Une spécificité du financement des collectivités de l’Outre-mer

L’octroi de mer et l’intégration des régions d’Outre-mer dans un marché unique mondial

12 novembre 2007, par Manuel Marchal

De 33 à 67% des recettes des communes, 25% des recettes du Conseil Régional : c’est la part de l’octroi de mer à La Réunion, selon les comptes administratifs 2005, indique le rapport 2007 de l’Observatoire des Finances locales. Ce qui signifie que toute remise en cause de ce dispositif ne peut avoir que d’importantes conséquences. Or, l’intégration dans la mondialisation ultra-libérale met en contradiction ce type de dispositif spécifique avec les orientations de l’OMC mises en musique par l’Union européenne.

La reconnaissance de la légitimité de l’Octroi de mer au niveau de l’Union européenne s’est traduite en 2004 par la décision du Conseil de l’Union européenne de reconduire jusqu’en 2014 ce régime fiscal spécifique. Ce qui veut dire qu’au cours des six prochaines années, l’octroi de mer continuera à contribuer à l’amélioration des « conditions de compétitivité des productions des départements d’Outre-mer », dit en substance le rapport de l’Observatoire des finances locales.
Petit rappel, cette taxe spécifique remplit deux objectifs. Le premier est de compenser la faiblesse des recettes fiscales des collectivités territoriales ultramarines liée notamment à la faiblesse des revenus de la population et à des « exonérations particulières concernant la taxe d’habitation et les taxes sur le foncier », indique le rapport.
Le second est d’élever une barrière fiscale pour protéger les productions locales de la concurrence venue d’autres pays.

Spécificité

Ce deuxième point entre en contradiction avec les règles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) veut imposer. L’OMC prône le libre-échange sans entrave, c’est-à-dire en démantelant les barrières tarifaires. Cette orientation se retrouve dans les propositions de l’Union européenne aux pays d’Afrique-Caraïbes-Pacifique dans le cadre des négociations des Accords de partenariat économique.
Dans un document publié en avril dernier, l’Union européenne offre un accès total et sans droit de douane aux produits fabriqués dans ces pays dès le 1er janvier prochain. Une période de transition est néanmoins prévue pour le sucre. Sur la base de cette négociation des APE, l’Union européenne a mis fin unilatéralement au Protocole Sucre qui permet en particulier à Maurice de bénéficier d’un quota et d’un prix garanti pour exporter vers l’Europe. Ce qui veut dire qu’un des piliers du développement de Maurice est remis en cause par la perspective de voir le prix de son sucre fixé par le marché dans quelques années. C’est le résultat des règles de l’OMC et de la volonté d’ouvrir les marchés au maximum qu’elles signifient.
Dans ce contexte, de légitimes inquiétudes existent pour l’octroi de mer. En effet, dans le cadre des négociations des APE, des ACP demandent la fin de l’octroi de mer dès janvier prochain. Les régions d’outre-mer sont en effet au contact direct des pays ACP. Pour ces derniers, c’est le marché européen à portée de la main. Pour les régions d’outre-mer, la fin de l’octroi de mer, c’est la remise en cause de la survie d’entreprises, donc la menace du chômage. C’est également la fin brutale d’une part de recette très importante pour les collectivités territoriale de l’Outre-mer.

L’échéance 2014

Dans notre région Océan Indien, La Réunion a été invitée par nos voisins à participer aux négociations. Lors de la dernière session extraordinaire des ministres de la COI, la déclaration finale prend en compte le statut de région ultrapériphérique de La Réunion reconnu dans l’article 299-2 du traité d’Amsterdam de l’Union européenne. Cet article donne droit à un traitement spécifique et différencié du fait de plusieurs handicaps permanents tels que l’éloignement ou l’insularité.
A partir de la reconnaissance de cet acquis par les pays ACP de la région, l’octroi de mer peut être maintenu jusqu’en 2014.
Il est donc essentiel de mettre à profit ce délai pour imaginer des solutions visant à faire face à l’échéance 2014. Car rien ne dit que dans six ans, l’Union européenne souhaitera maintenir cette spécificité. Ce sont donc de nouvelles règles qu’il reste à proposer, en concertation avec les pays de l’environnement géographique de La Réunion. Six ans, c’est donc le délai pour préparer cette nouvelle étape qui s’inscrit dans l’intégration de La Réunion dans la mondialisation ultra-libérale.

Manuel Marchal



Un moyen de créer et de maintenir des emplois

« La part de l’octroi de mer dans les recettes des collectivités locales concernée est très significative. Pour les régions d’Outre-mer, l’octroi de mer représente entre 25 et 42% de leurs recettes fiscales, et entre 14 et 29% de leurs recettes réelles de fonctionnement. Pour les communes, le poids de l’octroi de mer est encore plus déterminant : en moyenne, pour les communes de chacune des régions, l’octroi de mer représente de 39 à 52% des recettes fiscales, et entre 25 et 35% des recettes de fonctionnement » : telle est la part de l’octroi de mer dans le financement des régions et des communes d’Outre-mer selon les comptes administratifs 2005 repris dans l’annexe 3 du rapport de l’Observatoire des finances locales sur les finances des collectivités locales en 2007.
L’octroi de mer est un dispositif fiscal spécifique à l’Outre-mer. Taxe indirecte sur les produits importés, et depuis 1992 sur les produits locaux dans les DOM, ses recettes sont versées aux collectivités territoriales : communes, Régions et Département de la Guyane. « Sa légitimité a été reconnue par les institutions communautaires pour donner aux collectivités territoriales des DOM les moyens de leur propre développement et contribuer ainsi à la croissance ou au maintien des activités économiques locales et des emplois », souligne l’Observatoire des finances locales.

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