses fonctions à la tête de son parti, on peut dire que cela fait plus de cinquante ans qu’il bat l’estrade avec ses idées nauséabondes. Ne parlons pas d’Arlette, cela fait sept fois qu’elle vient nous asséner son "Travailleur, Travailleuse" ! Où est le renouveau politique dans tout cela ?
(...) Décidément, on n’a pas fini de parler de la première véritable campagne électorale de ce 21ème siècle !

Philippe Tesseron
http://pht974.blog-reunion.com/


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