Les mesures urgentes et prioritaires

L’intégration régionale de La Réunion

14 avril 2007

Dans le programme transmis aux candidats à la Présidentielle, l’Alliance propose en particulier d’amplifier les actions visant à favoriser l’intégration de La Réunion dans son environnement régional. Il s’agit en particulier de promouvoir l’implication de notre île dans le co-développement régional. Il est également primordial de veiller à la sauvegarde des intérêts de La Réunion dans le cadre des négociations des Accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays voisins.

L’insertion de La Réunion dans son environnement régional fait l’objet d’un consensus. C’est une nécessité pour son développement au sein des pays francophones de la Commission de l’Océan Indien (COI) dans laquelle la France est largement impliquée et, au-delà, des blocs régionaux d’envergure qui se constituent en Afrique orientale et australe et dans l’Océan Indien. Département de la République et RUP d’Europe, La Réunion permet à la France et à l’Union européenne d’être présentes sur la voie des échanges qui s’amplifient entre l’Asie et l’Afrique, continents où émergent trois grandes puissances régionales : la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud.

Le co-développement

Il est à bâtir d’abord avec les îles voisines de La Réunion. En 1947, Madagascar, Maurice, La Réunion, les Comores et les Seychelles comptaient à peine 5 millions d’habitants. Aujourd’hui, ces cinq îles et archipels totalisent déjà 22 millions d’habitants et, en 2050 - si un partenariat fondé sur le co-développement s’est imposé -, elles constitueront une zone d’échanges de près de 50 millions d’habitants. La France et l’Union européenne doivent donc s’appuyer encore plus sur notre île pour leurs actions de développement conjoint dans le Sud-Ouest de l’Océan Indien, car La Réunion ne se sauvera pas toute seule. Cependant, les actions de la France et de l’UE doivent être conduites avec la constante préoccupation d’instaurer un équilibre tenant compte non seulement de la présence de notre île dans cette zone, mais également des intérêts de La Réunion qui sont aussi des intérêts nationaux et européens. Le partenariat, déjà fructueux, entre l’État et les Collectivités locales en ce domaine sera approfondi, et la politique de “grand voisinage”, voulue par la Commission européenne, mise en œuvre dans le respect de cet indispensable équilibre.

L’enjeu des Accords de Partenariat Economique (APE)

Conformément à l’Accord de Cotonou et dans le prolongement du Sommet des chefs d’État et de gouvernement de la COI en 1999, concernant l’association de La Réunion à une zone régionale de libre échange, l’État doit veiller à la sauvegarde des intérêts de La Réunion dans la négociation en cours d’un Accord de Partenariat Economique entre l’Union européenne et les pays ACP de l’Afrique orientale et australe. Les APE représentent en effet pour nos voisins ACP, comme pour La Réunion elle-même, autant de dangers que d’opportunités. C’est la prise en compte ou non de nos intérêts et de notre situation spécifique originale, dans l’esprit de l’article 299-2 du Traité d’Amsterdam, qui déterminera l’impact positif ou négatif des APE pour La Réunion.

La question des visas

Les difficultés considérables d’obtention de visas pour La Réunion sont un frein à l’intégration régionale. Or, celle-ci doit permettre non seulement les échanges de marchandises ou de capitaux, mais aussi la mobilité des hommes. La solution à ce problème conditionne les échanges économiques, le tourisme, les liens culturels que La Réunion veut nouer avec les pays ayant contribué à son peuplement. En outre, les “tracasseries” opposées aux ressortissants des pays de la région font perdre à la France le bénéfice politique des actions de coopération qu’elle y mène. Aussi, attend-on des mesures plus globales concernant la facilitation de délivrance de visas, cette question représente aussi un enjeu important sur le plan économique. Le développement des échanges avec l’Afrique du Sud, l’Inde ou la Chine dépend pour beaucoup de l’assouplissement des conditions de délivrance des visas. Cette question des visas est particulièrement décisive pour le tourisme et la diversification des marchés émetteurs.


Paroles de Réunionnais

C.F. Godériaux - Président d’Honneur du Comité Régional de La Réunion des Conseillers du Commerce Extérieur de la France

L’ouverture de La Réunion sur son environnement international : mythe ou réalité ?

Si l’on peut reconnaître au programme de l’Alliance de mettre une nouvelle fois l’ouverture de La Réunion sur son environnement régional comme l’une des priorités pouvant favoriser le développement économique, social, culturel et sportif de notre île, cette position étant également reprise par les responsables de l’Etat et de certains organismes (CCIR, AD, Club Export, SR21...), il faut bien avouer que le bilan de cette ouverture déjà prônée depuis plusieurs années, et dès les premières lois de décentralisation, ne peut guère montrer, à l’heure actuelle, de résultats positifs et encourageants pour notre île. Il faut savoir par ailleurs de quelle “ouverture” on parle et vers quels pays ou groupes de pays.

Pour se cantonner au domaine du développement économique, qui est le mien, plusieurs facteurs font que cette ouverture reste le fait de quelques opérateurs, qui connaissent effectivement de belles réussites dans divers pays, qui ne sont bien souvent pas ceux vers lesquels sont braqués les regards des responsables politiques et des organismes cités ci-dessus :

1- Le désintérêt quasi général de la classe politique locale pour l’ouverture de La Réunion sur son environnement international et sa méconnaissance des enjeux géo-politiques et géo-économiques mondiaux et régionaux qui influencent bien évidemment le mode de développement de notre île.
Seul le Président de l’Alliance possède cette connaissance, mais a encore trop peu de temps disponible pour s’en servir et la mettre à la disposition des opérateurs.

2- Le manque flagrant de travail en commun de la classe politique et des chefs d’entreprise, et plus généralement du secteur privé, pour cibler les actions à entreprendre vers les destinations les plus porteuses, qui ne sont hélas pas celles vers lesquelles nous entraînent un certain nombre de responsables.

3- L’absence de multilinguisme de la plupart des responsables des secteurs public et privé.

4- Le suivi d’un certain nombre de “modes” (il y a eu la Chine, puis maintenant l’Inde, puis il y aura le Brésil...) qui peuvent parfois être justifiées à condition de bien les cerner et de rester à notre modeste niveau. Quel est le bilan économique, pour La Réunion et pour la France de l’Océan Indien, des actions coûteuses développées avec la Chine. Combien d’exportations réunionnaises, combien d’implantations d’entreprises réunionnaises ??
Mais en contrepartie, combien de flux de biens de la Chine vers La Réunion ? Notre ouverture vers l’extérieur doit être fondée sur le principe “gagnant-gagnant” avant tout.

5- Le manque de présence professionnelle et active des responsables politiques et administratifs, mais également privés de notre île auprès de beaucoup de centres de décisions parisiens et européens, afin de “capter” en amont ce qui se passe dans notre environnement régional, du premier cercle (pays membres de la C.O.I.), du second cercle (Afrique Australe et de l’Est) et du troisième cercle (Moyen-Orient, Sous-continent indien, Chine, Australie).

6- L’absence depuis bientôt maintenant une année de mesures soutenant les entreprises locales dans leur développement à l’international après le retrait brutal de l’Etat.
Les mesures reprises dans le programme “Cap Export” ne correspondent pour la plupart pas aux besoins de nos entreprises et sont gérées par des interlocuteurs n’ayant qu’une connaissance partielle du contexte local et régional. Le centralisme bureaucratique a encore de beaux jours devant lui...

7- L’absence d’une image claire de notre île au niveau international : nous avons des chefs d’entreprise plus performants et dynamiques, plus la plupart du temps, que leurs homologues métropolitains à secteur d’activité et à taille d’entreprise équivalents, mais qui sont bien souvent assimilés à des privilégiés vivant sous la douceur des tropiques, plus qu’à des créateurs d’activités, d’emplois et de richesses.

8- L’éloignement de notre mode de pensée de celui qui prévaut maintenant dans la plupart des pays qui réussissent : responsabilisation individuelle et collective, notion de “retour sur investissement” (qu’il concerne le secteur privé ou le secteur public), prise de risques, mobilité, remise en cause permanente des acquis...
L’assistanat qui prévaut dans la société française n’est pas un moteur de développement, pas plus que celui du “pantouflage” de la haute fonction publique.

Tout cela pour ne citer que quelques éléments.

La Réunion a beaucoup d’atouts pour réussir : pourquoi ne pourrait-elle pas le faire en accordant moins de place au discours et plus à l’action, en faisant en sorte que le professionnalisme l’emporte sur l’amateurisme ?

Mme Isabelle Soubaya, maître de conférences en Economie à l’Université de La Réunion

Mme Isabelle Soubaya, que pensez-vous du Programme de l’Alliance en ce qui concerne les Accords de Partenariat Economique (APE) ?

- Devant l’échec relatif des différentes conventions de Lomé, fondées essentiellement sur le développement des échanges, l’Accord de Cotonou a été mis en place en 2000 avec comme principal objectif l’éradication de la pauvreté et l’insertion des pays ACP dans l’économie mondiale. Ainsi, cet accord prévoit, d’ici le 1er janvier 2008, la signature d’APE entre l’UE et les pays ACP.
En tant que Région européenne Ultra-périphérique, entourée de pays ACP, La Réunion doit faire entendre sa voix pour que ces caractéristiques spécifiques d’insularité et de vulnérabilité, considérées dans Lomé, soient maintenues dans Cotonou. Cette spécificité a d’ailleurs été reconnue par l’OMC, sous le générique de petite économie insulaire et vulnérable, du fait des difficultés d’intégration dans le commerce mondial. Par conséquent, cette prise en compte de nos intérêts pourra être un atout pour que La Réunion réussisse complètement son processus d’intégration et ne soit pas pénalisée par ce démantèlement de la concurrence régionale. En effet, dans le cas d’un “oubli” de La Réunion des négociations, la marginalisation que connaît l’Afrique aujourd’hui risque d’affecter notre île demain.
Par ailleurs, les APE, avec l’accès à un marché de près de 400 millions d’habitants, apparaissent comme une opportunité à saisir. Mais pour que cela soit le plus efficace, il faut identifier les secteurs potentiellement menacés et ceux, au contraire, dans lesquels nous avons un avantage comparatif. Avec près d’un million d’habitants demain, et dans une perspective de développement durable, La Réunion doit valoriser, à côté de ses filières traditionnelles, les activités pour lesquelles elle est compétitive. Il semble par ailleurs indispensable de valoriser notre statut de pôle d’excellence acquis notamment dans le domaine de la formation et grâce à notre savoir-faire technologique. Il pourra alors être envisagé, entre des pays ACP et La Réunion, une segmentation du processus productif, en fonction des avantages comparatifs de chacun, afin de générer des gains mutuellement avantageux. En d’autres termes, il faut identifier les secteurs menacés par une potentielle concurrence étrangère qui se fera probablement dans des activités abondantes en main-d’œuvre peu qualifiée. Cette identification des secteurs “stratégiques”, pour être efficace, ne doit cependant pas être dissociée d’un lobbying politique afin de porter au plus haut cette vision de l’intégration de La Réunion. Il est, par conséquent, absolument nécessaire que l’économique et le politique se rejoignent afin que La Réunion relève ce défi des APE.

Propos recueillis par Matthieu Damian


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